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Hergé et Tintin |
AUTOUR DU TINTIN DE SPIELBERG
La sortie québécoise du «Tintin» de Spielberg va avoir lieu le 6 décembre 2011, et déjà en Belgique et en France, les commentaires sont généralement dithyrambiques. Seuls quelques esprits chagrins ont osé manifesté contre le «bruit» et les cavalcades interminables du film. En fait, les rushes qui nous sont parvenus nous montrent bien le film comme un film de

Pas sûr. Une chose, par contre, est sûre en tout cas, le Tintin de Spielberg est le petit frère d’Indiana Jones, et n’a plus grand chose à voir avec le Tintin d’Hergé. Pourquoi? Parce que le Tintin d’Hergé



Une fois la continuité établie, il devenait donc difficile d’en changer les aspects même les plus secondaires. Hergé se prit à plusieurs reprises pour retoucher,


Il est de mise, aujourd’hui, que les historiens, les anthropologues et les philosophes se piquent d’être des tintinologues. Michel Serres, Élisabeth de Fontenay, Clément Rosset, Pascal Bruckner, Daniel Sibony et Dominique Lecourt (rien de moins) ont tous collaboré au Tintin au pays des philosophes (2010). Or, du temps d’Hergé, la bande dessinée était considérée comme un art mineur. Pourtant, Hergé s’inspirait de ce que l'Histoire des littératures de La Pléiade appelait la «paralittérature» pour nourrir les intrigues de ses
aventures. L'exploration coloniale des reportages d’Albert Londres et de Pierre Loti ont inspiré Tintin au Congo et Les Cigares du Pharaon; les histoires de coups d'État (de L’Oreille cassée au Sceptre d’Ottokar); la contrebande d'opium (Le Lotus bleu et Le crabe aux pinces d’or); les chasses au trésor (à L'Étoile mystérieuse, au Trésor de Rackham le Rouge, Le Temple du soleil); l'espionnage (de L'Île noire à L’Affaire Tournesol); la traite des nègres et
les conflits au Moyen-Orient (Coke en stock); les romans anthropologiques (Ranko de L’Île noire et le Yéti de Tintin au Tibet sont les petits frères de King Kong); les nouveaux média (Les Bijoux de la Castafiore); les aventures mystérieuses inspirées du Matin des magiciens de Pauwels et Bergier (Vol 714 pour Sydney) jusqu’à Tintin et l’alph-art et le recel des objets d’art volé. Le roman fantastique (Les Sept boules de cristal), le roman policier (L’Île Noire, Le Secret de la Licorne), les collections populaires («L’Aventure mystérieuse» chez Flammarion: Le Troisième œil de Lobsang Rampa est contemporain de Tintin au Tibet), comme «Les énigmes de l’univers» chez Robert Laffont de Vol 714 pour Sydney) sont les sources littéraires de Hergé, et non Maritain, Claudel, Huysmans ou Bernanos!
Tout au long de son travail, Hergé a suivi les courbes des événements qui pouvaient toucher le Belge moyen, enserré entre les Français, les Allemands, les Néerlandais et les Anglais. Ce petit peuple apparemment insignifiant avait pourtant été le second, après les Anglais, à démarrer la Révolution industrielle. Ses ressources en charbon et en minéraux l’avaient propulsé parmi les premières puissances économiques de l'Europe, bien que ce fût été pour un temps relativement court. Voilà pourquoi, après la Révolution de 1830, les Français et les Anglais n’eurent d’autres choix que d’accepter sa fondation, à la fois comme État tampon entre les deux vieilles puissances rivales et comme partenaire dans les coalitions dynastiques. L’agression dont elle fut victime en 1914 par l’invasion allemande entraîna la déclaration de guerre de l’Angleterre et de ses dominions contre l’Allemagne. Entre temps, son roi mégalomane, Léopold II, s’était construit un empire personnel au Congo, y laissant s’exercer les pires
exactions dans l’exploitation du caoutchouc, lié à la nouvelle industrie pétrochimique, tout en ayant le culot de présenter son entreprise comme une œuvre philanthropique! Les dénonciations journalistiques au début du XXe siècle, menées par le britannique Edmund Dene Morel, jetèrent l’opprobre sur la Belgique tout entière au point que le roi résilla sa propriété en la livrant au gouvernement belge. La Belgique, gouvernement constitutionnel, laissa toutefois continuer les manœuvres des compagnies, le tout recouvert des bénédictions distribuées par les Pères Blancs et autres missionnaires. Il y a, chez Hergé, une volonté manifeste de retrouver la dignité nationale belge et catholique en inventant ce «petit reporter» prêt à s’engager à dénoncer toutes les injustices du monde et à voler au secours des pauvres et des déshérités. Avec Tintin, c’est la fierté belge retrouvée au milieu du XXe siècle. Aspect national du succès d'Hergé jamais considéré.

Tout au long de son travail, Hergé a suivi les courbes des événements qui pouvaient toucher le Belge moyen, enserré entre les Français, les Allemands, les Néerlandais et les Anglais. Ce petit peuple apparemment insignifiant avait pourtant été le second, après les Anglais, à démarrer la Révolution industrielle. Ses ressources en charbon et en minéraux l’avaient propulsé parmi les premières puissances économiques de l'Europe, bien que ce fût été pour un temps relativement court. Voilà pourquoi, après la Révolution de 1830, les Français et les Anglais n’eurent d’autres choix que d’accepter sa fondation, à la fois comme État tampon entre les deux vieilles puissances rivales et comme partenaire dans les coalitions dynastiques. L’agression dont elle fut victime en 1914 par l’invasion allemande entraîna la déclaration de guerre de l’Angleterre et de ses dominions contre l’Allemagne. Entre temps, son roi mégalomane, Léopold II, s’était construit un empire personnel au Congo, y laissant s’exercer les pires

Cet élément compte peu dans la façon dont les albums furent accueillis ailleurs, en France ou dans le reste de la francophonie. La frontière est ténue entre la Belgique et la France dans les aventures de Tintin. Le chevalier de Haddock a été un honnête capitaine au service de la marine royale de Louis XIV. Pays incertain, entre sa majorité wallonne (francophone) et sa minorité flamande (néerlandophone), équilibre délicat né des crises historiques de la Réforme et des rivalités dynastiques, lorsque Léopold II en fit une des puissances impériales avec le Congo qui équivalait à près de 77 fois la superficie de la Belgique, un puissant déséquilibre s’installa. La perte du Congo ramena le pays à sa dimension réelle. Après la Seconde Guerre mondiale, il devenait le cœur symbolique de l’Europe dans la mesure où les nouvelles communautés européennes, économiques puis politiques, s’installèrent à Bruxelles. Pays métissé, pays de synthèse jamais complètement unifié, Tintin représente essentiellement la part wallonne de la Belgique, et sa part catholique. On a dit que la religion apparaissait rarement dans les
aventures de Tintin. Elle court toutefois tout au long des albums: les démons viennent chercher avec leurs fources les deux bandits noyés à la fin de L’Oreille cassée; le globe terrestre contenant le trésor de Rackham le Rouge est situé au pied de saint Jean l’Évangéliste marqué par son symbole l’Aigle de Patmos; Tintin au Tibet marque une attirance de Hergé pour le lamaïsme, pourtant, en se portant au secours de Tchang, Tintin accompli précisément la parole du Christ contenue dans l’Évangile de Jean: «il n’y a pas de plus beau sacrifice que de donner sa vie pour ceux qu’on aime». Le cheminement de Hergé ne le conduit pas vers des formes ésotériques de la religion, mais le ramène à l’essence humaniste même de sa propre religion, le catholicisme.

Le petit reporter a donc une mission nationale et spirituelle qui n’est jamais donnée ouvertement, mais qui n’en agit pas moins sur le cours des événements. Ce que le Tintin de Spielberg ne peut arriver à rendre, même avec tout le déploiement de sa technique, c’est l’essentiel du Tintin de Hergé: cette démarche profondément humaniste. Tintin est une conscience en formation, une conscience qui, à la manière dont Hegel en définit le parcours, se révèle à elle-même en se confrontant avec le monde «autre». Entre les préjugés qu’il traîne avec lui et la réalité qui se révèle peu à peu, Tintin, toujours identique à un âge intemporel de l’adolescence ou du jeune

Tintin, comme Martin, est un malin. Il a la malignité de l’enfance. S’il découvre les «usines Potemkine» en Russie, les villes dont les gratte-ciel s’érigent en trois jours pendant qu’on y chasse les Autochtones de leurs terres remplies de pétrole, son

Les voyages, en Amazonie ou en Écosse, feront apparaître d’autres personnages baroques, soumis, comme Rastapopoulos, à des oxymores entre bien et mal. Ainsi le colonel Alcazar et son alter-ego, le

Et la science prend de plus en plus d’importance dans les albums ultérieurs. Les caplets ajoutés à l’essence laissent entrevoir un immense complot visant à


Certains affirment que Tintin au Tibet est la conversion mystique de Hergé à travers son personnage. L’expérience à la lamaserie, la recherche de l’avion écrasé dans l’Himmalaya, la rencontre avec le Yéti, et le salut de Tchang sont évidemment une suite de situations qui bouleversent l’âme d’un individu, mais dire que tout se passe dans cet album est nettement exagéré. Tous les albums antérieurs y ont préparé. Il y a un cheminement d’un album à l’autre, même si les acquis du personnage n’apparaissent pas suffisamment déterminant pour empêcher de lire les albums dans n’importe quel ordre.
On a beaucoup insisté sur les pulsions homosexuelles qui hantaient Tintin et ses collègues (Apostolidès) ou sur le Familienroman qu’Hergé se serait



Par contre, l’amour profane se situe sur l’axe x des abscisses, celle des «petits vices». Milou et Haddock sont intempérants face à l'os et à l’alcool; les Dupondt, dont Hergé nous indique qu’ils ne sont pas des jumeaux, sont des Doubles, ils sont issus du Döppelganger que l’on rencontre dans la littérature fantastique, sous le mode caricatural d’esprits étroits, bornés, s’en tenant aux évidences mensongères et à la lettre de la loi sans esprit (Le Lotus bleu, L’Île noire); le professeur Tournesol est un névrosé obsessionnel, sourd et qui entre dans une furie incontrôlable lorsque Haddock le traite de Zouave (Objectif lune); la Castafiore est dévorée par un narcissisme inconscient qui la plante devant son miroir en hurlant les airs de Faust. Tout cela ne sont que des vices mineurs, le monde de Tintin n’est pas celui de Criminal Minds.
Et les méchants dans tout cela? Franchit le point où l’axe x des petits vices rencontre l’axe y de la grande vertu, cette dernière plonge dans le monde du mal. Les méchants, dans Tintin, sont à son image, des méchants platoniques.
Certes ils trafiquent des armes et de l’opium (Ratapopoulos), agissent en pirates (Rackham le Rouge, Allen), espionnent (Müller, Sponsz), vont jusqu’à tuer (Maxime Loiseau), mais ils partagent en commun une seule «aspiration», la soif de l’argent. Si les diables finissent par les emmener en enfer, comme à la fin de L’Oreille cassée, c’est une échappée religieuse qu’Hergé se gardera de reproduire. On ne retrouve chez eux aucun des grands vices qui présideraient aux Infortunes de la Vertu ou à La prospérité du vice. Ni sadiques, ni tortionnaires, ils ne sont pervers en aucune manière. Ce sont de simples crapules. L’absence du sexe les réduits à leur simple fixation anale: le trésor. Mais alors que celui de Rackham le Rouge sert à rétablir Haddock dans sa noblesse (on le voit bien dès le début des Sept boules de cristal avant que l’aventure le force à remettre son costume de capitaine), alors qu’on ne sait pas trop bien ce que les méchants font de leurs avoirs.
Dans cet axe bien/mal, si les différents personnages se distribuent selon des positions plus rapprochées (Tchang
Le Lotus bleu et Tintin au Tibet) ou plus éloignées selon leurs petits vices de Tintin (les Romanichels des Bijoux de la Castafiore sont à la limite du bien et du mal, l’une des petites filles ayant pris les ciseaux d’Irma), les méchants aussi se positionnent, quoique de manières moins nuancées. Seul Wolf, l’espion de la fusée lunaire qui sacrifie sa vie afin de permettre à la famille Tintin d’économiser assez d’oxygène pour revenir sur terre, annonce le sacrifice johannique qui s’épanouira dans Tintin au Tibet. C’est la seule grande rédemption promise par Hergé, dans On a marché sur la lune, qui rend compte de la miséricorde qu’il fait peser sur ses méchants. Mais c’est là une exception. Dans Vol 714 pour Sydney et Tintin et les Picaros, c’est la déchéance même du mal (le dentier arraché de la bouche de Allen) qui est l’issue de ceux qui, dans les premiers albums de Tintin, apparaissaient comme des incarnations du mal absolu (l’affrontement final du Lotus bleu et le suicide de Mutsu Hito).
C’est la traversé de ce tableau cartésien qui représenterait le mieux l’évolution de l’état de la
conscience que nous attribuons à Tintin. La conscience semble être le véritable enjeu de toutes ces quêtes qui, des Soviets à l’Alph-art s’efforcent de distinguer l’essentiel de l’accessoire, l’âme de la propriété matérielle. Moulinsart est un château vide, comme Bettelheim parlait de La Forteresse vide. Il ne transforme pas les personnages. C’est un lieu dérisoire à la limite (à la fin de L’Affaire Tournesol, dans Coke en stock). Rien de la maison Usher de Poe ou de Manderlay de Daphné du Maurier/Hitchcock. Si auparavant Tintin pouvait bénéficier de son revenu de journaliste, bien qu’on ne le voit écrire qu’un texte, et encore péniblement, dans Tintin au pays des Soviets, son métier de reporter expliquait où il prenait son argent pour voyager au Congo, en Amérique, faire le tour de l’Asie de l’Égypte à la Chine. Le château de Moulinsart prend la relève en rendant compte de l’aisance des personnages qui peuvent ainsi s’abandonner à leur quête sans qu’on se demande où ils prennent l’argent pour payer les billets d’avion qui les emmènent. Pour un enfant, quelqu’un qui possède un château est immensément riche, et il s’en demandera pas plus. Hergé recourt ici à un raccourci qui est celui des contes de fées. Moulinsart devient le lieu de rassemblement du Familienroman.
Une fois les nécessités matérielles expédiées dans le monde magique, le principe de plaisir se rabat sur le principe de réalité. La course au trésor est remplacé par
la quête du mystère. Dès Les Sept boules de cristal, l’ésotérisme fait son apparition. Dans la réminiscence des morts suspectes des archéologues qui avaient découvert le tombeau de Toutankhamon qui défraya la chronique durant l’Entre-deux-Guerres, Tintin se rendra jusqu’au Pérou, dans une enclave où survit la société traditionnelle des Incas et leur
culte de Pachacamac. Quête qui passe soudainement de l’espace au temps. Tintin au Tibet interroge les phénomènes extraordinaires qu’on attribue au tantrisme bouddhique assorti à la légende de l’abominable homme des neiges, le Yéti. Le tout culmine, comme je l'ai dit, avec les extraterrestres, en contact avec Jacques Bergier, l’un des co-auteurs du Matin des Magiciens et directeur de la revue Planète, dans Vol 714 pour Sydney. Ce mysticisme à rabais ne change en rien l’essentiel de la foi catholique de Georges Rémi, comme nous l’avons dit. Tout cela n’est qu’un rappel que dans le domaine de la foi, le mystère tient la place où le principe de réalité peut rencontrer le principe de plaisir sur une base de réconciliation par-delà bien et mal.
Car la rencontre entre le principe de plaisir et celui de réalité ne signifie plus la satisfaction infantile qui est la condition même de l’enfance. La frustration apparaît dans Tintin de façon brutale. Si les trois premiers albums, chez les Soviets, au Congo et en
Amérique présentent souvent Tintin dans des états de dangers qui confinent au suspens des romans policiers, un deus ex machina finit toujours par veiller sur lui: une bombe qui rate son coup, un Père blanc, une ruse de gamin. Mais avec Les Cigares du pharaon et Le Lotus bleu, c’est un ami, Rastapopoulos qui se révèle finalement le traître qui a tout manigancé, lui qui se fait passer pour un réalisateur de cinéma, donc un homme passé maître dans l’art des illusions. La confiance de Tintin a donc été trahie. Elle en sort ébranlée. Et ce sera la seule fois. Mais la leçon porte et la conscience du héros devient une conscience dubitative. Tintin apprend à se méfier, à ne plus, comme les Dupondt, tenir l’apparence pour la réalité. La blessure au bras qu’il reçoit dans Le Lotus bleu est signe de la blessure morale qui s’en vient, au moment où un déséquilibré menace de lui trancher la tête pour lui permettre d’accéder à la vérité (selon Lao Tseu). Tchang le sauvera une seconde fois de la mort et c’est la raison pour laquelle Tintin ira jusqu’à mettre sa vie
réellement en péril, contre le froid, contre l’Himmalaya hostile, contre le Yéti, pour retrouver Tchang, perdu dans un accident d’avion. Au moment où la confiance semblait sombrer dans le doute absolu, un alter ego se manifestait pour soulager la douleur et apporter le salut in extremis. La confiance ne sera jamais définitivement abolie dans la conscience de Tintin, mais elle ne sera plus aveuglée par sa bonne fortune. Les amitiés se construisent sur la connaissance de l’Autre et non sur les préjugés rapides du premier coup d’œil. Ce doute inquiet ouvre la porte au mystère, au mysticisme de Tintin qui, tout en remettant sa foi en question, ne s’en prive jamais. Son humanisme de philanthrope cèdera la place à une compassion, surtout pour les enfants, prisonniers des mesquineries des méchants: Zorrino dans Le Temple du soleil, Abdallah dans Au pays de l’or noir et Coke en stock, les Roms dans Les Bijoux de la Castafiore, les esclaves noirs en route pour La Mecque dans Coke en stock. Il sait cet humanisme incompatible avec les dictatures qui s’érigent dans Le Sceptre d’Ottokar, dans L’Affaire Tournesol, dans Coke en stock. Mort aux tyrans!
veut dire qu’un bon roi (constitutionnel, comme en Belgique) vaut mieux qu’une dictature totalitaire. Cette leçon servira pour les enfants, une fois devenu grand. Ce sont les indulgences avec lesquelles Hergé paya sa réhabilitation, après le purgatoire auquel il fut astreint après avoir «collaboré» du temps de l’Occupation.
Le fait que cette conscience ait atteint son acmé avec la Guerre Froide et l’aventure au Tibet semble avoir épuisé les ressources de son créateur. Voilà pourquoi l’histoire des Bijoux de la Castafiore ne réside autour d’aucune énigme sinon une anecdote de disparition de bijoux, volés en plus par une pie! Si Vol 714 pour Sydney relance une intrigue à la saveur du jour, tout
s’achève dans l’état d’inconscience où Tintin et ses amis ont été plongés par les extraterrestres, à l’image de la femme indienne dans le numéro d’hypnotisme des Sept boules de cristal. L’aventure chez les Picaros apparaît comme un pur divertissement qui répète des intrigues connues et qui a déçu à l’époque les adeptes d’Hergé. Enfin, il est difficile de dire ce qu’aurait été l’Alph-art, sinon qu’une autre vulgaire intrigue de vol de tableaux (comme les modèles réduits du Secret de la Licorne). L’imagination de Hergé était passablement épuisée bien avant que la leucémie ne l’atteigne.
L’accès à la conscience marque-t-elle la mort de l’enfance? Épuise-t-elle la quête mystique? Met-elle en péril la confiance dans l’Autre qui risque de désenchanter le monde «merveilleux» du préjugé? Se fatigue-t-elle d’une exploration et d’une découverte des espaces et des temps autres? Ce qui différencie foncièrement le Tintin d’Hergé du Tintin de Spielberg, c’est précisément que le Tintin d’Hergé
naviguait encore du temps où l’exotisme était une quête de l’Autre, étranger à soi-même mais jamais totalement hors l’humanité à laquelle nous appartenons. Celui de Spielberg n’a plus rien d’exotique. Il ramène des recettes connues de parc d’attraction: l’avion qui se morcèle en heurtant de plein fouet la mer, la quête des modèles-réduits de la Licorne, la plongée dans la profondeur de l’océan à la recherche de l’épave, l’exploration du mystérieux château de Moulinsart. Tout ce qui faisait vibrer les cœurs des enfants à la lecture des albums de Tintin a été tellement de fois repris au cinéma, dans d’autres versions de films d’aventure, que les effets sont conditionnés d’avance et amplifiés par la technique en 3D. On n'y retrouvera pas l'émerveillement de la page tournée. Pour le reste, je doute que l’esprit d’Hergé soit trop «songé» pour les magiciens de Hollywood⌛
Montréal
2 décembre 2011
Et les méchants dans tout cela? Franchit le point où l’axe x des petits vices rencontre l’axe y de la grande vertu, cette dernière plonge dans le monde du mal. Les méchants, dans Tintin, sont à son image, des méchants platoniques.

Dans cet axe bien/mal, si les différents personnages se distribuent selon des positions plus rapprochées (Tchang

C’est la traversé de ce tableau cartésien qui représenterait le mieux l’évolution de l’état de la

Une fois les nécessités matérielles expédiées dans le monde magique, le principe de plaisir se rabat sur le principe de réalité. La course au trésor est remplacé par


Car la rencontre entre le principe de plaisir et celui de réalité ne signifie plus la satisfaction infantile qui est la condition même de l’enfance. La frustration apparaît dans Tintin de façon brutale. Si les trois premiers albums, chez les Soviets, au Congo et en



Le fait que cette conscience ait atteint son acmé avec la Guerre Froide et l’aventure au Tibet semble avoir épuisé les ressources de son créateur. Voilà pourquoi l’histoire des Bijoux de la Castafiore ne réside autour d’aucune énigme sinon une anecdote de disparition de bijoux, volés en plus par une pie! Si Vol 714 pour Sydney relance une intrigue à la saveur du jour, tout

L’accès à la conscience marque-t-elle la mort de l’enfance? Épuise-t-elle la quête mystique? Met-elle en péril la confiance dans l’Autre qui risque de désenchanter le monde «merveilleux» du préjugé? Se fatigue-t-elle d’une exploration et d’une découverte des espaces et des temps autres? Ce qui différencie foncièrement le Tintin d’Hergé du Tintin de Spielberg, c’est précisément que le Tintin d’Hergé

Montréal
2 décembre 2011
Chapeau ...
RépondreSupprimerJe suis impressionné ...
Comme une expression de notre temps ...
Je dirai ...
Vous êtes une machine !!!
Ça veux dire ``Bravo`` ... :)
Une machine? Je ne sais pas trop, avec ce que La Mettrie disait de l'Homme-Machine et ce que Sade en a fait, j'en ai les «esprits-animaux» qui frétillent! Mais j'accepte humblement l'expression de votre satisfaction. Merci.
SupprimerJ.-P.