samedi 3 décembre 2011

Mon beau sapin

Abbé Gadbois. Cahiers de la Bonne Chanson
MON BEAU SAPIN

Non, rassurez-vous, je ne reviendrai pas avec ce que j’ai déjà discuté ailleurs: le processus de régression dans lequel le gouvernement Harper a engagé le Canada… Mais non, c’est une farce! Je ne parlerai que de cela. Et mieux encore, je vais étayer le processus de propagande symbolique amorcé par le gouvernement conservateur qui, d’un seul coup, vise à entrer deux boules dans la même poche du billard. Je parlerai de propagande symbolique, car c’est bien de cela qu’il s’agit, mais le terme de subversion psychologique ferait tout aussi bien l’affaire. Derrière le portrait de Sa Majesté reine du Canada et l’effacement du sapin de Noël dans les bureaux du gouvernement fédéral nous retrouvons la même stratégie politique: d’une part, rehausser la fierté canadienne-anglaise face à leur souveraine impériale, de l’autre animer des ressentiments contre les immigrants en pillant sur nos propres traditions et symboles collectifs. La stratégie de cette propagande de haine est double. La tactique est de procéder par ricochet contre les cultures migrantes, en se servant du mépris de nos propres symboles culturels refoulés. En cherchant obsessionnellement à ne pas insulter aux symboles culturels ou religieux de la minorité néo-canadienne, nous nous amputons de nos propres traditions culturelles et religieuses. Le ressentiment qui s’en dégagera cultivera les germes de la haine envers les immigrants. Cette stratégie machiavélique vise à satisfaire les tenants d’une idéologie conservatrice sans refluer une population dont nous avons toujours besoin, ou bien pour renflouer les poches de l’État (il s’agit ici des immigrants fortunés), ou bien pour exécuter des emplois qu’aucun syndicat ne permettrait à leurs membres d’exercer vu le faible salaire qu’ils en retireraient (il s’agit ici des immigrants pauvres). Certes, on peut toujours transformer un membre de gang de rue en agent de sécurité, c’est ce qui s’appelle l’intégration des compétences au service du maintien de l’ordre, mais comme nous fabriquons plus de délinquants par manque d’intégration, il vaut mieux endiguer le flux migratoire moins par des lois restreignant l’immigration qui seraient jugées discriminatoires par l'opinion, que par les ressentiments et les frustrations de la population qui en viendront à exiger, légitimement, une telle loi. Le gouvernement de Stephen Harper est un gouvernement toxique, dans tous les sens du terme.

En fait, il est aussi toxique que ses gaz de schiste et son pétrole puisé des sables bitumineux. Nous pourrions penser à une lubie de psychanalyste que d’attribuer une action régressive à la politique fédérale, mais c’est si gros! si obscène! que nous ne pouvons pas la manquer. La politique de Stephen Harper, c’est l’application de la propagande telle que vue par le docteur Gœbbels, et c’est parce que ce sont les mercenaires allemands qui nous ont apporté le sapin de Noël, dans nos traditions, que c’est lui qui va payer pour les Ganesha et autres hijabs musulmans que nous devons nous sentir obliger de respecter. C’est ainsi que fonctionne, inconsciemment, la stratégie haineuse du gouvernement fédéral conservateur.

La tactique est double avons-nous dit: d’abord un attractif, la reine du Canada. Reine du Canada, ce n’est là qu’un article constitutionnel. Or, les rois et les reines sont généralement reconnus par une cérémonie de consécration, et l’Angleterre ne fait pas exception, la reine étant de droit divin. En cela, il n’existe aucun document d’archive qui nous indique qu’Elizabeth II reine du Royaume-Uni et de Grande-Bretagne n’ait jamais été «sacrée» par une cérémonie religieuse appropriée «reine du Canada». Trudeau l’avait inclue dans la Constitution pour satisfaire aux conservateurs de l’Ouest et aux vieux Orangistes d’Ontario. C’était, en même temps, une façon de ne pas heurter les sentiments impérialistes qui voyaient toujours dans le fait d’être du Commonwealth britannique un signe d’appartenance à l’Empire défunt. En même temps, le portrait d’Elizabeth servait de gri-gri pour éloigner les mauvais esprits qui nous renvoyaient à notre américanité géographique et culturelle. Mais jamais une cérémonie du sacre n’a été ne serait-ce qu’imaginé par la haute-fonction publique canadienne qui s’y connaît, en général assez peu, dans les mécanismes de consécration royale. Bref, il faut considérer Elizabeth queen of Canada seulement comme un «titre», à l’image de Victoria «impératrice des Indes», titre dont Disraeli l’avait dotée pour satisfaire sa frustration de ne pas porter de titre impérial comme ses parents d’Allemagne et de Russie.

Mais le Canada de 1982 ne s’était pas doté du statut de l’Inde de 1877 à l’intérieur de l’empire britannique. L’article Wikipedia nous apprend qu’Elizabeth est ainsi reine de 16 pays: «Outre le Royaume-Uni, elle est reine du Canada, d'Australie, de Nouvelle-Zélande, de la Jamaïque, de la Barbade, des Bahamas, de la Grenade, de Papouasie-Nouvelle-Guinée, des îles Salomon, des Tuvalu, de Sainte-Lucie, de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, d'Antigua-et-Barbuda, du Belize et de Saint-Christophe-et-Niévès, où elle est représentée par des gouverneurs généraux. Les seize pays dont elle est la reine sont désignés sous le nom de royaumes du Commonwealth, et leur population totale est de 130 millions de ressortissants». Dans aucun de ces pays elle n’a été consacrée comme le voudrait la liturgie monarchiste. C’est une marotte typiquement anglaise que de titrer leur roi pour des royaumes «in partibus». On sait que c’est là le titre donné à un évêque [in partibus infidelium], dont l’évêché est situé dans un pays occupé par les infidèles. Comme tous ces territoires étaient considérés comme habités par des «sauvages» au moment de la colonisation, le titre de la reine ne vaut guère plus qu’une royauté in partibus. C’est dans la mesure où la reine règne mais ne gouverne pas que ce titre peut être toléré. Même les gouverneurs généraux sont muselés par les lois et les parlements locaux. Au Canada, deux scandales ont vérifié l’aspect in partibus du monarque anglais dans la politique intérieure. D’abord lorsque le lieutenant-gouverneur du Québec, Luc Letellier de Saint-Just fut accusé d’avoir fait un véritable «coup d’État» en destituant le gouvernement conservateur du Québec en 1878 pour donner le pouvoir au libéral Honoré Mercier; ensuite le scandale de Lord Byng of Vimy, gouverneur général, qui refusa en 1926 la dissolution de la Chambre des Communes qu’exigeait de lui le gouvernement libéral de King. À partir de ce scandale King-Byng, la non-ingérence du gouvernement britannique dans les affaires du Canada fut définitivement statuée. Depuis, la valeur idéologique du titre de «reine du Canada» n’a de réalité que par rapport à sa signifiance symbolique inscrite dans la constitution de 1982, un peu à l’exemple de Dieu. L’un et l’autre, inutile de le dire, n’ont aucun rapport direct avec la politique menée par ces gouvernements.

Or, l’entretien de ces symboles coûte cher aux contribuables canadiens. Il ne suffit pas de ressortir les vieux portraits d’Elizabeth du placard où on les y avait enfournés à partir des années 70-80, mais, le modèle ayant passablement vieilli, il faut mettre ces portraits à jour. De plus, cela nécessite la production de tout un ensemble d’insignes sinon d’uniformes pour ramener les corps armées «déroyautés» à leurs nouveaux titres «royaux». Assez coûteux pour grever le budget national mais pas assez payant pour relancer l’industrie textile. Le Canada n’est quand même pas Sparte ni la Prusse! Cet argent dépensé pour la partie positive du programme de propagande symbolique doit être récupéré ailleurs. Et c’est alors, la même année, qu’on décide d’abolir les décorations du temps de Noël des édifices gouvernementaux fédéral. D’où que notre pauvre sapin passe dans le broyeur d’épinettes.

En fait, il faudrait demander aux Britanniques si, entre la reine et le sapin de Noël, quel symbole ils préféreraient se départir. Aucun des deux, sans doute, mais à la limite? Sapin 0 Reine 1. Après tout, malgré le tour de passe-passe effectué en 1917
Baron de Riedesel
qui substitua au nom allemand de la famille Saxe-Cobourg-Gotha (qui était celui des Victoria, Edward VII et George V), pour le remplacer par celui, plus british, de Windsor, la généalogie de la monarchie anglaise reste allemande. L’opération était déjà symbolique dans la mesure où l’Angleterre était en guerre contre l’Allemagne. De même, la ville de Berlin, en Ontario, prit le nom de celle du général Kitchener en 1916. La dynastie qui précéda celle des Saxe-Cobourg-Gotha, nom du prince-consort Albert époux de Victoria, était celle des Hanovre, proprement allemande. Les deux premiers George baragouinaient l’anglais plus qu’ils ne le parlaient, et le troisième, atteint de folie intermittente, envoya un corps de mercenaires de son duché du Hanovre soutenir les armées britanniques venues pour mater les rebelles américains. Jean-Pierre Wilhelmy, un descendant de ces mercenaires, en a tracé l’histoire dans Les Mercenaires allemands au Québec, 1776-1783, Septentrion, 2009.

Wilhelmy en vient au chiffre de 1 200 soldats allemands qui se seraient installés au Canada, une fois la guerre anglo-américaine terminée en 1783. Mariés à des Canadiennes Françaises, ils auraient pris souche et transmis, parmi certaines coutumes, celle de prendre un sapin afin de le décorer de bougies pour la fête de Noël. Ce sapin, on le sait, provient des traditions indo-européennes pré-chrétiennes; les bougies indiquent le passage du solstice d’hiver. Ajoutez-y les personnages de la crèche et vous en faites un sapin chrétien. Enlevez la crèche, et vous retrouvez le vieux symbole païen, c’est-à-dire paysanne. Rien là d’une manifestation ostentatoire religieuse. Le sapin est devenu aussi authentiquement canadien que le castor et la feuille d’érable. Ce n’est donc pas d’un attribut religieux dont s’ampute le gouvernement fédéral en le retirant de ses bureaux et officines, mais d’un symbole national. Une reine pour un sapin, voici l’économie symbolique du gouvernement Harper!

L’insulte vise encore plus les Canadiens d’origine britannique quand on sait l’importance qu’ils accordent à la fête de Noël. C’était un point commun qui unissait d'ailleurs Allemands et Britanniques lors de la même guerre d’indépendance américaine. Si le général américain George Washington a pu vaincre à Trenton au lendemain de Noël 1776, c’est qu’il avait traversé avec son armée la rivière Delaware, par une froide nuit de Noël, pendant que les officiers allemands, des Hessois, festoyaient dans le fort. L’attaque surprise, contrairement à celle de Montgomery sur Québec la veille du jour de l’An l’année précédente, réussit et donna à une armée en déroute la possibilité de se ressaisir. La présence des mercenaires allemands parmi les troupes britanniques dans la guerre d’Indépendance américaine, si elle ne put empêcher les Américains de gagner leur guerre, contribua à empêcher toutefois le Canada d’être menacé à nouveau par leurs voisins du Sud. Cela ne mériterait-il pas la reconnaissance de la part des Canadiens fédéralistes en affichant fièrement le sapin de Noël?

Il faut croire que le gouvernement Harper, un gouvernement pratiquant hautement l’idéologie, ne retient de l’histoire que ce qui lui sert, et surtout qu’il ne connaît pas bien cette histoire dont il encense les symboles à tort et à travers. Mais cela est une chose. C’en est une autre lorsque, tout à sa propagande symbolique, l’aspect négatif vise à susciter une frustration devant l’affirmation des diverses pratiques culturelles religieuses ou traditionnelles, celles qu’il ne faudrait pas heurter afin de passer pour un gouvernement qui facilite l’intégration des néo-canadiens. Tout cela n’est que pure hypocrisie. Le gouvernement conservateur est un gouvernement racial sinon raciste. Son peu d’empathie pour les inquiétudes des puissances étrangères face à la condition écologique en est un exemple. Ses simagrées béni oui oui devant le gouvernement américain dépassent en manque de dignité tout ce que les Libéraux se sont sentis obligés de faire pour complaire à leurs voisins du Sud. La retour du portrait de la Reine comme l’éclipse du sapin de Noël ne sont que des subterfuges. On brandit les images d’Elizabeth pour faire oublier la dépendance de l’État canadien au glacis nord-américain de Washington. L’éclipse du sapin vise à exhiber une volonté intégrationniste alors qu’il sème le ressentiment et le mépris parmi le peuple canadien. La guerre de propagande intérieure qui vise à multiplier les votes conservateurs aux prochaines élections en se basant sur la démagogie est un pari risqué, mais la déconfiture des Libéraux et des Néo-Démocrates la confirme dans la victoire à la prochaine élection fédérale.

En retirant les sapins des édifices gouvernementaux dans une période où la sinistrose saisonnière, entre l’automne et l’hiver, pèse de tout son poids sur la psychologie des fonctionnaires et des démarcheurs, il y a une claire volonté d’imprégner les esprits d’une rancune et d’une frustration par rapport à ce que représente ordinairement la période dite de l’Avant. Priver les édifices gouvernementaux de «l’esprit de Noël», qui est aussi une célébration de la résurrection solaire, instille l’obscurité dans les consciences. Si les musulmans, les sikhs, les hindoux peuvent exhiber leurs symboles avec «liberté» et ostentation, les Canadiens, honteux, doivent cacher leurs sapins, leurs guirlandes et leurs clochettes innocentes dans les tiroirs et les placards afin de ne pas heurter leur sensibilité. Ce sentiment de honte s’accompagne toujours d’un autre, plus violent même s’il couve sous la neige, des ressentiments haineux. Sans la honte sociale, le ressentiment trouverait peu où s’alimenter. Chaque geste d’auto-répression culturelle qu’encourage le gouvernement fédéral vise à augmenter l’hostilité des Canadiens à l’égard des immigrants et ainsi à saboter les politiques d’intégration culturelle.

Ce mécanisme est fortement associé à l’idée que les néo-canadiens ne renoncent pas à leurs traditions ancestrales, familiales ou culturelles. L’affaire Shafia montre à quel point un groupe d’immigrants afghans n’a pas compris que le jour où ils posaient le pied sur la terre des libertés américaines, ils ne pouvaient plus honorer deux dieux en même temps: celui du marché de consommation et la toute-puissance paternelle divine: celui de la tradition et celui du consumérisme. La Statue de la Liberté, dans le port de New York, est là pour rappeler que c’est elle qui est déesse sur ce continent et non les dieux traditionnels importés dans les bagages des immigrants. Or, la liberté a pour fonction, dans le système capitaliste, d’assurer l’accès de tous à tous les produits désirés. Et le père Shafia s’y adonnait sans pudeur: maison, autos, bébelles informatiques. Et le voilà soudain qu’il se sent heurté dans sa figure autoritaire et patriarcale par la même volonté d’accès à la liberté que demandaient sa première épouse et ses filles! Il est difficile de voir dans cette pénible affaire une réussite parfaite de l’intégration des nouveaux arrivants par la complaisance que nous accordons à abaisser nos symboles culturels tout en permettant d’exhiber ceux des arrivants.

De telles affaires confrontent les Canadiens à une chose: l’attachement des néo-canadiens à leurs cultures d’origine et le peu d’attachement que les Canadiens manifestent pour la leur. En ce sens, ces néo-canadiens sont plus enracinés dans leur monde, ce monde qu’ils sont forcés de quitter, que nous le sommes, nous, tenant le Canada pour acquis et nôtre. Dès que nous sentons une certaine culpabilité par comparaison; dès que nous nous savons capables de brader nos richesses naturelles et culturelles pour des pétrodollars, il est normal que la honte s’instille dans nos artères. La honte est nôtre et nous dévore de l’intérieur et la confrontation est insolente dans la mesure où elle est apportée par des agents extérieurs qui, inconsciemment, viennent nous donner une leçon de morale: comment nous traitons mal notre héritage et ne léguerons rien à nos enfants. Ce choc honteux est suffisant pour amorcer la mèche des ressentiments vengeurs. La farce d’Hérouxville risque de prendre des proportions pan-nationales. Dans un pays aux dix provinces «distinctes», dont l’une s’affirme internationalement, en dehors du reste du Canada, le ressentiment risque de devenir un instrument de consolidation nationale négative. Comme dans la formation des nations totalitaires du premier XXe siècle, c’est par le ressentiment et les rancunes nationales que le Canada trouverait son sens de l’unité. Rien de plus dangereux, car rien de plus toxique.

Il est certes difficile de faire basculer un gouvernement idéologique majoritaire, paranoïaque et mégalomane. Sa gestion de la régression est impeccable. Nul ne saurait y trouver à redire qui veut la «républicanisation» du Canada sous couverture monarchique. Lorsque le Canada se sentira assez colonisé, prendra enfin conscience de sa régression et verra ces immigrants attendre à la porte avec leurs coutumes folkloriques, tout le multiculturalisme des quarante dernières années sera emporté d’un seul souffle d'indignation. La violence - ce mur anti-chicanos érigé à la frontière texane - se retrouvera dans chaque aéroport canadien. À la manière des Israéliens, dont Harper est un lèche-botte parfait - il cirerait même les souliers de Netanyahu avec sa langue (?) -, nous construirons des murs à ghettos palestiniens. Après tout, «Canada» n’était-il pas le nom de code du camp d’extermination d’Auschwitz utilisé dans les correspondances de déportation nazies? Quel beau moyen d’expier cent fois plutôt qu’une notre antisémitisme passé.

De saint Thomas d’Aquin à Thomas Jefferson, la conviction s’est progressivement imposée qu’il était du devoir de toute société civile de renverser un gouvernement qui abusait d’une manière ou d’une autre, de la couverture sacrée ou de la légitimité démocratique afin d’exercer une autorité arbitraire ou mettant en danger l’intégrité de la société civile. À ce compte, si l’État est un mal nécessaire, il est d’autant plus impérieux de lui «serrer les couilles» dans un étau pour le maintenir au service de la population. «Serrer les couilles dans l’étau», qu’est-ce que ça veut dire? Ça veut dire: d’abord limiter un strict plafond à son pouvoir de percevoir les richesses de la société à travers ses monopoles d’imposition et de taxation. D’autre part, lui presser le plus serré possible ses dépenses tout en en surveillant la juste distribution en vue du bien commun et non en faveur d'une minorité dominante qui se revendiquerait seule détentrice de l'accroissement de ce bien. Certes, il existe au Canada comme au Québec et même à la ville de Montréal, un poste de vérificateur général des dépenses du gouvernement. Nous avons vu avec quelle célérité l’ancienne vérificatrice, Sheila Fraser, avait fait son devoir en exposant les magouilles douteuses des gouvernements libéraux de Jean Chrétien et de Paul Martin. Mais c’est un poste dénué de contre-poids. Il ne peut, comme dans toute monarchie, que faire des «recommandations», mais auprès de qui? Auprès du fraudeur lui-même, c’est-à-dire le gouvernement. Sans réaction politique ou populaire, sans réel instrument civil de limitation de l’État, le gouvernement Harper peut continuer à suffoquer les Canadiens en leur donnant l’impression qu’il gère bien les affaires financières du pays alors que le système capitaliste entre en inflation partout aux États-Unis et en Europe. Au Québec, le gouvernement Charest peut continuer à pratiquer la corruption sur une vaste échelle, d’un ministère à l’autre, sans se sentir inquiéter. Voilà pourquoi, si on ne veut pas voir la société passée du civile au politique, comme dans les anciens régimes totalitaires, il faut qu’elle-même s’impose la contrainte de couper le laisser-faire de l’État libéral. Tenir l’étau serré et bien serré afin de rompre les liens unidirectionnels entre les milieux d’affaires et l’État, car contrairement aux aspirations régressives de la droite qui en appel à l’ordre, les aspirations progressistes visent à rien de moins qu’à la justice sociale.

Après six mois de gouvernement conservateur à Ottawa, il est difficile de ne pas conclure que les Canadiens se sont «autosapiniser» eux-mêmes en l'élisant le 2 mai 2011. Finalement, ce qui distingue le gouvernement Harper de Sa-Majesté-la-reine et du sapin, c’est que le sapin on peut le couper, et la reine la renverser. Mais qu’avec notre carrousel électoral démocratique, nous nous sommes imposés cet absolutisme aliénant encore pour plus de trois années. Nous nous sommes bien passés à nous-mêmes le plus gros des sapins, et en démocratie, aucun peuple ne peut rejeter l'imputabilité des résultats d'un scrutin lorsqu'aucune preuve de fraude électorale ne vient mettre en doute le processus par lequel son gouvernement a été élu. Viendra donc, tôt ou tard, le jour où nous ressentirons bien la douleur des épines frottant sur notre muqueuse anale⌛

Montréal
3 décembre 2011

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