mardi 16 août 2011

Stephen Harper, Sa Majesté. Sa Majesté Stephen Harper…


STEPHEN HARPER, SA MAJESTÉ.
SA MAJESTÉ STEPHEN HARPER…

Si vous êtes comme moi, vous n’appréciez sûrement pas vous faire réveiller, à trois heures du matin, par un tintamare provoqué par des voisins en goguette! C’est ce qui m’est arrivé dans la nuit du 15 au 16 août 2011. Je me suis levé en bobettes et ai été frapper à la porte des voisins. Ceux-ci étaient en plein carnaval: flûtes déroulantes au bec, bonnets d’âne sur la tête, grosses lunettes roses en étoiles d’Elton John. Ils fêtaient. Vous fêtez quoi, à 3 heures du matin, demandai-je d’un ton bourru?

- Tu ne sais pas! Tu n’as pas lu les nouvelles du Devoir sur le Twitter. Charest est mort! Une crise cardiaque. Couic, Au CHUM en plus…

- Quel Charest?

- Mais Jean! Le Premier ministre du Québec. Y’é mort cette nuit annonce Le Devoir. C’est fou, moé qui pensait qu’il n’avait pas de cœur, c’est étonnant tout de même. Mais, Le Devoir, c’est une source fiable, non?

- Ouais! C’est surtout un journal qui prend ses rêves pour la réalité!

Le fait est qu’en passant la tête par la fenêtre, je vis des tas d’autres fenêtres éclairées d’où sortaient des bruits de toutes sortes, des cris de joie, des bouteilles qui s’entrechoquaient, des enfants qui chialaient, des hurlements hystériques à faire frémir Hulk! Pour ma part, je ne voyais pas quoi se réjouir. Après tout, qui est-ce qui vont mettre à la place? Les pet-sec à Courchesne ou Normandeau? La Césarienne? Toto Legault? Mais, enfin, c’est l’occasion d’une véritable fête nationale! Hourrah donc! Ce n’est que vers cinq heures du matin, à l’heure où tout le monde avait la nausée, prêt à dégueuler la bière engloutie à grands flots, qu’on apprit qu’il s’agissait d’un canular et que Jean Charest, comme un nouveau Gerry, chantait Toujours vivant devant sa glace. Un pirate informatique avait saboté la une WEB du Devoir. Milles excuses! La police enquête. Le coupable sera poursuivie pour atteinte à la réputation d’une personnalité publique, etc. etc. Franchement, depuis que la compagnie McDonald avait placé quatre pions autour de son clown afin qu’il ne reçoive pas de tartes à la crème lancées par un contestataire, les célébrités publiques ont la fibre sensible. Pourtant, quoi de plus normal pour un clown que de recevoir une tarte à la crème? Aussi, quoi de plus normal pour un homme publique d’être la cible de farces en tous genres? Après tout, le Premier Ministre Charest, à qui on peut reprocher bien des choses, est toutefois un homme qui a le sens de l’humour… C’est peut-être même là sa plus grande qualité!

Pour le reste, je me suis recouché.

Aux nouvelles de midi, second canular! Le gouvernement fédéral de Stephen Harper veut remettre l’épithète de «royal» à l’Armée de l’Air et à la Marine canadiennes. Non, cette fois-là, c’est trop gros. Je veux bien croire que le Canada est en pleine phase de régression psychologique collective, qu’il se retrouve dans la peau du Canada du XIXe siècle, centre de ponctions des matières premières et du clientélisme colonial, mais revenir à Sa Majesté ma chère, non! Décidément, c’est l’ère du piratage informatique à tout crin. Est-ce que le 16 août aurait remplacé le 1er avril comme jour du poisson? Le gouvernement Harper - April Fool -, qui sert les cordons de la bourse pour les arts et la culture, ouvrirait son gousset pour faire de nouvelles épaulettes à coudre après les uniformes? Un gouvernement qui se vante de sa si bonne gestion des fonds publiques ne se résoudrait pas à une telle fantaisie, quand même…

Tant à cela, soyons-tous royalistes. Régressons, Régressons!

Donnons au Premier Ministre le titre de Premier Ministre royal du Canada.  À la Chambre des Communes, l’adjectif «royales»… comme la Banque! Au gouverneur général aussi: le Gouverneur royal du Canada. Eh puis, pourquoi pas à Kyoto, le chien royal de Stéphane Dion! Le Sénat pourrait redevenir la Chambre des Lords, avec Lord of Sagard du Lac Saint-Jean… Enfin, le prisonnier Conrad Black, déchu des Lords anglais, pourrait se prévaloir de son titre au Canada. La Chambre royale des Lords, ça fait pas prétentieux, seulement «traditionnel». Le sénateur Demers - pardon Lord Demers - pourrait s’occuper de la rédaction, en français, des discours à la Chambre des Lords après une prière à la bonne Sainte-Anne, dont c’est précisément la fête …le 15 août.

Et les provinces. Pourquoi pas des «provinces royales du Canada». Des territoires royaux tant à y être. Partout la couronne Dow deviendrait la couronne royale du Canada. Plus rien n’arrêterait cette dépense colatérale de la visite de Kate et William! Le Royal Canal Rideau, et la Royale Outaouais, ouais, pourquoi pas?

Régressons à reculons, régressons à l'unisson!

Le Premier ministre royal Harper songerait même à se faire confectionner une armure pour les tournois épiques comme du temps de la chevalerie. Il aurait demandé à la compagnie Rio-Tinto Alcan de lui en fabriquer une, ajustée à même ses propres mesures, en aluminium, souple et facile à porter à cheval (ou en Bixi). En tant que chef du Parti conservateur royal du Canada il pourrait faire flèche de tous bois contre le chef du Parti Libéral royal du Canada… s'il s'en trouve un. Nulle crainte qu’il lui arrive le drame vécu par le roi de France Henri II, qu’un bout de lance avait traversé la visière du heaume pour venir se ficher dans son œil. Avec le Premier ministre royal Harper, impossible de voir s’épancher du liquide cérébral par la visière.

Et puis, la Walt Disney Productions pourrait faire des poupées royales canadiennes comme elle fabrique déjà des Polices montées. Une poupée Stephen Harper avec sa tête formidablement carrée; Elizabeth II avec sa mâchoire surdentée. Le couple serait vendu séparément, bien entendu. Et les batteries ne seraient pas fournies pour entendre le Premier Ministre royal débiter le God save the Queen en rap, en beattlemania ou en cantique religieux.

Il y aurait de grandes consolations aussi à exploiter les avantages secrets de la royauté. Je pense à ce pèlerinage du Regroupement Royal des Sidéens du Canada qui ramasserait des fonds pour se rendre à Westminster afin de se faire toucher les sarcomes par les doigts boudineux de Sa Majesté. Si elle pouvait guérir des écrouelles au Moyen Âge, pourquoi pas le Sida au XXIe; après tout, la Monarchie aussi s’est passablement modernisée.

En retour, l’Ordre Royal des Autistes du Canada pourrait également financer des activités afin de permettre une meilleure intégration de la monarchie dans les programmes mis de l’avant par la psychiatrie moderne. Sa Majesté pourrait ainsi apprendre tous les bienfaits thérapeutiques de jouer avec son propre caca et le prince-consort pourrait apprendre à peindre avec sa propre merde de jeunes éphèbes sur les rives de la Tamise.

Régressons, mais régressons en santé!

Ne rions pas. Soyons compatissants pour les responsabilités liées aux titres royaux. Un F-18 de la Royal Canadian Air Force abattu par le tir des Talibans périrait avec plus de panache qu’un simple F-18 de la Canadian Air Force… Un voilier libéré de pirates somaliens par les navires de la Royal Canadian Navy verrait ses otages pleins de gratitudes pour la glorieuse et courageuse marine royale canadienne. C’est un supplément d’âme à verser aux horions subies par la brutalité somalienne.

Ne soyons surtout pas cyniques. L’ajout du qualificatif «royal» deviendrait pour nous l’équivalent du mot «liberty» pour les Américains: a royal achievement. Tout ce que  nous ferions serait au nom de la fierté monarchique. Contre le néo-tsarisme russe, la Marine royale du Canada atteindrait le pôle comme au temps où les Behring et les Scott se disputaient les terres et les mers pour accéder au pôle Nord. Nous accomplirions l’œuvre pour laquelle sir John Franklin est mort, dévoré par ses marins devenus cannibales sous l’emprise de la faim. Nous serions la nouvelle Nouvelle Angleterre. Nous construirions une Tour, comme à Londres, avec des fantômes (manipulés par infographie) de Riel et de Thomas d’Arcy McGee assassiné à Ottawa, qui apparaîtraient soudainement aux visiteurs. Nous enlèverions les pupitres pour tasser les députés les uns contre les autres sur des banquettes, comme à Londres, afin de laisser une plus grande place au casino que nous pourrions installer dans le hall du Parlement. Une flush royale, c’est bon pour la monarchie ça aussi!

Régressons, mais régressons en motons!

Chaque pointe des Montagnes Rocheuses pourrait recevoir le nom d’un membre de la famille royale. Chaque rivière, chaque fleuve porterait également le nom d’une famille aristocratique d’Angleterre. Chaque année nous pourrions reconstituer du Québec vers Terre-Neuve la traversée de la Manche par les hommes de Guillaume le Conquérant. L’Ontario et l’Alberta pourraient se livrer à une parodie de la guerre des Deux-Roses avec le maire de Toronto pour héritier du rôle de Henry VII Tudor, seulement pour son goût pour les requins. Le Québec servirait aussi d’Écosse à cette nouvelle Nouvelle Angleterre qui a besoin de ses rebelles pour être une véritable répétition de l’Histoire de l’Angleterre. Pauline Marois ferait une très bonne Mary Stuart. Ça prendrait seulement une hache un peu plus large pour le cou tore. Le roi d’Écosse, pardon, du Québec, Jean Charest, ne mourrait pas de crise cardiaque mais enfermé dans un cachot lugubre à Petawawa pour refus de soumission à Sa Majesté Harper - la Harper’s Majesty - et sa tentative d'exploiter les Highlands du Québec, Plan Nord d'un autre mauvais plan canadien.

Et la Royal Canadian Navy serait l’héritière de la Royal Navy d’Angleterre. On pourrait reconstituer une nouvelle invasion de l’Armada avec des bateaux faits en bâtons de popsicle recyclés. Nous y planterions des épouvantails à corbeaux avec une grosse radio qui scanderait des raps en espagnols. Nous enverrions le tout dériver sur les bancs de Terre-Neuve et se perdre dans le brouillard. Avec U2 en spectacle, quelle fête du diable ça serait…

Puisqu’à Montréal nous retrouvons la tour de Trafalgar Square, pourquoi ne pas reconstituer également une seconde bataille de Trafalgar. Notre nouvel Amiral Nelson, l’Amiral Harper, pourrait tirer à coups de canons sur ces bateaux de Français fournis par l’Office du Tourisme de Sarkozy. L’effet serait «explosif». Quelle fierté! L’Amiral Nelson avait perdu un œil et un bras au combat avant de se faire tirer une balle dans les reins par un méchant tireur français juché sur le mât du navire adverse. Quelle mort héroïque pour notre Premier Ministre royal conservateur. Mais, enfin, tout ça n’est qu’un jeu. Les acteurs se relèvent toujours après la fin du spectacle. Comme les chats, les Harper ont neuf vies.

Régressons, Régressons en rond!

Mais pas de Révolution industrielle quand même! Le Canada n’est qu’Angleterre que dans sa partie «image d’Épinal»; il ne peut nier sa nature de colonie et se substituer à la suprématie de la métropole. Soyons fiers de nous féliciter de franchir plus ou moins indemne la période de crise économique qui bouleverse jusqu’aux fondements de l’économie américaine. Après tout, dès le XIXe siècle, les Tories loyalistes disaient que la nouvelle République serait une faillite alors que l'Empire britannique d'Amérique du Nord serait un succès. Négligeons surtout de dire que nous surmontons la crise non en augmentant notre pouvoir de productivité, mais en amplifiant l’exploitation de nos ressources naturelles et en les exportant à des prix de brigands. L’Angleterre n’étant plus ce qu’elle était et les tarifs privilégiés de l’ancien Commonwealth passés de mode, le libre-échange remplace Londres par New York. Plus on est de rois, plus on rit.

Eh puis, une infusion d’aristocratie et de noblesse autour d’une poignée de féodaux monarchisés ne pourrait faire de tort à la canaille. Nous referions le célèbre Blue Flame Club de Londres, ces aristocrates qui se mettaient le derrière contre un mur, grattaient une allumette et pétaient sur la flamme afin de projeter la plus grande trace noire sur la tapisserie. Ce que Falardeau ce serait bidonné s’il avait vu ça! Je considère que l’ex-Gouvernante générale Michaëlle Jean, à ce jeu, ferait des étincelles… Eh puis Paul Martin! Il n’y manquerait, à ce Temps des Bouffons II que la très distinguée Jeanne Sauvé, mais de là où elle est, elle nous regarde sûrement avec bienveillance …en sautant sur les braises. Nous finirions bien par trouver un William Pitre qui, singeant lord Chatham, pourrait distraire les nouveaux nobles britanno-canadiens en répétant, la bouche remplie de biscuits soda: Sherwin Williams trois fois.


Régressons, régressons en chœur sous la baguette de Gregory Charles!


Ah! mais j’entends déjà des concerts d’indignation! Les séparatistes encore! Mais il y en a tellement de séparatistes qu’on ne sait plus où regarder pour reconnaître qui sont les vrais! Il y a la bande à Marois, le Mouvement Desjardins (qu’il ne faut pas confondre avec l’autre, celui des caisses), la bande à Toto qui joue au Légo No-No, Québec Solidaire qui tient à la souveraineté comme la Sœur volante à sa cornette… De grâce, qui jouera aux Patriotes de 37 pour qu’on puisse envoyer un Royal Colborne Harper les tirer comme des lapins et en faire un bon spectacle devant une scène solidement ancrée au sol pour ne pas partir avec les bourrasques de vents! On meurt au Québec de ne pas régresser assez vite pour se retrouver au Paradis enfin débarrassés de tous ces idéologues à la petite semaine qui croient que les Constitutions, ça ne concernent que la langue et le statut étatique des frontières et qui tiennent mordicus à ne pas toucher à la propriété et au travail.

Régressons en grand bonheur!

La monarchie est un spectacle en soi. La Britannique ne vaut pas l’autrichienne ni la vieille française, mais les peintures qui représentent les couronnements de George V et de Edward VII avant lui devraient inspirer les futures cérémonies protocolaires. Le mariage d’un parent du Gouverneur Royal ou d’un des fils du Premier ministre royal Harper mériteraient, au bon plaisir du roi, de somptueux couverts pour quinze ou vingt services; des bals en robes à crinoline, comme au temps de Victoria la poutine! Avec de la musique techno et des d.j., les résultats seraient tout simplement surréalistes et montreraient la grande créativité que la monarchie britanno-canadienne inspire à ses colons. Peu importe, les coffres sont pleins pour de telles cérémonies alors qu’ils sont étrangement vides pour les nécessités sociales et les créations proprement originales. Mais la royauté, comme une carte de crédit, ça n’a pas de prix!

Ah! j’oubliais, une colonie peut-elle avoir un empire, car l’Empire, ça reste le plus beau de notre contact avec l’Angleterre? Une marine royale canadienne se doit d’avoir des colonies. Où les trouver? Il y a bien le «bras canadien», mais les planètes sont ennuyeusement désertes. Où manifester notre majesté? Le pôle nord? Mais, à part le royaume du Père Noël, qui promet de céder à tout ultimatum par manque de défense antiaérienne, il n’y a là que de l’eau? L’Antartique? Il fond à vue d’œil? Les îles du Pacifique? La crûe de la surface des océans les rogne à grande vitesse. Quelques républiques de bananes comme Haïti, qui ont déjà goûté de la monarchie? Y a rien de solide là-bas, un coup de vent et tout part, jusqu’au régime politique! Que des troubles et des troubles! Il faudrait demander à Israël des conseils dans le domaine, ils ont de l’expérience et un agenda bien structuré. D’ailleurs, Sa Majesté Harper a de bons contacts parmi les milieux juifs canadiens, nous pourrions leur emprunter quelques tortionnaires qui ont retenu l’essentiel de la shoah et l’appliquent maintenant aux Palestiniens et aux Israéliens dissidents.

Ah là là! que d’efforts ça demande de régresser en paix! Mais il faut tenir notre rang monarchique et je plains le gouvernement du Canada d’avoir à assumer son titre de royauté. De plus, la royauté suppose un certain sentiment de noblesse et de dignité, hautain certes, mais du moins ça embellit l’humanité. Après tout, ce n’est pas pour rien qu’une marque de papier-cul porte le nom de «Royale». Et puis, même le Parti républicain monarchiste serait fier d’avoir un président de statut royal, comme aux États-Unis…

Oups! Ça sonne à la porte. Ne bougez pas, je reviens…

…………

C’était la Poste Royale qui venait me livrer un livre que j’ai commandé de France. C’est l’Histoire d’Angleterre de York Powell et Tout, un vieux livre des années 1930, mais une vraie somme historique: plus de 1200 pages, comme il ne s’en fait plus. Elle dépasse de loin celle de Maurois et surtout les plus récentes de Roland Marx. Presque du Trevelyan. Ah! quelle histoire intéressante que celle de l’Angleterre, mais, de grâce, lisez-là, NE LA PLAGIEZ PAS⌛

Montréal
16 août 2011

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