MARIE-VICTORIN : ENTRE LE SAVOIR ET LA VOLUPTÉ
J'ai, à
côté de moi, le livre de la semaine : les Lettres biologiques du Frère
Marie-Victorin, présentées par Yves Gingras et paru chez Boréal.
Après une introduction et des considérations qui seront reprises
dans le reportage de Luc Chartrand diffusé à l'émission Enquête
sur les ondes d'Ici Radio-Canada, le jeudi 8 février 2018, Gingras
nous dit qu'«en publiant ces lettres, nous voulons
contribuer à l'histoire de la sexualité au Québec, domaine encore
en friche, et aussi à celle des contraintes de la vie religieuse.
[…] Cette
correspondance intéressera autant l'historien que le psychologue ou
le psychanalyste, car elle nous fait découvrir une amitié profonde
et spirituelle entre un homme et une femme fondée sur une relation à
Dieu qui, en un sens, barre la route à une relation physique que les
deux savent dangereuse, sinon impossible»
(p. 8). Je trouve, malgré cette volonté, que
le travail d'édition
est bâclé. Outre le fait que les réponses de Marcelle Gauvreau ne
peuvent y être publiées, la présentation de Gingras évite un
dialogue avec le texte de Marie-Victorin qui aurait été plus
judicieux. Il aurait mieux valu, dans un format développé jadis
par la collection française Archives, publiée
d'abord chez Julliard puis reprise par Gallimard, présenter les
lettres, non pas l'une à la suite de l'autre, sans commentaire, mais
procéder par une sélection des extraits les plus significatifs
organisés en chapitres relevant les prétextes scientifiques, le
dilemme religieux, l'expérimentation sexuelles, etc., avec des
commentaires analytiques appropriés. Tout cela s'y trouve ou à peu
près, concentré d'une façon assez générale, dans l'introduction
qui est à la fois une mise en contexte de la correspondance et un
rapide tableau de la sexualité des Québécois à travers des
appréciations et critiques glanées ici et là dans la
correspondance générale de Marie-Victorin. Nous suivons donc, avec
les lettres soigneusement classées chronologiquement, les étapes
des expériences liées
à la quête de Marie-Victorin, ailleurs au Québec, spécialement à
New York et à Cuba.

LA
FRAUDE SCIENTIFIQUE
Au
cours de cette semaine j'ai émis des observations, commentaires et
jugements que je ramènerai ici, non en les confrontant au contenu
des lettres, ce qui serait fastidieux, préférant laisser libre
choix aux lecteurs que j'invite à se procurer le livre pour se faire
leur
propre idée. Ces escapades de Marie-Victorin étaient connues
depuis les années 1990 par le travail journalistique de Chartrand.
Pour les rendre publiques, il fallait l'accord de l'Institut des
Écoles chrétiennes, à laquelle appartenait le Frère
Marie-Victorin (Conrad Kirouac) (1885-1944) pour que ces lettres
soient publiées. Dire que nous en apprenons beaucoup sur l'histoire
de la sexualité au Québec, c'est à prendre avec des pincettes, car
le Frère Marie-Victorin était une personnalité exceptionnelle qui
ne représentait en rien les mœurs sexuelles de ses contemporains,
pour autant que nous en connaissons quand même un peu de ces mœurs!
Tenter de vivre sa sexualité sous le couvert d'une entreprise
scientifique, il s'agissait là d'un tour de force assez
original. Ce que cela nous dit, et nous rappelle en fait, c'est la
force de l'interdit et du refoulement dans la culture traditionnelle
québécoise. Expérimenter la sexualité en se laissant croire que
ce n'est pas pour prendre du plaisir mais pour étudier, selon la
règle épistémologique de l'observation énoncée par le
positivisme de Claude Bernard, voilà, disons, un pieux
mensonge.



Qui,
en effet, forniquerait au nom de la science? Marie-Victorin
n'ignorait pas que l'épistémologie positiviste de l'époque, qu'il
appliquait lui-même dans ses études botaniques, exige de ne pas
s'impliquer en tant que sujet dans une expérimentation. On ne peut
pas, objectivement, être observateur et participant en même temps
dans une expérience scientifique. Ce recours à la justification
scientifique relève de l'Idéologique. Il n'appartient pas à
l'Imaginaire qui observe, découvre et classe les objets du monde
dans sa mémoire à partir de laquelle déborder vers la créativité.
LES
TRAVERS DU SEXE
Ce
que nous révèle la description des expériences au cours des
Lettres biologiques, c'est
la quantité de pulsions partielles qui ne cessent de se manifester
chez le Frère Marie-
Victorin. L'éducation entraîne dans la
psychisme du moi le refoulement des «perversions polymor-

phes» de la
petite enfance, mais pour autant qu'elles soient refoulées, elles
peuvent toujours ressurgir au cours de l'existence, suite à un
traumatisme par exemple. Dénombrons-en donc quelques-unes. Le
voyeurisme, qu'il sublime en observations.
La
pédophilie, plutôt que de faire un échantillonnage
sur une
diversification d'âges. L'usage de prostituées comme des cobayes.
Le
fétichisme des organes génitaux. Le sadisme, dans la façon de
«découper» de manière fantasmatique
les objets
observés. La sexualité passive,
par la fellation, qui était tenue pour anormale pour un homme dans
le contexte de la sexologie helléno-chrétienne. C'est ce que je
tiens pour ce véritable tour de force
que les
mœurs québécoises de l'époque ne pouvaient imaginer, à
l'exception des milieux de la prostitution. En général, où les
Québécois allaient aux putes, ou ils refoulaient, réprimaient et
sublimaient leurs pulsions jusque dans, et y compris le mariage.
Dans
les années 1970, j'avais appris qu'un couple de grand-parents d'un
élève dormait en vêtements de nuit, un drap les séparant l'un de
l'autre. Ce drap était percé d'un trou afin de permettre la
copulation. On ne pouvait pas vivre plus loin de son corps que ça.
On
préférait sublimer l'oralité en la reportant sur l'alcool et
l'ivresse; l'analité sur l'hypocon-

drie intestinale (comme dans le
film Léolo);
la peur de la génitalité ouvrait sur l'impuissance et la frigidité,
justifiée par le seul commandement biblique de la procréation. Dès
lors, les jeunes Roméo et Juliette, le temps des fiançailles passé,
ne s'appelaient plus, entre eux, que «Popa» et «Moman». Bref, les
Québécois – comme ici Marie-Victorin et Gauvreau -, se
détournaient de leur sexualité en voie de maturité pour régresser
et se fixer à des stades de développement antérieur. Ils
fétichisaient leurs enfants comme des étrons : un tel était
le fils de X, fils de Y, fils de Z, selon les interminables listes
généalogiques de la Bible. Comme ces enfants n'étaient que des
faeces lâchées qui en feraient d'autres et ainsi de génération en
génération, leur importance se limitait à servir de bras dans
l'entretien de la ferme ou de pourvoyeurs dans les usines : de
futurs bâtons de vieillesse pour les parents. Dans le cas de
Marie-Victorin et de Gauvreau, il est difficile de considérer qu'ils
aient atteint, même après avoir couché ensemble, une véritable
maturité sexuelle qui est celle qui érotise le corps tout entier et
non seulement une zone érogène ou l'autre.
cient. Il ne
trouvait pas toujours de justifications pour se révéler. Viols et
enfants illégitimes le prouvent. Alors sévissait la répression,
surtout visant les femmes et leurs bâtards tenus pour illégitimes.
Le drame célèbre de Gratien Gélinas, Ti-Coq,
est là pour nous le rappeler à chaque
génération. La prostitution et la “sodomie” (entre adultes
consentants) relevaient du code criminel. Policiers et médecins
étaient appelés pour rétablir l'ordre et la loi naturelle. Il
fallait rectifier les écarts de la contre-nature. Dans le monde des
plantes, bien qu'il existe une sexualité, celle-la ne connait ni
hétéro, ni homosexualité. Marie-Victorin l'aurait reconnu chez les
animaux qu'il n'aurait pas compris davantage. Chez l'humain, il
n'était pas loin de partager l'analyse freudienne qui tenait
l'homosexualité comme un simple «complexe d'Œdipe
négatif».
Plus une société exige de refoulements
chez les individus, non seulement il y a sublimation, mais également
déni, hypocrisie et surtout perversions. C'est ce que nous venons de
constater à travers les confidences du Frère Marie-Victorin.
Pensons à la société victorienne du XIXe siècle en Angleterre qui
a tout de même produit un Jack l'Éventreur, qui n'était que le
sommet de la psychopathologie de l'époque. Pour avoir connu la fin
de ce régime dans le Québec des années 1960, il ressortait aux
yeux de tous que nous vivions
dans l'hypocrisie et la dissimulation.
Cette stratégie de la dissi-

mulation nous écartait individuel-
lement
du jugement que nous portions sur les autres (la médisances, un
péché dans lequel nous étions passés maîtres) était plus facile
à démonter que nos dissimulations actuelles tant nous nous disons
sérieusement, particulièrement “ouvert” et “transparent”
alors que tout baigne dans l'opacité, y compris dans notre vie
sexuelle jugée “épanouie”. Et le plus triste, sans doute, c'est
lorsqu'on croit percevoir de la transparence alors que nous nous
retrouvons dans le plus opaque. Même l'actuel mouvement Me
too! qui a l'avantage d'éclairer toute une
zone d'ombre malsaine reconnue comme «genre de vie» dans certains
milieux, cache également bien d'autres choses. D'où ces délires
collectifs de chasse aux sorcières que je condamne férocement
depuis le procès intenté à Claude Jutra et qui est un symptôme
même de nos déficiences sexuelles.

Les
médisances et les calomnies, si courantes dans un monde profondément
refoulé, appartenaient au caractère général d'une société
catholique rigoriste. Celle-ci, avons-nous dit, maintenait une
sexualité immature dont la pulsion masochiste finissait par dominer
toutes les autres et le comportement dit normal. Une
course impossible à savoir qui était le plus vertueux (et non le
moins vicieux); un goût morbide pour l'auto-flagellation et les
culpabilités diverses; la répression de ses désirs d'émancipation;
le report d'une vie heureuse après la mort dans un monde océanique
pratiquant un voyeurisme sans fin de la figure divine et surtout,
surtout cet orgueil démesuré d'affirmer que nous étions supérieurs
par notre capacité à endurer plus de souffrances que n'importe qui
d'autres sur terre. Il y a un peu de cet orgueil qui se manifeste
encore dans notre pseudo-islamophobie : une femme musulmane
voilée, de la tête aux pieds, souffre plus que Lise Watier derrière
son bureau de pdg d'entreprise : c'est inacceptable! Cette façon de
concevoir le catholicisme était tellement arriérée qu'elle dégoûta
les catholiques français fuyant l'Occupation nazie qu'ils
préférèrent se retrouver à Toronto plutôt que dans la vichyste
province de Québec. Une sexualité régressive et répressive, qui
s'accrochait aux pulsions partielles plutôt qu'au cours naturel des
stades de développement de la sexualité était déjà condamnée
sans circonstances atténuantes.

Soyons
justes, toutefois, le refoulement ne se libérait pas seulement par
la voie des perversions. L'économie sexuelle des Canadiens-français
avait, elle aussi, cette voie de sortie qu'est la sublimation. Les
arts et les sciences furent des lieux de libération (relative)
les
plus favorables aux esprits souffrants de la répression sexuelle.
Dès l'entre-deux-guerres, l'intrusion du gouvernement fédéral dans
les affaires morales souleva une résistance nationale, en
particulier celle d'Henri Bourassa, face au divorce. Mais les signes
étaient déjà présents : ça craquait de tous bords tous
côtés. L'alliance tacite des partis politiques québécois pour ne
pas accorder le droit de vote aux femmes alors qu'elles l'obtenaient
progressivement dans tout le reste de l'Amérique du Nord désignait
cette résistance comme vaine. Dans le cas de Marcelle Gauvreau, je
ne sais pas, mais dans celui de Marie-Victorin, la réaction triomphe
par le fait qu'il n'a pas fait de sa secrétaire sa maîtresse
après l'expérience commune qu'ils ont eu ensemble. Que serait
devenue cette relation si le Frère Marie-Victorin n'était pas mort
dans un accident d'automobile? A l'époque, les catholiques citaient
en exemple le «mariage blanc» tel que pratiqué par le couple de
philosophes Jacques et Raissa Maritain. On trouve quelque chose
d'analogue dans cette relation épistolaire.

L'INVENTION DE YVES GINGRAS
Voir le
Frère Marie-Victorin comme contestataire, reconnaissons-le, est une
"invention" d'Yves Gingras. On a jamais vu Marie-Victorin
autrement qu'en scientifique appliqué et
auteur de nouvelles
littéraires. C'est Robert Rumilly, la plume qui écrivit nombre de
discours de Duplessis, qui rédigea la biographie du Frère, et comme
ce n'était pas un "progressiste", il n'aurait sûrement
pas parlé des Lettres biologiques. D'un autre côté, nous
devons pondérer notre jugement par le fait que, pour avoir accès à
une vie intellectuelle et scientifique, il fallait, à l'époque,
rentrer dans le clergé, car même les gouvernements n'étaient pas
toujours les plus accueillants. La botanique n'était pas considérée
autrement que devant servir à l'agriculture; c'était seulement un
des éléments de la bonne culture générale, comme la zoologie et
l'astronomie. Mais, il faut reconnaître, toutefois, que le
gouvernement de Duplessis fut, avant la Révolution tranquille, celui
qui dota nombre d'écoles et d'universités de laboratoires
scientifiques, sans doute sous l'influence de son ami Marie-Victorin.
Il faut apprendre à considérer que "la grande noirceur"
n'était pas partout si noire que ça.

On ne peut
reprocher à Marie-Victorin que les cadres de la société de son
époque imposaient à tout le monde, sans exception, une soumission aux
institutions. Sommes-nous en droit de lui lancer la pierre que tant
de commentaires fusent à son égard? Et nos soumissions à nous? Là
aussi nous divaguons de la science pour entrer dans le jugement moral, qui est toujours, comme chacun sait, relatif. Soumission à
des politiciens dont nous savons qu'ils sont véreux et menteurs;
soumission à la consommation tout azimut; soumission à l'idéologie
télévisuelle incestueuse; soumission à des patrons extorqueurs de
nos biens et exploiteurs de notre travail; des propriétaires
favorisés par les lois que nous
subissons plutôt que nous nous
révoltons. L'accepta-

tion globale de notre génération
est-elle plus acceptable que celle de Marie-Victorin et de Marcelle Gauvreau? Nous voulons tous le beurre et l'argent du beurre et notre
sécurité dépend de la façon dont nous respectons hypocritement
ces institutions. Enfin, ne
sommes-nous pas tous pris entre notre libre-arbitre et les nécessités
existentielles, surfant
habilement entre interdits et châtiments? En revêtant de
justifications scientifiques la satisfaction de ses désirs pervers,
puisque dans la morale chrétienne le seul but de toutes vies
sexuelles est la procréation, selon la loi naturelle, il parvenait à
réconcilier ce qui causait fracture en son âme et conscience :
l'ascétisme et la tentation, la bénédiction divine en sus! Avouons
que c'est bien un tour de force que
nous parvenons rarement nous-mêmes à exécuter.
Il
est difficile de voir un révolutionnaire en
Marie-Victorin. Toute sa démarche démontre justement le contraire.
Il ne cherchait pas à se libérer, sinon il aurait fait comme
d'autres,
déjà à l'époque : il aurait défroqué. Il aurait
vécu sa vie civilement ou aurait émigré en France ou en Amérique
latine où il aurait pu se faire engager tant sa réputation était
connue. Comme il voyageait beaucoup en dissimulant son ordre, se
promenant en vêtements civils, il aurait vécu comme bien d'autres
prêtres défroqués ou athées. Non, il avait trop à perdre, côté
sécurité, revenus, son laboratoire, son institut botanique et son
Jardin botanique payé aux frais de l'État avare de Duplessis. De
plus, il ne désirait pas vivre une vie sexuelle que nous tenons pour
apporter la plénitude physique et psychique. Il voulait goûter au
fruit juste par curiosité (libido sciendi)
et non pour devenir consommateur (libido sentiendi). Il
n'a atteint, me semble-t-il, la volupté que par procuration de ses
démarches scientifiques et non comme une expérience véritablement
érotique.

Le
philosophe Michel Foucault, dans sa Volonté de savoir, le
premier tome de son Histoire de la sexualité, distingue
la civilisation occidentale par sa particularité de traiter la
sexualité sur le modèle d'une scientia sexualis,
c'est-à-dire une sexualité
abordée par son
côté mécanique, quantitatif (la cuiller à soupe
de sperme), analytique, façon plutôt froide
d'aborder l'objet. Il l'opposait à l'ars erotica que
l'on trouve dans les livres orientaux et africains, tel le recueil du
Kama Sutra en Inde, ou
de même ailleurs en Chine et au Japon où la sexualité est abordée
sur son aspect esthétique, qualitatif (les caresses), épidermique,
façon chaude. Les
Lettres biologiques sont
tout sauf des lettres érotiques, voire même de véritables lettres
d'amour mystique. En ce sens, il
appartient bien à la civilisation occidentale et n'a donc rien
révolutionné de notre constitution d'homme-machine qui
vit sa sexualité comme un simple changement d'huile. Bref,
jamais il n'a vraiment cherché à «se libérer» ni à libérer les
autres, mais seulement à satisfaire une curiosité ambiguë.

Cette
volonté de ne pas succomber à la vulgarité a pourtant donner des
lettres d'une certaine fraîcheur littéraire. Ce qui aurait pu être
des notes d'observations ennuyeuses, il a rédigé des lettres non
dénuées de délicatesse, voire de poésie. Les gens d'aujourd'hui
partagent une connaissance plutôt fantaisiste des rapports entre le
religieux et le sexuel. Quand nous écoutons ou lisons les extraits
des lettres des deux tourtereaux, je suis touché par la délicatesse
avec laquelle ils parlent de ce qui était tenu alors pour tabou,
sale, vicieux, obscène. Qu'en diriez-vous si vous en veniez à lire
des textes de médecins et de psychiatres de la même époque? La
brutalité des propos, le sans-gêne des descriptions anatomiques,
les théories farfelues et libidineuses sur le comportement sexuel
des femmes... Certes, il y avait toujours la Psychopathia
sexualis de Krafft-Ebing,
traduite
dans les années trente en français, avec les passages
croustillants laissés
en latin. Quand on pense aux Onze mille verges
d'Apollinaire – du Sade sans
déblatéra-

tions sophistes -, Mme Navarro et ses consœurs en
tomberaient dans les pommes! Si Marie-Victorin avait employé la même
brutalité dans sa correspondance, on aurait crié au vieux cochon!
Au vieux salaud! Comme ce rapport brutal manque, alors on fait comme
des adolescent(e)s : on se cache dans le coin pour mieux
ricaner. Cette incapacité à saisir la conscience historique pour la
ramener à l'aune de nos attitudes et comportements, comme une norme
à la fois universelle et intemporelle, nous réduit à un état plus
pathétique que le pauvre Marie-Victorin en son temps. Ce qui fait
rigoler dans ces échanges épistolaires, finalement, c'est le
contraste entre une préciosité dans l'écriture et le langage que
nous avons échangée pour une paillardise et une vulgarité avec
lesquelles nous nous plaisons à parler du sexe sans parler de
sexualité. L'obsession du sexe finit par nous avaler complètement,
comme l'obsession du religieux avalait Marie-Victorin et Marcelle Gauvreau. Où situer le progrès moral entre eux et nous? Je trouve
qu'ils sont d'heureux innocents qui jouent aux docteurs, comme des
enfants; et je trouve ennuyeux à entendre parler de sexe comme des
robots de leurs vis.


tuelle. Je pense
ici à Pasolini, qui était l'anti-thèse de Marie-Victorin, qui
s'était toujours défendu d'être catholique, alors qu'il était
châtié par l'Église (qui lui refusa son prix œcuménique pour
Theorema), comme il se
disait marxiste, communiste et qui se voyait désavoué par le
P.C.I.. L'orthodoxie, d'où qu'elle vienne, est toujours impitoyable,
et la nôtre ne l'est pas moins sous ses allures de libéralités et
de démocratie et qui n'en est pas moins d'une cruauté incroyable,
tant du sadisme physique elle est passée au sadisme moral de la
bureaucratie. Souvent, je me dis que s'il y avait un préposé à
l'accueil en enfer, il serait sûrement Québécois.
CONCLUSION


Montréal
11
février 2018
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