
JE ME FOUS DE CLAUDE LÉVEILLÉ
Il n’y a pas une semaine où le Gouvernement de la

Si ce n’était que de cette fraude, nous pourrions en rigoler et nous dire, voilà encore un sapin qu’on vient de nous passer! Quelle largeur a le trou de cul d’un Québecois? Assez pour y rentrer une forêt d’épinettes au grand complet. Telle est la seule leçon que nous pouvons tirer du «Plan Nord». Au moins les Autochtones l’ont-ils encore plus large, puisqu’ils vont travailler eux-mêmes à la dépossession de leurs propres territoires. Qu’en est-il pour eux de ces si

Cette semaine - était-ce parce que c’était la clôture de la session parlementaire? -. l’ignoble atteignit le fond des abysses de l’indignité. D’abord la cheftaine de l’Opposition officielle qui va jusqu’à demander au gouvernement d’imposer le bâillon à ses propres troupes si jamais

Une fois de plus, nous voyons l’incapacité du gouvernement du Québec à reconnaître ce qu’est la culture, non pas au sens du terme allemand Bildung, la langue maternelle, qui ne sert plus qu'à mobiliser les foules en temps de crise vue son pitoyable enseignement, mais au sens même du mot Kultur, c’est-à-dire l’essence de l’identité d’un peuple. Non seulement les paroles des chansons de Léveillé nourrissent-elles

Comédien, Léveillé fut fondateur des Bozos avec Raymond Lévesque, Clémence Desrochers et Jean-Pierre Ferland; on pense, bien sûr, à Bozo-les-culottes de Lévesque. Ce Bozo qui prend

Il faut s’arrêter aux paroles des chansons de Léveillé pour bien comprendre en quoi elles ont traduite ce passage de l’enfance à l’âge adulte, avec ses grandeurs et ses misères. Écoutons-là. Entendons les mots, ce qu’ils disent, car comme le chantait le meilleur Charlebois: les mots, les mots sont tout-puissants.
Je me fous du monde entier quand Frédéric
Me rappelle les amours de nos vingt ans,
Nos chagrins, notre chez-soi, sans oublier
Les copains des perrons aujourd'hui dispersés aux quatre vents,
Me rappelle les amours de nos vingt ans,
Nos chagrins, notre chez-soi, sans oublier
Les copains des perrons aujourd'hui dispersés aux quatre vents,
Celui qu’Édith Piaf avait enlevé au Québec et pour qui il écrivit ses dernières chansons, peut-être

On n'était pas des poètes, ni curés, ni malins,
Mais papa nous aimait bien,
Tu t'rappelles le dimanche,
Autour de la table, ça riait, discutait,
Pendant que maman nous servait. Mais après.
Mais papa nous aimait bien,
Tu t'rappelles le dimanche,
Autour de la table, ça riait, discutait,
Pendant que maman nous servait. Mais après.
Bien sûr, la fraternité de l’enfance autour de la tablée familiale appartient aux mêmes souvenirs que ceux racontés par Leclerc, dans Pieds nus dans l’aube. C’était au temps encore où il y avait

Après la vie t'a bouffé comme elle bouffe tout le monde Aujourd'hui ou plus tard et moi j'ai suivi
Depuis l'temps qu'on rêvait de quitter les vieux meubles
Depuis l'temps qu'on rêvait de se retrouver enfin seul
T'as oublié Chopin, moi j'ai fait de mon mieux
Aujourd'hui tu bois du vin, ça fait plus sérieux
Le père prend des coups d'vieux, et tout ça fait des vieux
Depuis l'temps qu'on rêvait de quitter les vieux meubles
Depuis l'temps qu'on rêvait de se retrouver enfin seul
T'as oublié Chopin, moi j'ai fait de mon mieux
Aujourd'hui tu bois du vin, ça fait plus sérieux
Le père prend des coups d'vieux, et tout ça fait des vieux
Tout l’esprit des années d’après-guerre se retrouve dans ce vœux de quitter le giron familial, de retrouver non plus une France communautaire mais une France individuelle, celle des meubles Art Déco qui contrastaient avec les meubles lourds, de chênes et de merisiers, des foyers québécois. La déception parisienne fut à la hauteur de l'attente du jeune Montréalais. La vie nous bouffe, sans retour; mais elle nous bouffe quand même moins que la course du temps qui efface le passé ou nous le rend lourd sur nos épaules: la vieillesse des enfants s’enchaîne avec celle du père.
Après ce fut la fête, la plus belle des fêtes,
La fête des amants ne dura qu'un printemps,
Puis l'automne revint, cet automne de la vie.
Adieu bel arlequin, tu vois qu'on t'a menti: Ecroulés les châteaux, adieu nos clairs de lune,
Après tout faut c'qui faut, il faut s'en tailler une.
Une vie sans argument. une vie de bon vivant.
LA la la. Tu te rappelles..Frédéric..Allez.. Au revoir
La fête des amants ne dura qu'un printemps,
Puis l'automne revint, cet automne de la vie.
Adieu bel arlequin, tu vois qu'on t'a menti: Ecroulés les châteaux, adieu nos clairs de lune,
Après tout faut c'qui faut, il faut s'en tailler une.
Une vie sans argument. une vie de bon vivant.
LA la la. Tu te rappelles..Frédéric..Allez.. Au revoir
Et la vie passe. D’une fête à l’autre, du printemps jusqu’à l’automne. Autant de fêtes d’amants qui ne durent qu’une saison. Nos espoirs, nos rêves, nos châteaux en Espagne et nos clairs de lune romantiques; tout ce bazar de la Kultur nord-américaine qui fait une vie dénuée de sens pour se limiter à une existence ready to wear, propre à celle que les Québécois se taillèrent après leur grande aventure. Là commencent tous les malheurs. Là commence le moment où la Kultur nord-américaine met en péril la Bildung québécoise même, la forme culturelle anglicisant, américanisant la langue maternelle - le message, c'est le médium -; seule véritable stratégie menaçante et dont nous constatons, en ce début de millénaire, les effets délétères dans une ville comme Montréal.
Là aussi ont commencé tous les malheurs de Léveillé. Sa carrière n’avait rien perdu de son génie de poète à l’oreille musicale. C’était un chansonnier et non un brouteur de chansonnettes yé-yé adaptées des tunes américaines à succès. Le résultat fut cette pauvreté qui commença à le ronger. La chance lui donna un succès commercial dans les années 1970: L’Étoile d’Amérique.
Je la vois, je la vois déjà,
Cette étoile dans la nuit.
Je l'entends, je l'entends déjà,
Cette voix qui me poursuit.
Elle me dit: "Viens cueillir la vie;
Je suis femme, musique et amour.
Viens!"
Oui, mais comment, comment vous le dire?
Nous, de la terre, on ne sait pas
Car maison, travail savent nous retenir.
Alors comment vous appartenir?
Mais…
Mais l'Amérique, l'Amérique, l'Amérique
Peut bien crouler, mon amour.
Ne me laisse pas la main;
Depuis l'temps qu'on se cherchait
Cette étoile dans la nuit.
Je l'entends, je l'entends déjà,
Cette voix qui me poursuit.
Elle me dit: "Viens cueillir la vie;
Je suis femme, musique et amour.
Viens!"
Oui, mais comment, comment vous le dire?
Nous, de la terre, on ne sait pas
Car maison, travail savent nous retenir.
Alors comment vous appartenir?
Mais…
Mais l'Amérique, l'Amérique, l'Amérique
Peut bien crouler, mon amour.
Ne me laisse pas la main;
Depuis l'temps qu'on se cherchait
Comment «venir cueillir la vie» dans un monde où la quotidienneté, domestique et professionnelle, ronge chacun d’entre nous jusqu’à sa racine? Ce n’est plus là un problème de la nostalgie de l’enfance, comme dans Frédéric, mais bien d'un monde différent: celui issu de la Révolution tranquille, de celle à laquelle il avait contribué à l'accouchement. Le schème (Kultur) change, mais la langue (Bildung) reste encore la même, du moins pour un temps, ce qui fait prendre bien des vessies pour des lanternes. Encore peut-elle exprimer la poésie du poète, mais exprime-t-elle toujours l’identité de la collectivité qui a été sa source? Est-ce la fin de la longue attente?
Je la vois, je la vois déjà,
Cette étoile dans la nuit.
Je l'entends, je l'entends déjà,
Cette voix qui me poursuit.
Elle me dit: "Viens cueillir la rose;
Je suis poème, source et chanson.
Viens!"
Oui, mais comment, comment vous le dire?
Nous, de la terre, on ne sait pas
Car finance et guerre savent nous retenir,
Alors, comment, comment vous suivre?
Mais...
Mais l'Amérique, l'Amérique, l'Amérique
Peut bien crouler, mon amour.
Ne me laisse pas la main;
Depuis l'temps qu'on se cherchait
Mais l'Amérique, l'Amérique, l'Amérique
Peut bien crouler, mon amour, mon amour.
Ne me laisse pas demain;
Depuis l'temps qu'on s'appelait
Mais l'Amérique, l'Amérique, l'Amérique
Peut bien crouler, mon amour, mon amour.
Ne me laisse pas demain;
Depuis l'temps qu'on s'attendait,
Qu'on se cherchait,
Qu'on s'appelait....
Cette étoile dans la nuit.
Je l'entends, je l'entends déjà,
Cette voix qui me poursuit.
Elle me dit: "Viens cueillir la rose;
Je suis poème, source et chanson.
Viens!"
Oui, mais comment, comment vous le dire?
Nous, de la terre, on ne sait pas
Car finance et guerre savent nous retenir,
Alors, comment, comment vous suivre?
Mais...
Mais l'Amérique, l'Amérique, l'Amérique
Peut bien crouler, mon amour.
Ne me laisse pas la main;
Depuis l'temps qu'on se cherchait
Mais l'Amérique, l'Amérique, l'Amérique
Peut bien crouler, mon amour, mon amour.
Ne me laisse pas demain;
Depuis l'temps qu'on s'appelait
Mais l'Amérique, l'Amérique, l'Amérique
Peut bien crouler, mon amour, mon amour.
Ne me laisse pas demain;
Depuis l'temps qu'on s'attendait,
Qu'on se cherchait,
Qu'on s'appelait....
Ne cherchons pas plus loin, le coût de la modernisation du Québec, de l’«américanisation» amorcée dans les années 1950, c'est le fardeau du travail, de la finance et de la guerre. Aux lendemains de la guerre du Vietnam, alors que des conflits meurtriers déchirent l’Amérique latine, l’Afrique et l’Asie; qu’on ne pense pas encore que les Balkans vivront leur quatrième ou cinquième guerre - au point où nous en sommes, on ne les compte plus -, l’Amérique - c’est-à-dire le rêve américain -, peut bien crouler - Charlebois, dans sa chanson dédiée à Mouffe, se demandait «si l’Amérique flotte encore» -, car là n’est pas l’amour. Pas plus qu’il n’était en France. L’amour était dans la rose… Rrose Scélavy ou la rose du Petit Prince? Plutôt celle de Piaf, une dernière chanson va nous le confirmer. L’amour, pour douloureux qu’il soit, restera toujours préférable à l’économiiie. Cela a coûté les funérailles nationales à Claude Léveillé.
Et peut-être les funérailles nationales ne sont-elles pas pour des hommes comme Léveillé. Un Maurice Richard, dans la mesure où il assumait ce rôle de gladiateur qui vient à bout physiquement des Anglo-Saxons, les méritait-il puisqu’il avait livré la marchandise: tout ressentiment demande vengeance brutale, virile, obscène. Léveillé était un être féminin. Sa détresse économique l’a réduit à jouer à la putain lorsqu’il vendit les droits de Frédéric à McDonald pour une publicité de son fast food. Beaucoup d'idéalistes ne lui ont pas pardonné. La virilité de Léveillé est ailleurs. Elle est tout entière dans sa fable du Cheval blanc:
Sur un cheval blanc je t'emmènerai
Défiant le soleil et l'immensité
Dans des marais inconnus des Dieux
Loin de la ville
Uniquement nous deux
Et des milliers de chevaux sauvages
Feront un cercle pour nous isoler
N'entends-tu pas toutes les guitares
Criant de joie dans la chevauchée
Sur un cheval blanc je t'emmènerai
Défiant le soleil et l'immensité
Dans les marais inconnus des Dieux
Loin de la ville
Uniquement nous deux
Pourtant je sais que ce n'est qu'un rêve
Pourquoi faut-il que ce ne sois qu'un rêve
Mais l'hymne à l'amour je l'entends déjà
J'entends déjà son alléluia
Alléluia
Défiant le soleil et l'immensité
Dans des marais inconnus des Dieux
Loin de la ville
Uniquement nous deux
Et des milliers de chevaux sauvages
Feront un cercle pour nous isoler
N'entends-tu pas toutes les guitares
Criant de joie dans la chevauchée
Sur un cheval blanc je t'emmènerai
Défiant le soleil et l'immensité
Dans les marais inconnus des Dieux
Loin de la ville
Uniquement nous deux
Pourtant je sais que ce n'est qu'un rêve
Pourquoi faut-il que ce ne sois qu'un rêve
Mais l'hymne à l'amour je l'entends déjà
J'entends déjà son alléluia
Alléluia
Léveillé, le romantique, ne pouvait pas oublier Chopin car son esprit en était tout imbu, et l'hymne à l'amour, le succès incontournable de Piaf, tout le monde le savait, le confirmait dans son romantisme de grand adolescent. Aussi,

Je m’en voudrais d’arrêter là ce texte qui oppose l’authenticité à la fumisterie, la dignité à l’abject, ce qu’il y a de meilleur et de pire dans l’identité québécoise. J’ai fait référence à Victor Hugo pour les funérailles d’État qui ont été refusées à Claude Léveillé. Peut-être est-ce à l’auteur des Misérables qu’il faudrait mendier un hommage sincère au poète qui vient de s’absenter, puisqu’aucun de nous n’a la profondeur suffisante, ni respect de sa Bildung, ni estime de sa Kultur, afin de pouvoir lui attribuer sa juste palme de lauriers.
La Fonction de poète
Dieu le veut, dans les temps contraires,
Chacun travaille et chacun sert.
Malheur à qui dit à ses frères:
Je retourne dans le désert!
Malheur à qui prend ses sandales
Quand les haines et les scandales
Tourmentent le peuple agité!
Honte au penseur qui se mutile
Et s'en va, chanteur inutile,
Par la porte de la cité!
Le poète en des jours impies
Vient préparer des jours meilleurs.
Il est l'homme des utopies,
Les pieds ici, les yeux ailleurs.
C'est lui qui sur toutes les têtes,
En tout temps, pareil aux prophètes,
Dans sa main, où tout peut tenir,
Doit, qu'on l'insulte ou qu'on le loue,
Comme une torche qu'il secoue,
Faire flamboyer l'avenir!
Il voit, quand les peuples végètent!
Ses rêves, toujours pleins d'amour,
Sont faits des ombres que lui jettent
Les choses qui seront un jour.
On le raille. Qu'importe! il pense.
Plus d'une âme inscrit en silence
Ce que la foule n'entend pas.
Il plaint ses contempteurs frivoles;
Et maint faux sage à ses paroles
Rit tout haut et songe tout bas!
Peuples! écoutez le poète!
Écoutez le rêveur sacré!
Dans votre nuit, sans lui complète,
Lui seul a le front éclairé.
Des temps futurs perçant les ombres,
Lui seul distingue en leurs flancs sombres
Le germe qui n'est pas éclos.
Homme, il est doux comme une femme.
Dieu parle à voix basse à son âme
Comme aux forêts et comme aux flots.
C'est lui qui, malgré les épines,
L'envie et la dérision,
Marche, courbé dans vos ruines,
Ramassant la tradition.
De la tradition féconde
Sort tout ce qui couvre le monde,
Tout ce que le ciel peut bénir.
Toute idée, humaine ou divine,
prend le passé pour racine,
A pour feuillage l'avenir.
Il rayonne! il jette sa flamme
Sur l'éternelle vérité!
Il la fait resplendir pour l'âme
D'une merveilleuse clarté.
Il inonde de sa lumière
Ville et désert, Louvre et chaumière,
Et les plaines et les hauteurs;
A tous d'en haut il la dévoile;
Car la poésie est l'étoile
Qui mène à Dieu rois et pasteurs !
Chacun travaille et chacun sert.
Malheur à qui dit à ses frères:
Je retourne dans le désert!
Malheur à qui prend ses sandales
Quand les haines et les scandales
Tourmentent le peuple agité!
Honte au penseur qui se mutile
Et s'en va, chanteur inutile,
Par la porte de la cité!
Le poète en des jours impies
Vient préparer des jours meilleurs.
Il est l'homme des utopies,
Les pieds ici, les yeux ailleurs.
C'est lui qui sur toutes les têtes,
En tout temps, pareil aux prophètes,
Dans sa main, où tout peut tenir,
Doit, qu'on l'insulte ou qu'on le loue,
Comme une torche qu'il secoue,
Faire flamboyer l'avenir!
Il voit, quand les peuples végètent!
Ses rêves, toujours pleins d'amour,
Sont faits des ombres que lui jettent
Les choses qui seront un jour.
On le raille. Qu'importe! il pense.
Plus d'une âme inscrit en silence
Ce que la foule n'entend pas.
Il plaint ses contempteurs frivoles;
Et maint faux sage à ses paroles
Rit tout haut et songe tout bas!
Peuples! écoutez le poète!
Écoutez le rêveur sacré!
Dans votre nuit, sans lui complète,
Lui seul a le front éclairé.
Des temps futurs perçant les ombres,
Lui seul distingue en leurs flancs sombres
Le germe qui n'est pas éclos.
Homme, il est doux comme une femme.
Dieu parle à voix basse à son âme
Comme aux forêts et comme aux flots.
C'est lui qui, malgré les épines,
L'envie et la dérision,
Marche, courbé dans vos ruines,
Ramassant la tradition.
De la tradition féconde
Sort tout ce qui couvre le monde,
Tout ce que le ciel peut bénir.
Toute idée, humaine ou divine,
prend le passé pour racine,
A pour feuillage l'avenir.
Il rayonne! il jette sa flamme
Sur l'éternelle vérité!
Il la fait resplendir pour l'âme
D'une merveilleuse clarté.
Il inonde de sa lumière
Ville et désert, Louvre et chaumière,
Et les plaines et les hauteurs;
A tous d'en haut il la dévoile;
Car la poésie est l'étoile
Qui mène à Dieu rois et pasteurs !
Victor Hugo, Les Rayons et les ombres⌛
Montréal,
11 juin 2011
11 juin 2011
Merci. Je n'ai rien d'autre à dire, qu'un grand merci.
RépondreSupprimerStéphanie Grimard