mercredi 9 mars 2011

Je les fume parce que je les aime

Goya. Procès de l'Inquisition


JE LES FUME PARCE QUE JE LES AIME

Une pub de la Société des Alcools disait, il y a quelques années, que la modération a bien meilleur goût. Les seuls à ne pas avoir entendu le judicieux conseil de cette pub, ce sont les groupes anti-tabagisme. Précisons d’abord: je ne suis pas mandaté par les compagnies de tabac, je ne ferais jamais affaire avec elles. Deuxièmement, je n’ai jamais fumé une seule cigarette de ma vie, ce qui m’entraîna du harcèlement durant mon enfance, d’autant plus que ma mère fumait comme un engin et mon père, à l’occasion. Ni l’un ni l’autre ne sont morts de cancer du poumon, et je ne suis pas affecté définitivement par «la fumée secondaire». Je ne conseillerais jamais, à personne et encore moins à des mineurs, de fumer un quelconque produit du tabac. La cause est entendue et j’y souscris.

Ce à quoi je ne souscris pas, que je ne souscrirai jamais, c’est cette obsession compulsive des groupes anti-tabagistes qui prennent jusqu’aux moyens les plus vicieux pour faire passer leur «bonne parole». La dernière attaque, contre le cinéma québécois, dépasse les limites du tolérable. L’interdit de fumer n’a qu’une limite : la liberté de choix, la liberté de conscience, la liberté d’expression et la libre décision face à un acte bien informé. Or la soi-disant étude, qui n’a rien de scientifique dans ses conclusions - on ne sait pas, objectivement, si les jeunes qui ont vu Les amours imaginaires de Xavier Dolan, ont davantage tiré une «pof» après avoir vu les 100 scènes comportant une cigarette fumante, que ceux qui ont vu Lance et compte, où il n’y a pas une seule cigarette qui apparaît dans ce monde macho -, n’ouvre que sur des conclusions supputées et rien n’est véritablement vérifié méthodologiquement. Il s’agit d’un simple exercice de stats., rien de plus. Cette poudre aux yeux qui satisfait les hystéries ne convaincra que les convaincus, mais elle risque de compter dans la compétition des scénari pour décrocher des budgets, toujours plus réduits, pour le financement des prochains films pour les réalisateurs jetés dans «les cendriers de l'histoire».

L’irresponsabilité des chercheurs des soi-disant «sciences» de la gestion de l’U.Q.A.M. n’est qu’une vaste fraude en vue de tirer des subventions et du financement pour des recherches où l’on présente des tartes découpées en pointes aux couleurs vives et des réglettes de longueurs différentes. L’exercice n’existe que pour lui-même et ne tient pas compte des effets qu’il peut provoquer. Cette fraude est de l’équivalence des enveloppes brunes que les fonctionnaires se transmettent du néant au néant et de ces mensonges en série que les Conseils d’administration exhibent devant leurs bonnes poires d’actionnaires.

Aucune conséquence psychologique ne se dégage de ce type d’enquête, car le comportement conditionné ne fonctionne pas sur la quantité ou la répétition à court terme. Il faut des conditions comparables à celles du protocole de Milgram pour en arriver à vraiment détecter un effet conditionné sur les individus: des salles à la capacité limitée, une autorité charismatique, un objet ambiguë, un désir mimétique avec médiateur intermédiaire et une réaction réflexe finale, positive ou négative selon le cas. Le temps d’une séance filmique est trop court. Ainsi, si je calculais tous les films que j’ai vu à la télévision, au cinéma, du temps du noir-et-blanc dans les années soixante, où un Jean Coutu (pas le pharmacien, bien entendu, mais l’acteur) nous répétait qu’il les fumait parce qu’il les aimait, ajoutant à cela les scènes où les cigarettes fumaient, ici dans la bouche d’une jolie blonde, là dans un cendrier, j’aurais eu toutes les raisons de me mettre à la cigarette. D’autant plus que la fumée des cigarettes de ma mère passait entre l’écran de la télé et mes yeux, auraient, ensemble, conditionnées mes réflexes à «goûter» à la cigarette, ne serait-ce que «pour essayer». De plus, j’adorais l’odeur du tabac à pipe hollandais que fumait mon grand-père. Quand comprendra-t-on que les spectateurs d’un film, d’une pièce de théâtre ou même d’un spectacle à grands déploiements, ne sont pas des chiens de Pavlov. Ils ne réagiront pas sur commande, suivant une suggestion passagère, même répétée. L’effet des dessins subliminaux dans les publicités de la fin des années 1970, n’a jamais entraîné de ces aberrations telles que le présente le célèbre film L’Affaire Brunswick d'André Leduc et Robert Awad.

L’imitatio se déclenche par un lien interpersonnel direct, et non par une simple projection à travers lequel le processus d’identification est plus difficile à nouer. (Il y a quand même une certaine distance à parcourir entre la fiction et le réel.) On oublie trop souvent que Lénine n’a joui que très tardivement de cet effet de conditionnement parmi les Russes qui firent la Révolution d’Octobre. Ses discours nasillards n’attiraient pas les foules autant que l’éloquence d’un Trotsky, lui-même trop intellectuel pour les foules analphabètes. Ce n’est qu’en Février 1917 que les Russes purent voir et entendre discourir Lénine pour la première fois, et son effet conditionnant ne s’est maintenu que par intermittence, jusqu’à sa mort en 1924. Il en va également ainsi de Mussolini en Italie et même de Hitler en Allemagne. D’autant plus que Hitler, le végétarien, ne fumait pas, ni Mussolini et encore moins Lénine, alors qu’ils arpentaient des bureaux emplis de fumée secondaire boucanée par leurs accolytes. Ce fantasme de la contamination par l’imitation n’opère que dans des milieux de groupes restreint, des gangs. Ce sont les jeunes qui vont en groupe et qui fument déjà qui vont sortir des Amours imaginaires avec l’envie de fumer. Non parce qu’ils ont vu le film, mais parce que déjà ils fumaient avant. Ce que cette enquête vient de découvrir, c’est comment faire de l’eau tiède.

En s’en prenant au cinéma et à la télévision, en envoyant une délirante affirmer devant les caméras de Radio-Canada qu’aux États-Unis, où «on fait d’aussi bons films qu’au Québec», sur une proportion comparable, les Américains présentent moins de scènes de tabagisme, c'est tout à une industrie fragile que ces écervelées risquent de faire du mal. «Le tabac est près de trois fois plus présent sur les écrans de cinéma de la province que sur ceux des États-Unis, selon l’étude». Pourtant, on se canarde joyeusement dans ces mêmes films et ce ne sont pas des cigarettes, mais des canons de pistolets, de fusils, de mitrailleuses, d’obusiers et de missiles qui fument. Tout autant des symboles phalliques comparables à la cigarette et qui produisent exactement le même référent inconscient sur les spectateurs. À bon budget, on a pas besoin de cigarettes pour donner envie de fumer; des scènes de tirs le feront tout aussi bien. Ensuite, personne après avoir vu tous ces films américains, n’est sorti de la salle en canardant tous ceux qu’elle rencontrait sur son chemin. Si le conditionnement va dans un cas, il va également dans l’autre. Et le cinéma américain est autrement plus violent dans ses scènes que le cinéma québécois. Est-il donc permis de tuer, au cinéma, que si la cible est une cible «fumante»?

Le grand scandale selon les enquêteurs : «Pas moins de 75 % des 15 films québécois ayant amassé le plus de recettes au box-office en 2010 contiennent du tabac. Parmi ceux-ci, Cabotins, L’Enfant prodige, Piché : Entre ciel et terre et Les Amours imaginaires ont présenté plus de 100 images liées à la cigarette». Il est difficile, si je pense à L’Enfant prodige, de présenter le monde des piano-bars des années soixante sans cigarettes ni fumée, ni de verres d’alcool ni de blondes pulpeuses qui, comme le chantait Reggiani, faisait leurs gains «sur un traversin prospère». Lance et compte, célébré par nos enquêteurs, qui oublient sans doute que les joueurs de hockey, par nature de leur profession, sont mieux de présenter des poumons clairs, est tout aussi vériste. Éviter de montrer des joueurs de hockey en train de fumer ne relève donc pas d’un souci de conscience morale ou de préoccupation du tabagisme chez les jeunes. D’ailleurs, comme une grande partie du casting mourait dans les cinq premières minutes du film, ceux qui survivaient étaient mieux de ne pas provoquer leur coatch avec un bout de cigarette aux lèvres. «Ils boivent, ils baisent, mais ils ne fument pas».


«L’œuvre de Xavier Dolan a d’ailleurs succédé à Les pieds dans le vide et s’est méritée le prix cendrier pour avoir inclus des images de cigarettes à toutes les 59 secondes, en moyenne. ”Dans Les Amours imaginaires, les personnages principaux fument et contribuent à donner une image sexy, glamour et rebelle du tabac, qui est très attrayante pour les jeunes”, a affirmé Marie-Soleil Boivin, chargée de projet au Conseil québécois sur le tabac». Là, nous nous vautrons dans l’hystérie pure. Si Marie-Soleil mouillait sa petite culotte en voyant les jeunes pulpeux du film de Dolan, c’est son problème, et pas l’effet des 59 secondes en moyenne de scènes de cigarettes. La cigarette est sexy car elle est un symbole phallique facilement décodable, bien plus par la Psychée féminine d'ailleurs que par la masculine, d’où les chiffres qui montrent que les filles dépassent les garçons en termes de consommatrices de cigarettes. Elle est glamour, tout dépendant de la direction photo. Certes, cette direction ne suit pas la même règle s’il s’agit d’une œuvre esthétique ou une photo de poumons cancéreux pour étiqueter sur un paquet de cigarettes. Si elle veut voir un dissection de poumon avec métastases, que Marie-Soleil regarde un bon C.S.I. ou le sympathique House, elle sera servie - en plus de tous les autres organes qui défilent dans ces séries où aucun des pathologistes ne fume. Enfin, la cigarette est cette rebelle, celle qui pend sur les lèvres de Clint Eastwood dans les vieux films de Sergio Leone et qu’on a effacé des lèvres de Lucky Luke. Cette rebelle que fume, angoissée, Tippy Hedren avant l’attaque des oiseaux sur l’école de Bodega Bay dans The Birds, d’Alfred Hitchcock. Et je ne prends que des exemples qui me viennent en tête. L’utilisation de la cigarette par les cinéastes et les vidéastes ne fait pas seulement que dire qu’elle est sexy, glamour et rebelle. Elle peut dire tout cela, mais ces trois registres étaient déjà épuisés bien avant l’apparition du cinéma parlant (car, Marie-Soleil, le cinéma n’a pas toujours été «parlant» ni «fumant»).

Obsession compulsive oblige: «Au final, les 15 films québécois les plus populaires de 2010 ont offert à leur public 743 images liées au tabac. Les 15 plus gros succès américains sont pourtant parvenus à limiter à 185 le nombre de ces images. Du côté de la télévision, quatre épisodes de 20 dramatiques diffusées à Radio-Canada, TVA et V ont été analysées. Il en ressort que 35 % de ces émissions présentent des images liées à la cigarette. La Société d’État est responsable à elle seule de la diffusion de 87 % des scènes de consommation de tabac». À mon avis, ils devraient en présenter plus, seulement afin de satisfaire votre dépendance professionnelle à la compulsion à répétition. Dois-je remonter à ces grands économistes que furent Malthus, Ricardo et surtout le fascinant Jeremy Bentham, dont les tableaux, tout en étant des ouvrages économiques, étaient de véritables chefs-d’œuvres de pathologie maniaco-compulsive. Sans doute est-ce là une introspection qui vous serait profitable face à la formation que vous suivez. Jusqu’à quel point, en vous engageant dans ce type de statistiques qui n’apprennent rien objectivement à personne ou n’indiquent aucune chose d’utile ni intéressante, n’êtes-vous pas en train de développer une pathologie déjà sommeillante en vous, et qu’on appelle une pulsion partielle, sadique, qui se satisfait à démembrer les objets constitués pour en séparer soigneusement les constituants et en quantifier les variétés sans pour autant les restaurer dans une synthèse quelconque? Vos résultats me rappellent les carnets de Sade où sont comptabilisés et énumérés les fantasmes sexuels, les types de tortures appliquées ou subies (Les 120 journées de Sodome)? Bref, vos tableaux ne sont que le reflet de votre pathologie et votre jouissance est procurée quand vous étalez cette succession aberrante de chiffres. Jouissance doublée lorsque vous tombez sur l’exception qui déteint de l’ensemble. Pour preuve: «Comme pour le cinéma, la télévision québécoise semble plus encline à présenter des scènes de consommation de tabac que son pendant américain. Les chercheurs ont ainsi noté que la série Bienvenue aux dames, diffusée à V, avait présenté 96 images liées à la cigarette au cours des quatre épisodes analysés. En contre-partie, Journal d’un vampire, la traduction de la série américaine Vampire Diaries, n’a offert que trois images de tabac». Pourquoi vous senteriez-vous en cause? Après tout, une bonne mordée sanglante vaut bien un poumon métastasé?

«Comment expliquer une telle disparité», se demande la journaliste qui s’épate de tant de chiffres et de tant de conclusions savantasses? «“Il y a des stéréotypes qui ont été associés à l’usage du tabac à travers l’histoire du cinéma, a expliqué Marie-Soleil Boivin. Une personne qui est stressée fume, la femme fatale fume.” “On comprend que, dans certains cas, la cigarette peut servir à appuyer un trait de caractère des personnages, a ajouté Anik St-Onge, qui a dirigé l’étude. On se demande par contre si c’est nécessaire de l’utiliser autant”». Le problème qui est posé n’est pas qu’une personne stressée ou une femme fatale fume, mais bien comment on en vient à être «une personne stressée» ou «une femme fatale». C’est à ces problématiques que le cinéma ou la télésérie essaie de répondre. En lui coupant les ailes avec votre moralisme archaïque, vous encouragez la production de films remplis de bons sentiments mais d’une insignifiance cinématographique comparable à ce navet de Lance et compte. Votre incompétence à mesurer les causalités psychologiques collectives n’est comparable qu’à votre ambition de connaître les mécanismes du pouvoir sur les consciences aux risques de la reconduction des pires moments de l’histoire de la censure au Québec. Une histoire que vous ignorez sans doute et qui est déjà assez longue comme ça sans en rajouter. Vous voyez, il n’est pas nécessaire de fumer pour causer de la «fumée» secondaire qui intoxique les imaginaires. Il suffit d’avoir une formation professionnelle qui ouvre à la pathologie afin de faire fonctionner des bureaux (des secteurs privés ou publiques) qui transformeront en monde kafkaesque ou ubuesque (au choix de votre dictionnaire), ces rangées d’Hommes-Machines qui échapperont à l’oxydation de leur acier. Non pas tant afin qu’ils vivent plus longtemps, plus longtemps en santé s’entend, car cette santé ne vous préoccupe pas plus que votre première culotte, et les coûts de l’État futur à payer les traitements en pneumologie pour les affectés de la cigarette n’est qu’un prétexte libéral pour culpabiliser des gens qui auront su, peut-être, mieux profiter de la vie que vous avec vos études mal employées.

La liberté de l’individu, face à sa vie, à ses conditions d’existence, à ses responsabilités. est plus importante que toutes les considérations morales des anti-tabagistes. Si vous entendez renouveler pour les prochaines années ces dépenses inutiles en recherches qui me rappellent celles des médecins du tournant du XXe siècle, ces docteurs Bertillon, Lombroso ou autres Lacassagne, qui avaient édifié les fichiers des criminels à partir de compilations compulsives et névopathes, et qui servir, un demi-siècle plus tard, aux collaborateurs nazis dans la chasse aux Juifs et aux criminels d’opinion politique, tout ce que vous arriverez à faire, ce sera de permettre une plus grande diffusion de la bêtise et de l’ignorance parmi vos semblables. Joli titre de gloire à accrocher à côté de vos diplômes, ne trouvez-vous pas?
Je ne connais pas Marie-Soleil, ni sa «mentrice», Anik, et je ne désire surtout pas les connaître. Vous êtes des barbares et vous ne le savez pas, et c'est ce qui est grave. Aussi, je vous laisse à votre univers maniaco-compulsif, mais je ne resterai pas muet devant des carriéristes, éteindre la Liberté dans le cendrier de leur frigidité morale⌛

Montréal
9 mars 2011

2 commentaires:

  1. Où trouve-t-on ce chef-d'oeuvre de la science ?!

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  2. Cher monsieur-antoine, je pense qu'en vous adressant au Conseil québécois sur le tabac, vous pourriez obtenir les références détaillées de l'enquête menée par Marie-Soleil Boivin, chargée de projet. Il est également possible de s'adresser au département des sciences de la gestion de l'UQAM.

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