samedi 20 janvier 2018

Variations sur la vie ordinaire

Mathieu Bélisle. Bienvenue au pays de la vie ordinaire, 2017

VARIATIONS SUR LA VIE ORDINAIRE

(Article paru sur Facebook, le 11 octobre 2017, 52 lectures)

L'essai de Mathieu Bélisle, professeur de littérature au Collège Jean-de-Brébeuf, Bienvenue au pays de la vie ordinaire (Montréal, Léméac, 2017), rassemble des textes déjà publiés, souvent dans la Revue “L'Inconvénient”, mais présentés ici sous le thème de la pensée pragmatique au Québec, pragmatisme qui serait à l'origine de ce terme qu'hésite à employer l'auteur, mais qu'il faut dire franchement : notre anti-intellectualisme, notre peur des livres, notre désir d'une vie sans problèmes matériels ou spirituels.

L'ouvrage de Bélisle s'inscrit dans une longue tradition d'essayistes. Dans les années 1950-1960, à l'époque où les auteurs pensaient encore en termes de Canadiens français, des gens comme Pierre Trottier, Jean Sarrazin, Jean Pellerin tentaient de saisir les spécificités canadiennes-françaises en fonction du regard qu'ils portaient sur l'histoire universelle. C'est Pierre Trottier qui, dans Mon Babel, a été, je pense, le premier à saisir la nature baroque de la Québécitude. Ce goût pour l'errance, pour l'absolutisme des institutions aussi, son inconstance devant l'objet de désir à saisir : le sol, la femme, la propriété, le pouvoir...

La génération suivante a produit des essayistes canadiens-français en-devenir québécois : Pierre Vadeboncœur est celui pour lequel Bélisle voue la plus grande admiration, mais on ne saurait passer sous silence l'importance des Fernand Dumont, Fernand Ouellette, Jean Bouthillette, Marcel Rioux et Jacques Ferron. Dans le contexte de la Révolution tranquille, ces essayistes ont interrogé avec plus de profondeur les enjeux du Québec d'après-guerre face à la modernité : modernisation de l'État providence (faussement tenu pour socialiste); modernisation du sentiment religieux (l'aggiornemento de Vatican II); modernisation des arts, des lettres, mais aussi du statut ontologique du Québécois et de son dilemme entre sa nostalgie française et son appétit d'américanité.

Les essayistes actuels, peut-être plus portés vers la littérature que la sociologie ou l'histoire - mais ne les écartant pas de leurs considérations -, comme Étienne Beaulieu ou Mathieu Bélisle, sont confrontés à une dimension qui n'existait pas auparavant : l'entrée du Québec dans la post-modernité, s'enlignant sur les apports culturels en provenance de partout dans le monde. La littérature québécoise ne se mesure plus seulement aux normes de sa culture, mais à l'ensemble des productions mondiales qui va dans tous les sens et dont on ne peut faire abstraction par l'influence qu'elles exercent sur nos contemporains.

Mathieu Bélisle commence par poser une question à laquelle il donne sa réponse : «Qu'est-ce que le pays de la vie ordinaire? C'est un pays gouverné par l'habitude, où chacun vaque à ses affaires sans s'inquiéter de rien, tout à la certitude que demain sera pareil à hier, un pays où rien ne se transforme ni ne disparaît vraiment, où les événements ont toujours, par quelque côté, un air de déjà-vu, tant le cours de son histoire, comme celui du grand fleuve qui traverse son territoire, semble n'accuser aucune variation. C'est donc un pays où les activités de production, de reproduction et de consommation peuvent prospérer à leur aise et occuper tout l'espace, un pays où l'homme et la femme du commun, avec leurs soucis moyens, leurs gestes routiniers, leur intérêt pour la portée concrète des phénomènes et des idées, pour l'utilité pratique et immédiate, sont appelés à dominer sans partage» (p. 9). Bref, le monde de la banalité tranquille; du confort et de l'indifférence pour reprendre le titre d'un film célèbre d'Arcand.

À cette lancinante existence toute portée sur la sécurité et l'immobilité, «en comparaison, les activités qui offrent la possibilité de rompre avec l'existence habitudinaire et prosaïque, celles qui peuvent prétendre accéder à la vie extraordinaire – ou à quelque chose qui s'en approche -, les activités qui obéissent aux idéaux de participation (aux débats de la Cité, à la conduite des affaires) et de contemplation (des idées, de l'art), de telles activités, dis-je, sont condamnées à être reléguées à l'arrière-plan ou alors à être réduites à une variante, voire à une parodie d'elles-mêmes» (p. 9). Ces aspirations seraient la cible de l'anti-intellectualisme des Québécois qui leur préféreraient les idées concrètes, applicables et ...monnayables.

Bélisle se défend bien de refuser la vie ordinaire puisqu'il en est issu comme nous tous. Ce qu'il déplore, c'est que la vie ordinaire prenne tout l'espace, et qu'elle en vienne à étouffer ce surplus d'âme sous l'habitude et la routine. En ce sens, la ritournelle du Parti Libéral du Québec de «s'occuper des vraies affaires» prend un sens plus large: «Bien plus que par son idéalisme ou son lyrisme, c'est dans l'exploration et la mise en valeur de la dimension prosaïque de l'existence, dans sa capacité à tirer profit des données immédiates – sa légendaire débrouillardise – que la culture québécoise se distingue depuis toujours, et il ne saurait être question de renoncer à ce qui en est venu à former pour les artistes et les intellectuels une véritable terre d'élection» (p. 12). C'est dire que la pensée prosaïque n'est pas le produit de l'économie néo-libérale des gouvernements Charest-Couillard, mais remonte aux origines mêmes des fondements de la québécitude. Ce qui causera sans doute quelques hauts-le-cœur chez ceux qui ont toujours considéré les Québécois comme des êtres rêveurs, spirituels (dans le sens métaphysique du terme) et détachés du trivial.

En fait, c'est ce caractère pragmatique que les Québécois ne cessent d'encenser, selon Bélisle. Il y a une révolte chez l'auteur qui s'exprime en termes difficiles à entendre: «Je ne peux renoncer à un supplément de sens ou de valeur dont je ne trouve ni la source ni l'image précise, mais qui demeure en moi comme l'écho d'un monde perdu ou jamais vraiment connu. Au pays de la vie ordinaire, l'expression d'une telle insatisfaction peut avoir quelque chose d'inconvenant ou de baroque. On nous répète tellement que nous sommes formidables et uniques, les processions d'autocongratulation font tant d'adeptes, le complexe récréo-festivalier est devenu si puissant, qu'on finit par croire que rien ne manque, qu'il n'y a rien de plus à espérer et même : qu'il serait malvenu de se plaindre ou d'exiger plus» (p. 12). Il n'y a pas de place pour ce supplément d'âme qu'on associe aux poètes de la chanson du vin ou des regards et jeux dans l'espace. La vie ordinaire se contenterait d'une pensée du Terminus.

Cette situation n'est pas propre au Québec. Et si ça se trouve, comme pense l'auteur, c'est le reste du monde qui tendrait à rattraper cette valeur de la vie ordinaire qui caractériserait les Québécois : «A mes yeux, le Québec ne se distingue nullement du reste de l'Occident, si ce n'est que la vie ordinaire me semble s'y être affirmée, et s'y affirmer encore, avec plus de force et d'éloquence... le mouvement général qui tend vers l'affirmation de la vie ordinaire, sans être plus marqué qu'ailleurs, ne rencontre guère au Québec de force capable de lui faire barrage, dans la mesure où jamais les autres formes de la vie bonne – la vie de participation et la vie de contemplation – n'ont vraiment dominé ni exercé leur plein ascendant» (p. 33). Certes, ces autres formes existent depuis toujours dans la vie des Québécois, mais toujours aussi inféodées au pragmatisme. «Ma thèse est qu'au Québec, la vie de participation et la vie de contemplation ont de tout temps été soumises aux exigences de la vie ordinaire, comme des satellites entraînés dans l'orbite d'un astre tout-puissant. Je dirais même qu'une large part de l'activité politique, religieuse, intellectuelle et artistique a été modelée par ces exigences, comme s'il avait toujours fallu qu'elle se justifie sur la base des critères fondant l'affirmation de la vie ordinaire, qu'elle réponde à la question de son utilité ou qu'elle obéisse à des préoccupations concrètes, quitte à renoncer à une part de ce qui la distingue» (pp. 33-34). C'est là ce que Hubert Aquin appelait déjà, au début des années 60, la fatigue culturelle des Canadiens français.

L'anti-intellectualisme des Québécois commence ici. Contrairement aux représentations qu'ils se faisaient d'eux-mêmes, jadis, d'un peuple soumis à Dieu, il l'était en fait de ses évêques; d'un peuple respectant la loi, il l'était en fait des corruptions politiques; d'un peuple versé dans les arts et les lettres, il l'était d'un mimétisme étranger, français, britannique ou américain. Bref, au Québec, dit Bélisle, «le vrai monde, le concret, le terre à terre – des termes galvaudés dont il n'est pas facile de fournir une définition (le vrai s'oppose à quel mensonge, à quelle illusion?), sinon qu'ils valorisent l'authenticité, le naturel, l'absence de sophistication – dominent sans partage. L'attachement aux idées et aux objets dont l'utilité est la plus immédiate apparaît comme la plus grande des vertus, aussi bien dans la vie privée que dans la gestion des affaires publiques. Partout et en toute matière, nous aimons les gens qui ne craignent pas de se salir les mains, qui sont capables d'affronter les êtres et les choses en face, de les prendre à bras-le-corps...» (p. 35). Voilà, précisément, où l'anti-intellectualisme québécois rejoint l'anti-intellectualisme américain.

Aux lendemains du McCarthyisme, l'historien américain Richard Hofstadter avait écrit un bouquin qui fut honoré du Pulitzer de 1964 : Anti-intellectualism in American Life (New York, Vintage Books, 1962). Pour Hofstadter, l'anti-intellectualisme se définissait comme «the common strain that binds together the attitudes and ideas which I call anti-intellectual is a resentment and suspicion of the life of the mind and of those who are considered to represent it; and a disposition constantly to minimize the value of that life» (p. 7). L'anti-intellectualisme américain s'est toujours montré plus méprisant envers les têtes d'œufs (eggheads) que l'anti-intellectualisme québécois qui refoulait l'activité intellectuelle par paresse d'esprit. Pour les Américains aussi, la vie ordinaire, le pragmatisme de Dewey et autres philosophes du début du XXe siècle, consistait à condamner les spéculations pour la forme ou les contemplations spirituelles au rang d'inutilités sinon de menaces. Au Québec aussi, la vie intellectuelle porterait en elle des germes malsains.

Hofstadter dresse l'ideal-type de l'intellectuel vu par l'anti-intellectuel : «Intellectuals, it may be held, are pretentious, conceited, effeminate, and snobbish, and very likely immoral, dangerous, and subversive. The plain sense of the common man, especially if tested by success in some demanding line of practical work, is an altogether adequate substitue for, if not actually much superior to, formal knowledge and expertise lectuals tend to be influential, like universities and colleges, are rotten to the core. In any case, the discipline of the heart, and the old-fashioned principles of religion and morality, are more reliable guides to life than an education which aims to produce minds responsive to new trends in thought and art. Even at the level of elementary education, a schooling that puts too much stress on the acquisition of mere knowledge, as opposed to the vigorous development of physical and emotional life, is heartless in its mode of conduct and threatens to produce social decadence» (pp. 18-19). C'est exactement ce que le clergé et les politiciens rabachaient aux Québécois, à l'exemple du ministre de Duplessis, Antoine Rivard, fils d'Adjutor et universitaire, au début des années 1950 : «Nous, Canadiens français, nous sommes issus d'une longue tradition d'ignorance et de pauvreté, tradition que nous devons conserver. Nos ancêtres avaient la vocation de l'ignorance et ce serait une trahison que de trop instruire les nôtres», ce qui n'est pas très loin de la réplique du ministre de l'éducation, Yves Bolduc, à propos des coupures dans l'achat de livres pour les bibliothèques scolaires du Québec en 2016 et à laquelle fait référence, non sans indignation, Mathieu Bélisle.

L'auteur pause partout son hypothèse. A propos de l'histoire, de la religion, de la politique, du statut ontologique – donc constitutionnel – du Québec... Il m'apparaît toutefois que Mathieu Bélisle se confronte essentiellement à la post-modernité telle que définit depuis un quart de siècle. La vie ordinaire est une vie où les dimensions de l'espace et du temps auraient été abolies. La chose apparaît surtout dans les chapitres littéraires, à travers une analyse profonde et perspicace du roman de Ringuet, Trente Arpents comme par son regard sur les Atavismes de Maxime Raymond Bock et Du bon usage des étoiles de Dominique Fortier. Alors que l'espace (le paysage) et le temps (la succession des générations) marquaient non seulement les romans du terroir mais aussi ceux qui furent publiés après la Révolution tranquille, les romans actuels rendent compte d'un éternel présent. Le cycle qui spécifie la vie ordinaire n'est en rien différent de cette volonté des écrivains et des artistes d'abolir le temps; de se composer des bibliothèques ou des musées imaginaires, comme Manguel ou Malraux.

Les nouvelles de Bock, sur lesquelles j'ai écrit une critique (http://jcoupal.blogspot.ca/2015/06/atavismes-de-raymond-bock.html), ne cessent d'utiliser des référents mémoriels dans ses nouvelles, tels que définis par le l'historien d'art canadien Mark Cheetham, La mémoire postmoderne (Montréal, Liber, 1992). Cette volonté de prendre des exemplum biographiques ou historiques et de les déplacer dans le temps, arrière ou futur, nous en voyons constamment la production depuis La guerre des Étoiles; de cette condensation du Moyen Age et du futur intergalactique, malgré les incohérences et les anachronismes ridicules qui en surgissent. Heureusement, Bock et Fortier échappent à ces atavismes.

Il devient alors possible de comprendre pourquoi les faits historiques peuvent se prêter à toutes sortes d'uchronies, comme cet éventuel déplacement de la population laurentienne vers la Louisiane planifiée par un fonctionnaire français, un certain Beaucat, à la veille de la Conquête : «Le Québec évolue depuis longtemps dans le registre des hypothèses, tant à l'égard de son passé que de son avenir. Le paysage politique et culturel est saturé de questions sans réponse : que serait-il arrivé si la France n'avait pas perdu la guerre de Sept Ans? si elle n'avait pas abandonné sa colonie? si les centaines de milliers de Québécois partis aux États-Unis à partir du milieu du XIXe siècle étaient restés au pays? si le Oui l'avait emporté en 1980? en 1995? Et encore : le Québec sera-t-il un jour un pays indépendant? Risque-t-il l'assimilation? Y parlera-t-on encore français dans un siècle? Je crois que nous n'avons pas encore mesuré les conséquences humaines d'un tel état d'esprit, ni compris à quel point il pouvait infléchir le rapport des Québécois avec le réel, à quel point il définissait leur prise sur le monde. Loin de les porter à rêver, à imaginer mieux que ce qu'ils ont, j'ai l'impression que le caractère spéculatif de leur devenir les épuise, qu'ils sont tellement pénétrés par la précarité de leur présence, par la chance insigne qui leur est accordée d'exister, encore un peu et contre toute attente, qu'ils n'osent rien envisager sérieusement – aucun projet, aucune aspiration – qui puisse réveiller les forces du destin, au cas où quelque dieu vengeur un peu sénile, préposé aux génocides, sortirait de sa torpeur (Comment? Mais ils sont encore là.) et mettrait en branle le projet d'extermination depuis longtemps programmé. Il s'agit de ne toucher à rien, de remuer le moins possible, question de ne pas trop attirer l'attention...» (p. 107). Tous ces questionnements se posaient davantage parmi la génération des boomers; cette position d'animal blessé (depuis 1837) dont la province de Québec serait un antre, une cachette pour y lécher ses plaies, névrotiquement, passionnément, comme on cajole un abcès de fixation.

De l'histoire sanctifiée par Groulx, laïcisée par les nouveaux historiens des années 60-70, chronologiquement éclatée par le post-modernisme, il en va de même de l'illusion religieuse : «Le paradoxe d'une société aussi religieuse que celle du Québec d'antan est que la religion y a été si dominante et si puissamment instituée qu'elle a pu se passer de l'adhésion véritable des individus qui la professaient. Et si les Québécois ont pu croire en Dieu et se dévouer pour la cause de l'Église, ainsi que je ne doute pas que plusieurs l'ont fait, leur expérience me semble s'être surtout inscrite dans l'ordre du monde fini. C'est pourquoi il est plus à propos de décrire la religion catholique telle qu'elle a été vécue et conçue ici comme une religion prosaïque, une religion qui, si elle a de tout temps reconnu la valeur du sacré et le sens du mystère, ne s'est jamais vraiment crue autorisée à s'en saisir et s'est pour l'essentiel investie dans la vie concrète, dans le proche plutôt que dans le lointain, une religion en somme, qui s'est tout entière placée au service de la vie ordinaire» (pp. 121-122) Et Bélisle de demander : «comment expliquer que pendant les trois siècles où le catholicisme a prospéré, le Québec n'ait pas produit un seul théologien digne de ce nom...» (p. 122), ce que je ne cesse de répéter depuis des décennies. Que les théologiens français qui ont contribué au concile de Vatican II avaient été éduqués sous la persécution républicaine et athée! Notre si précieuse religiosité n'était au fond qu'un despotisme moral écartant tout approfondissement du sentiment religieux. De lui, nous avons hérité encore ce refus d'accéder à la pensée, qui se vérifie tous les jours dans les départements de philosophie et des sciences humaines et sociales de nos universités, où l'on ne cesse de susciter des commentaires de textes de la part des étudiants sans chercher à développer chez eux de véritables philosophes émancipés, «créateurs». On ne philosophe, au Québec, que parce qu'il y a eu Platon, Aristote, Descartes, Hegel et Heidegger. Ceux qui dérogent à cette filiation sont, comme jadis, exclus de la communauté.

Enfin, notre soi-disant goût pour la lecture et l'amour des livres subit le même traitement. L'homme cultivé, le Québécois lettré est un homme honteux. «De temps à autre, je me surprends moi-même, dans les cours que je donne, à me moquer gentiment des marques d'érudition de mon discours, comme s'il fallait désamorcer la prétention d'une parole qui se poserait en détentrice légitime de la culture, comme s'il fallait minimiser la somme des connaissances amassées au fil de mes (trop) nombreuses lectures» (pp. 158-159). Ce qui me rappelle cette animatrice de la Bande des Six à Radio-Canada, qui, voulant passer un commentaire sur l'étude de Jacques Pelletier sur le roman, s'excusait auprès des téléspectateurs en leur disant qu'il ne s'agirait pas d'un débat intellectuel. Bélisle retrace l'histoire des bibliothèques au Québec et la grande disparité qui existe encore aujourd'hui entre le nombre de bibliothèques en Ontario et au Québec, où «plus de la moitié de la population est encore incapable de déchiffrer un texte simple – handicap que la bien-pensance désigne par un savoureux oxymore : l'analphabétisme fonctionnel, apparemment une statistique qui n'émeut personne, ce qui pour moi constitue le plus grand scandale du Québec moderne» (pp. 162-163). Voilà ce qui met un point final aux ergotages des politiciens et des mascottes du cirque de l'humour québécois qui font la promotion de la fréquentation scolaire.

Les derniers chapitres de l'essai portent sur différents problèmes concernant la littérature québécoise, son influence sociale (ou pas); ses origines imprécises, bâtardes, entre le modèle traditionnel français et l'impérialisme américain et ce que redoute l'auteur : la conversion de la littérature au prosaïsme de la vie ordinaire. J'y ajouterais ici des poèmes sur fond d'agenda de Claude Beausoleil ou des interminables lectures moralisatrices de Jean-Paul Daoust : ce bavardage érigé en littérature et qui épate les petites bourgeoises engagées par les média pour radoter autour des livres sur les ondes radio ou télé. Dans les pages où Bélisle traite du roman de Dominique Fortier, Du bon usage des étoiles, qui raconte sur le mode romanesque la tragique expédition de Franklin dans la mer Arctique, nous avons l'impression d'être ramenés aux sources du roman... américain. «La romancière conçoit pour ses personnages une horizontalité chimiquement pure, pour ainsi dire, à l'intérieur de laquelle ils se verront peu à peu privés de tous les repères qui leur permettent de se définir et de se situer Crozier (un personnage) sent bien que l'expérience qu'il s'apprête à vivre diffère de tout ce qu'il a connu jusque-là. Au moment d'appareiller, il écrit : “Ce départ me semble avoir quelque chose d'absolu.S'élançant vers le passage du Nord-Ouest comme sur un “mystique chemin”, il admet d'emblée qu'il ne se dirige “vers rien. Avancer dans les glaces et les neiges immaculées, comprend-il, c'est comme avancer au milieu d'une carte blanche pour atteindre le lieu où tout commence, ou plutôt; où le “riencommence, là où s'ouvre la porte d'un “nouvel Éden, “glacial, stérile et inhabité. La découverte du “rienne définit pas seulement le monde inhabité que Crozier explore, mais aussi, peu à peu et insensiblement, sa propre personne, qu'il sent “pénétré[e] du sentiment de sa propre insignifiance” (p. 204). Ces mots auraient pu se retrouver à la toute fin des Aventures d'Arthur Gordon Pym d'Egar Poe.

Cette prose n'est ni une imitation tard venue, ni un pastiche. Il s'agit de la répétition de l'expérience ontologique à l'origine même de la littérature américaine, au début du XIXe siècle. D'une «expérience de l'horizontalité pure... celle d'un monde dénué de toute possibilité de perspective ou de mise à distance, un monde où les êtres et les choses s'aplatissent et perdent leur consistance, où même le rien n'est plus perceptible : “Du blanc, à perte de vue. Le blanc du ciel qui se fond dans le blanc de la terre enfouie sous la neige, qui se fond dans le blanc de l'eau couverte de glace, qui se fond dans le blanc qu'on finit par avoir sous les paupières quand on ferme les yeux” […] Crozier n'est pas le seul en cause : un jeune compagnon nommé Adam tente lui aussi de se “figurer une ligne imaginaire entre le blanc et le blancsans être sûr de pouvoir distinguer quelque chose dans ce paysage qui est devenu une sorte de néant» (pp. 204-205). Lorsqu'on garde bien en mémoire la signification de mort, de deuil que cette surcharge de blanc injecte au roman, nous sommes moins devant un signe prémonitoire du destin tragique qui attend l'expédition de Franklin, qu'emportés par le vertige qui prend les personnages : «La confusion finit par envahir les consciences, à commencer par celle de Crozier, qui perd peu à peu la mémoire de sa “vie d'avantet se voit incapable d'imaginer un “après“à ce séjour de glace qui [lui] paraît aussi dépourvu de fin qu'il est dénué de commencement. Dans cette horizontalité parfaite, où le passé et le présent se confondent en un “unique moment éternel et toujours recommencé, la désorientation est complète : à cause du mouvement imperceptible des glaces entraînées par les courants sous-marins, ceux qui cherchent à avancer reculent et ceux qui reculent avancent. L'entrée dans l'horizontalité pure est donc l'équivalent d'une expérience mystique négative, d'une “extase prosaïque, (l'expression est de François Ricard), où il n'y a aucune plénitude, mais seulement le vide, sans fin, jusqu'à l'effacement définitif. Les hommes meurent, prisonniers des glaces, dans la blancheur immaculée de la neige. Le narrateur retourne à son silence, et c'est en quelque sorte le roman lui-même qui s'éteint, à la dernière page, les mots cédant la place à la blancheur immaculée du papier, comme si rien ne pouvait plus exister que le rien, sans même une conscience pour en témoigner» (pp. 205-206). On mesure la distance qui séparerait ce début de la littérature québécoise avec celui de la littérature américaine si on garde à l'esprit que l'expédition du Pequod dans le roman de Melville, parcourt son périple tout aussi marqué par la blancheur prémonitoire de la baleine qu'à la fin de ce cycle métaphysique, il demeure au moins Ismaël pour témoigner de la quête épique de Moby Dick. L'expédition Franklin, elle, sombre avant même que le périple commence. Elle sombre avec le vertige qui s'empare de Crozier le pragmatique opposé à Franklin l'idéaliste. Ayant délaissé l'Absolu christique, traditionnel, idéaliste, la littérature québécoise nous indiquerait-elle que nous sombrons dans le Néant atemporel, post-moderniste et prosaïque?

Et il y aurait encore tant à dire sur ces essais qui agissent comme un examen de conscience des Québécois! Les États-Unis ont une capacité démographique capable d'affronter l'anti-intellectualisme et de le dominer par leurs institutions d'enseignement supérieur. Tel n'est pas le cas du Québec où l'encanaillement des élites, le culte de la sainte ignorance, la honte et surtout la paresse de l'esprit sacrifient allègrement de l'intelligence québécoise, comme si les Québécois étaient capables de survivre en se passant d'elle. Se félicitent-ils d'avoir enfin délaisser les vieilles chimères européennes pour entrer dans le concert des nations dirigées sous la baguette des Américains? «Le paradoxe veut... que nous célébrions notre américanité au moment où le monde entier fait de même, c'est-à-dire au moment où l'américanité devient, à des degrés divers, un attribut de toutes les identités» (p. 212). La pénible expérience de la Charte des valeurs québécoises sous l'éphémère gouvernement de Pauline Marois a démontré la difficulté de vêtir cette charte autrement que des valeurs occidentales spécifiques en rien à la culture québécoise. Enfin, la fierté que l'anti-intellectualisme des Québécois précèderait un abaissement identique des exigences intellectuelles parmi les autres nations, leur permettant de se vanter d'être pour une fois dans le peloton de tête ne tient qu'à la bravade, puisqu'au final – au terminus dirait Bélisle -, le seul rôle historique des Québécois consisterait-il à être celui de fossoyeur de la civilisation occidentale?
 
Montréal
11 octobre 2017
Commentaires
Benoit Gaulin
Benoit Gaulin Pas encore lu ce livre mais vos riches «variations» m'incitent à m'y plonger. Merci beaucoup.
Denis Fourny
Denis Fourny Chapeau!
John Gionta
John Gionta
"La pénible expérience de la Charte des valeurs québécoises sous l'éphémère gouvernement de Pauline Marois a démontré la difficulté de vêtir cette charte autrement que des valeurs occidentales spécifiques en rien à la culture québécoise". Bien dit: c'était, inconsciemment ou pas, un match revenge, le retour du refoulé...Revenge de quoi? De la défaite du OUI au référendum par 30,000 votes...Refoulé de quoi? Les Québécois ont voté OUI à 60%...Et les anglophones et les immigrants NON à 95%...Mais on a pas le droit de le dire...C'est donc refoulé...Et ça va ressortir sous diverses formes...La Charte des valeurs québécoises en était une...Il y en aura d'autres...Oh oui, certainement!

Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal Il n'y a rien de refoulé là-dedans. On le sait, on le dit. Ce qui est refoulé, c'est qu'avec toutes les concessions faites pour ménager une souveraineté-partenariat (et non l'indépendance), ça a pas passé rien qu'avec 60% - si on accepte ces chiffres -, donc même avec un oui majoritaire, on serait toujours sous la Constitution de 1982, mais seulement à négocier face à face Québec/Ottawa. La Catalogne actuelle est ainsi avec le gouvernement de Madrid et il a fallu faire un référendum pour accéder à l'indépendance! Avec les résultats qu'on devine. C'est notre frilosité politique et notre refus de l'auto-détermination en tant que "peuple" que nous ne cessons infatigablement de refouler.
John Gionta
John Gionta Ce n'est pas un refus...C'est de l'insécurité...Insécurité que partageait René Lévesque et Lucien Bouchard, je suis d'accord...Mais pas Jacques Parizeau...Quand on dit que Parizeau ne voulait l'indépendance, je ne suis pas d'accord...C'est même le seul dont on pouvait être sûr qu'il la voulait mordicus...(Dans son entrevue avec enregistrée avec S.Bureau, avant le référendum, il dit très clairement qu'il va démissionner en cas de défaite du oui, c'était décidé d'avance, et c'est la grande erreur de René Lévesque de ne pas l'avoir fait)...Quand on dit que même lui ne la voulait pas, je trouve qu'on sombre dans l'auto-flagellation...C'est de l'intégrisme catho...Il ne manque plus que le silice...En tant que cycliste montréalo-nietzschéen, il m'est impossible de tomber si bas...(È bonne, è bonne)
Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal Je suis d'accord en ce qui a trait à Parizeau, qui s'est fait donner une jambette de bois par Bouchard. Il y a un refus de l'indépendance précisément à cause de l'insécurité. Vivre dans l'illusion que le Canada assure la sécurité de ses citoyens (anglo comme franco), c'est du rêve; de même qu'un Québec indépendant ne se sentirait pas lié à la sécurité de ses citoyens, mais à la sécurité seulement de l'État, ce qui nécessite toujours le sacro-saint "ordre" qui finit par pétrifier les sociétés dans leur conservatisme. Les grandes aventures, les risques, les paris impérialistes, ce n'est pas pour nous, aussi acceptons-nous notre pauvreté, notre dépendance, notre soumission, notre corruption. Nous le serions à l'égard d'un État du Québec libre comme nous l'avons accepté d'un État canadien. Mais du moins, nous pourrions nous le dire dans les yeux et non plus chercher un tiers responsable.
John Gionta
John Gionta L'indépendance du Québec n'est pas une mode, un truc de génération, comme on le dit trop souvent...C'est une dynamique qui s'est mit en marche dès 1760, et ça ne va pas disparaître demain matin...À l'échelle d'une vie humaine, c'est évidemment, très souvent, plutôt gossant!...Mais il faut accepter que ça se joue au-dessus de nos têtes à tous...Et que c'est un pari...Un pari sur le futur!..Est-ce que les États-Uniens ont vu des résultats positif si significatifs, à l'échelle d'une vie humaine, après leur indépendance? Pas sûr! ( Mais toi, Jean-Paul, qu'en penses-tu, érudit de bon aloi!?) Ce qui est sûr: on ne peut pas devenir la première puissance mondiale... lorsqu'on est une colonie!!!!!!!!! Oh non! Certes, non!!

Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal Si cette dynamique s'est mise en marche en 1760, pourquoi alors une majorité de Québécois ne se sont pas joints pour l'indépendance alors que le Congrès continental américain assurait l'indépendance de chaque État au sein de la Confédération (ce qui a empêché les États-Unis de fonctionner entre 1783 et 1789, date d'entrée en vigueur de la Fédération? L'Indépendance du Bas-Canada ne faisait pas partie des objectifs des Patriotes de 1837. Elle n'apparaît qu'après les défaites de décembre 1837 pour s'enfuir illico aux États-Unis. Le chanoine Groulx dit bien que "Notre État français, nous l'aurons", mais ne précise jamais qu'il s'agit du Québec puisqu'il pensait en terme canadien. Le projet indépendantiste n'apparaît vraiment qu'avec la Révolution tranquille et dans la perspective de la décolonisation. Autrement, il ne s'agissait, comme chez Duplessis, qu'une autonomie en matière des juridictions conférées par l'AANB en 1867. Ce sont les théoriciens du RIN - et pour une bonne part des émigrés européens - qui ont théorisé l'Indépendance du Québec repris par les terroristes du FLQ selon le lien qui existait en Irlande entre le Sinn Féin et l'IRA. Le problème est que jamais ces théories n'ont ouvert sur une pratique qui aurait pu s'inscrire dans la pensée et l'action politiques québécoises. On a lancé des formules et des contre-formules indépendance/séparatisme; fédéralisme rentable, souveraineté/association, souveraineté/partenariat et j'en passe. Il faut se dire qu'en conséquence, l'idée d'indépendance du Québec, tenue longtemps en gestation a éclos au moment où le Québec accomplissait la dernière phase de sa modernisation. L'enthousiasme s'est refroidit avec l'idée qu'elle était inévitable, inexorable, historiquement programmée, et qu'on avait à attendre que le Grand Soir. Qui, bien sûr, n'est jamais venu. Maintenant, il faut recommencer à zéro, sur de nouvelles bases qui sont plus difficiles qu'en 1960, car la tendance générale est au regroupement des États et à la mondialisation. Les Québécois acceptent de plus en plus, comme dit Elvis Graton, qu'ils sont des Américains, Canadiens parlant français.


John Gionta
John Gionta L'Église ne voulait pas que les Québécois aillent se battre avec les méchants insurgés PROTESTANTS! Et quelle aurait été le statut du français si le Québec avait décidé de rejoindre les futurs État-Unis d'Amérique? Et pour combien de temps? Que s'est-il passé avec le français en Louisiane? Que s'est-il passé avec l'indépendance de chaque État assurée par le Congrès continental américain? Pourquoi ce dernier s'est-il révélé incapable de protéger le français en Louisiane?

Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal C'est précisément ce dont il est question plus haut et qui est discuté dans le livre : c'est hypothèse utopique "Qu'est-ce qui serait arrivé si..." Bah! On ne le sait pas puisque ce n'est jamais arrivé. Le clergé de l'époque, les seigneurs propriétaires rassemblés autour du gouverneur (la clique du château) étaient bien entendu au service du pouvoir colonial, comme le sont les grands capitalistes actuels rassemblés autour de la mamelle fédérale. Et nous savons ce qui s'est passé... ce qui se passe dans ce contexte. Chose certaine, c'est que Papineau est mort annexionniste (aux États-Unis) et non indépendantiste. Les autres patriotes sont devenus des "réformistes" qui se sont convertis aux torysme anglais. La chose est que la population d'alors a suivi les dominants britanniques et aujourd'hui elle suit encore les fédéralistes. Et l'assimilation qui s'amène aurait peut-être été la même au sein de l'Union américaine. En ce sens le pari révolutionnaire aurait pu forme de l'homo quebecensis un individu d'une autre trempe.

Raymond Roy
Raymond Roy Quels étaient ces membres du RIN d'origine européenne ?
Jacques Desrosiers
Jacques Desrosiers Michel van Schendel ? Patrick Straram ?
Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal Je pensais surtout à Georges Schoeters (un néerlandais), Jacques Lucques (d'origine chilienne il est vraie), François Schirm (hongrois), plus tard Nigel Hamer (britannique). Et il ne faudrait pas oublier la littérature française de la décolonisation (Fanon, Memmi) qui ont eu une influence tout aussi grande.
Anne Klein
Anne Klein Et après cet échange fascinant (auquel je ne comprends pas toujours tout), on nous dira que "les canadiens-français sont un peuple sans histoire"... (juste parce que je suis en plein dans la restauration de la Place Royale à Québec et que ça résonne étrangement avec votre discussion).

Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal Les Canadiens français ont plus une conscience qu'une connaissance historique. Jadis on leur a enseigné l'histoire comme un prolongement de l'histoire sainte qu'elle complétait. Aussi ont-ils vécu dans le mythistoire par-dessus les oreilles. Les Québécois qui les ont succédé ont jetés les vieux mythistoires dans les soeurs Papin du recyclage et s'en ont fait à la mesure des attentes de la bourgeoisie, centrant le tout sur les Rébellions et quelques épisodes où ils apprenaient comment le "Fédéral les fourraient". L'abrutissement de l'enseignement clos la chose avec l'ignorance du passé et le manque de mythistoire qu'on va rechercher dans la fantaisie et la science-fiction. Dans cette conversation, il n'y a aucune jeune personnes née après 1990...

Anne Klein
Anne Klein tiens : blind test : "en l'âme de tous ces nobles et de ces paysans vibrait la fierté d'appartenir à la meilleure race, au plus beau royaume du monde"
Anne Klein
Anne Klein et encore (un autre) : le peuple canadien-français conservait "son vieux fond de raffinement français, il était lui-même l'artisan d'une civilisation où sa force s'épanouissait en délicatesse"
Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal Mmm! La première a dû être écrite par un Français ou un ignare car celui qu'on appelait le "seigneur" était plus souvent un type qui avait acheté son titre par ses activités bourgeoises. Par contre, le "paysans" ne s'est jamais appelé ainsi au Québec, c'était "l'habitant", car il est devenu vite propriétaire de son lopin sans passer par la vente des biens nationaux saisis chez les émigrés. Lorsqu'on abolit le régime seigneurial en 1854, il n'était plus que l'ombre de lui-même. Pour la seconde citation, c'est du mythistoire de la génération de Groulx, je m'étonne que ça circule encore cette vision fantaisiste là!
Anne Klein
Anne Klein Le premier est Monseigneur Groulx en personne lui-même ;-) le second Frégault (Bravo!). J'ai lu ça dans une thèse sur Place Royale qui présente le contexte historiographique dans lequel les concepteurs du projet ont grandi et qui serait une explication à leur vision de la Nouvelle-France. Très intéressante la thèse d'ailleurs : l'auteur (Isabelle Faure) conclut que Place Royale est un mémorial et non un / des monuments /s historique/s. Ce qui permet de mieux comprendre pourquoi c'est si difficile encore aujourd'hui d'en faire quelque chose, d'assigner une fonction autre que mémorielle aux bâtiments. C'est la question que se posent les personnes qui ont en charge la conservation (devrait-on agrandir les vitrines des commerces? quelle place devrait-on accorder à la fonction résidentielle des immeubles? Que pourrait-on faire pour dynamiser le secteur?) et qui était déjà celle que se posaient les concepteurs. Le projet a été mené par touches sans jamais proposer une vision globale. Bref. C'est bien intéressant et la question que je me pose moi, maintenant, c'est comment peut-on penser la conservation d'un mémorial? Je me demande aussi comment sont pris en charge les monuments aux morts de la Première Guerre en Europe par exemple.
Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal Ce sont de vieux textes qui sont inscrits dans la pensée de "l'École de Montréal" d'après-guerre. Le chanoine (et non Monseigneur) Groulx était lecteur de l'Action Française et cherchait toujours à ressusciter l'apport français, car notre "race" ne pouvait tolérer le métissage autochtone. Il avait même demandé au service topographique de la province d'enlever tous les noms autochtones des lieux géographiques (rivières, lacs, villages, etc.). Frégault était son élève. D'autre part, malgré ces présentations succinctes pour plaire aux autorités de l'époque, ils ont fondé les premières institutions d'historiographie du Québec, par exemple la Revue d'histoire de l'Amérique française. Ils étaient en guerre contre "l'école de Québec" tenue par le méchant abbé fédéraste, l'abbé Maheux. Le "traitre" Marcel Trudel était de l'Université Laval. Il faut lire sa thèse d'ailleurs sur l'influence de Voltaire au Québec, un aplaventrisme devant le clergé catholique. Et cela écrit pendant que l'École des Annales bouleversait l'historiographie en Europe... On vient de loin.

La Place Royale est une série de façades qui ont échappé à l'intense bombardement anglais de l'été 1759. Quand on regarde les illustrations de l'époque, tous les bâtiments sont éventrés, les toits ouverts, des débris partout. Même l'Église Notre-Dame-des-Victoires y a goûté! Dans une série télé des années 80 tournée au Canada anglais, Friday the 13th, on se servait de la Place Royale de Québec comme réplique d'un village français (on a fait disparaître le buste de Louis XIV pour l'occasion)., avec ses démons, sorciers, etc. C'est un décor. qui rappelle un lointain passé dont la poétique de l'espace a été maintes fois réaménagées. C'est comme la Place d'Armes à Montréal. Le commercial pèse sur l'historique. Il y a les pragmatiques qui voudraient favoriser les activités pour tirer de l'argent (style festival Nouvelle-France, tout le monde en costumes et swing la bacaisse!) et les fervents du culte de l'historique qui veulent insister sur les deux siècles de fin d'Ancien Régime en Amérique. Ces deux tendances se retrouvent dans toutes les villes et villages du Québec.

En Amérique du Nord, contrairement à l'Europe où les gouvernements s'occupent essentiellement des grands monuments collectifs, ce sont les entreprises privées qui soutiennent financièrement les sites mémoriels. Ainsi, lorsque Disney a voulu acheter un site où avait eu lieu une grande bataille de la Guerre de Sécession, les citoyens se sont mobilisés et Disney a dû retourner avec son parc d'attraction. Au Canada anglais comme aux États-Unis, on a des citoyens lambda qui reconstituent les grandes batailles de l'histoire (on les a vu en 2012); ils aménagent des sites où des citoyennes jouent à la mémère qui fait rouler le rouet, une autre qui fait des beignets aux pommes, etc.. J'ai déjà visité au Vermont un fort datant des guerres de 1812, le site était merveilleusement conservé malgré les ajouts de patentes à gosses pour les touristes. Les bâtiments, les peintures marines, un vaisseau de l'époque, etc. tout était bien entretenu... Il est vrai que c'était au Vermont! Mais au Québec, on ne retrouve pas de citoyens mobilisés pour ce type d'entretien. C'est comme les anciens étudiants qui contribuent de leur poche au financement de leur Alma mater universitaire, pratique qui se fait aux États-Unis, mais pas au Québec. Les Américains qui ont réussi dans la vie se sentent un devoir d'envoyer de l'argent à leur Alma mater pour un projet particulier (une nouvelle bibliothèque, de nouveaux laboratoires, construire un pavillon nouveau, pour les frais de fonctionnement ou à des équipes de recherches...); ici, au Québec, si un riche fait une donation, c'est le recteur qui en dispose, donc il est difficile mais pas impossible aux riches de financer des petits projets. L'esprit tout-contrôlant de l'Ancien Régime est passé dans l'administration de la province de Québec depuis toujours. Et autant ça minait le développement de la colonie, autant ça mine le développement de la province.

Anne Klein
Anne Klein ce que tu dis de la différence québécoise par rapport aux autres nord-américains est due, pour ce qui concerne la prise en charge du patrimoine notamment, au modèle que chacun a adopté : le Québec a adopté la toute première loi sur la protection du patrimoine (monuments historiques à l'époque) en 1922, et cette loi prend pour modèle les lois françaises qui obligent l'État à intervenir (notamment par l'inventaire et le classement). Du côté canadien anglophone, le modèle est celui de la Grande-Bretagne, évidemment, où ce sont, depuis le 19e siècle des associations de citoyens éclairés qui se mobilisent pour la sauvegarde. Les Américains ont quand même un État très puissant et interventionniste en matière de patrimoine (je vois ça pour les archives par exemple où les archives publiques sont réellement prises en charge contrairement à ce qui se fait ici).
Cela dit, pour ce qui est du Canada anglophone et du Québec, comme pour le reste, les deux modèles se sont, au fil du temps, inspirés mutuellement pour susciter des manières de voir et de faire très spécifiques. Si l'"État" québécois affirme (ou affirmait) haut et fort sa volonté d'intervention, dans les faits, c'est essentiellement le privé qui agit (je lisais tantôt ça : les entreprises culturelles, au Québec, "ne relève pas d'abord d'une politique de la culture, mais des appétits des entrepreneurs en béton." je trouve que ça résume un peu brutalement, mais bien la situation).


Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal C'est sûr que c'est le béton qui fait la loi au Québec depuis le temps où les bouts d'autoroutes d'un parti politique s'arrêtait à la frontière du comté du parti opposé. Il en va de même de la santé et de l'éducation. Investir dans la santé et l'éducation, c'est investir dans le béton. Les automobilistes qui affrontent quotidiennement la sorcière au cône orange le savent bien. Le financement de la conservation, c'est autre chose. On a vu comment, à la Bibliothèque nationale du Canada, des tuyaux suintant dans les dépôts de documents, ce qui scandalisait Roch Carrier lorsqu'il en était le conservateur au tournant du millénaire. Et c'était sous un gouvernement libéral! Les dépenses pour les commémorations de la guerre de 1812 ont été surtout dans des attractions touristiques. Au Québec, si la loi de 1922 obligeait l'État à entretenir les monuments, c'est qu'il y en avait tellement, et que les sculpteurs de l'époque, Alfred Laliberté et Louis-Philippe Hébert s'arrachaient les contrats comme de petits pains chauds. Il n'y a qu'à regarder la façade du Parlement de Québec, assez authentique en son genre, dont les niches sont peuplées de statues de personnages importants de l'histoire du Canada. Et comme elles sont complétées, on parsème des statues des premiers ministres tout autour. Il eut été difficile au gouvernement de ne pas s'en occuper, l'Église se chargeant des écoles et des hôpitaux.
Dominique Garand
Dominique Garand Lecture très intéressante d'un livre stimulant. Merci, Jean-Paul Coupal.

Jacques Desrosiers
Jacques Desrosiers La fameuse saillie de Duplessis, je crois : L’éducation, c’est comme la boisson, y en a qui supportent pas ça.


Jacques Desrosiers
Jacques Desrosiers Passage intéressant : "les théologiens français qui ont contribué au concile de Vatican II avaient été éduqués sous la persécution républicaine et athée! Notre si précieuse religiosité n'était au fond qu'un despotisme moral écartant tout approfondissement du sentiment religieux.".
C'est aussi mon souvenir. Les religieux badinaient. Contrôlaient. Officiaient. Touchaient. Mais toujours en surface. Mieux encore :
"De lui, nous avons hérité encore ce refus d'accéder à la pensée, qui se vérifie tous les jours dans les départements de philosophie et des sciences humaines et sociales de nos universités, où l'on ne cesse de susciter des commentaires de textes de la part des étudiants sans chercher à développer chez eux de véritables philosophes émancipés, «créateurs». On ne philosophe, au Québec, que parce qu'il y a eu Platon, Aristote, Descartes, Hegel et Heidegger."
Juste. J'ai fait la philo à l'UQAM, et j'y repense ces jours-ci en lisant les entretiens de C. Nadeau avec Georges Leroux. Beaucoup de profondeur évoquée dans le livre, c'est impressionnant. Mais dans les cours de philo, Leroux, non, en surface d'un bout à l'autre. J'ai fait aussi philo aux USA, à Pittsburgh, et je dois dire que c'était la même chose pour beaucoup de profs là-bas (pas tous). Vos commentaires s'appliquent à eux intégralement. L'Amérique du Nord.

Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal En effet, des paradoxes que le livre de Mathieu Bélisle ouvre à chaque chapitre, sinon à chaque page. Et il y en aurait sûrement d'autres. Pourtant, aux États-Unis, il y a une tradition de philosophes authentiques depuis les théologiens puritains, Benjamin Franklin, Emerson, Dewey, James, etc. Ils ont eu une influence même en Europe. Comme en littérature, en philosophie on ne se croit pas capable d'être les émules, voire même rien que des imitateurs. Cette honte dont il est fait mention, autant chez Bélisle que pour moi, d'être un intellectuel entre dans un cercle vicieux qui dit que, "de toutes façons, vous ne pourrez apporter rien d'innovateur dans le domaine". Ce qui est, visiblement, faux. Je pencherais sur le fait que les Américains, en rompant avec l'Angleterre, avaient, près d'eux, un partisan fanatique, Webster, le créateur du dictionnaire, qui entendait démontrer que l'anglais des Américains était plus proche de la source de la langue anglaise que celui des Britanniques de son temps. Dès le début du XIXe siècle, il a créé une volonté littéraire qui s'est pris très vite au projet. Poe et Melville sortent avant que nous n'ayons les Aubert de Gaspé et Fréchette. La tutelle française, dans les collèges classiques, gelée au classicisme de Corneille et Racine, nous apprenait que nous ne pourrions jamais nous élever à la pureté de leurs styles poétiques. C'était la même chose pour la théologie. Bref, tout cela, c'était pour "les grandes personnes", i.e. les Européens réactionnaires de Barrès, Maurras, Papini et autres réactionnaires, dont procédait, du côté historiographique des gens comme Camille Roy et Lionel Groulx.
Jacques Desrosiers
Jacques Desrosiers Dans nos départements de philo, on prenait soit la direction de l’Europe soit celle des USA. À ma connaissance, peut-être incomplète, rien de neuf n’a été créé chez nous. Il faut dire que la philo ailleurs a été servie par des philosophes musclés, p. ex. aux USA Saul Kripke, Quine, Kuhn, etc. et sur le terrain de l’éthique des géants comme Rawls. C’est dur de ne pas être un imitateur au Québec. Il y a des Épreuves à surmonter. Voir Carl Bergeron. En train de lire les entretiens de Nadeau avec Georges Leroux et je ne peux pas m’empêcher de me demander même après 150 pages ce qu’il a fait de neuf au juste. On s’occupe, on est intelligent, mais qu’est-ce qu’on donne au reste de la planète comme nouvelle matière philosophique ? Il y a des exceptions. Luc Brisson par exemple. Mais exilé.


Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal Toute la question de la survie du Québec en tant qu'entité se pose-là où vous la placez : "qu'est-ce qu'on donne au reste de la planète?" Non seulement en termes philosophiques, mais en termes d'art et de littérature où la reconnaissance est déjà acquise, mais où il est légitime de se demander ce que les autres comprennent de nous. Pour le reste du monde, le Québec, le Canada, c'est "ma cabane au Canada", la chemise à carreaux (que les Américains portent tout autant), que le sirop d'érable et quelques autres "folkloritées", ce qui nous ramène toujours à entendre la publicité du fromage : "c'est juste fait pour nous autres" : "le P'tit Québec". Et l'on brandit les noms de Céline Dion ou de quelque autre athlète qui a brisé un record historique la semaine dernière! Nous ne sortons pas de cette caricature et pour cela, donner une image de philosophe ou d'historien universaliste est aussi difficile côté francophone que côté anglophone à produire. À moins de choisir l'exil et de se dissoudre dans une autre citoyenneté. Des Northrop Frye ou Fernand Dumont sont rarissimes et dès que le monde apprend à les connaître, nous les oublions vite. Il y a un mur qui prend ses racines dans notre psychologie collective et qui est cette volonté de ne pas se faire remarquer, de sorte qu'on s'est habitué aux échecs et on a peur de la réussite. Et ce mur, à peine secoué dans les années 60-80, n'a pas cédé et l'on s'est replié derrière pour retrouver cette vie ordinaire pour des gars (et des filles) ben ordinaires.
Jacques Desrosiers
Jacques Desrosiers L’écrivain Daniel Poliquin, publié au Québec mais québécophobe sur les bords, a un jour fait l’éloge de sa décision d’être invisible, perdu dans la brume minoritaire, débarrassé de toute volonté de sortir de la petite vie – comme si c’était difficile. Il ne doit pas être le seul.
John Gionta
John Gionta Je suis d'accord avec Jacques Desrosiers: Leroux, il est très intelligent peut-être, MAIS, comme dirait justement Carl Bergeron: "Où est la beauté universelle de son héritage?" Si vous trouvez quelque chose de cet ordre: vous êtes bon en TA!
John Gionta
John Gionta "Toute la question de la survie du Québec en tant qu'entité se pose-là où vous la placez : "qu'est-ce qu'on donne au reste de la planète?" Non seulement en termes philosophiques, mais en termes d'art et de littérature"...Voilà une question qui devrait préoccuper les créateurs d'ici? Est-ce le cas? La plupart du temps: non! MAIS il y a aussi des exceptions...Oh oui, certainement!
Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal Leroux s'est surtout fait connaître comme traducteur de Platon. C'est toujours le même problème. Faire des commentaires de texte, c'est un travail de baccalauréat, afin de voir les capacités des étudiants à comprendre des textes qui parfois sont des répliques à d'autres textes et ainsi depuis Platon. Une fois la chose faite, il faut montrer que l'on maîtrise bien le discours philosophique, dans une tradition, mais une fois rendu à la thèse de doctorat, il faut s'élever au-dessus du commentaire de textes, il faut être en mesure de se poser des problématiques concernant le monde actuel : et le philosophe a le choix de se diriger où il veut. Aussi bien vers les mathématiques que vers les sciences sociales. Il ne doit pas être seulement un commentateur de ses prédécesseurs; il doit être le commentateur d u monde où il inscrit sa présence.
Jacques Desrosiers
Jacques Desrosiers Un facteur à noter parmi d’autres. Leroux raconte que pour Luc Brisson – excellent prof, exilé à Paris, traducteur des œuvres complètes de Platon, mais sans doute pas de réputation mondiale comme le prétend Leroux – la philosophie de Platon, auquel Brisson a consacré toute sa vie, est un objet d’étude, ce n’est pas sa philosophie à lui, sa vision du monde à lui : il en est détaché. J’ai vu le contraire aux USA. John Cooper, spécialiste connu de Platon, en parlait dans ses cours comme si c’était sa pensée, il appliquait la moindre idée de Platon au monde actuel. Même chose pour un autre prof, médiocre celui-là, qui analysait l’Éthique à Nicomaque comme sa bible sur l’art de vivre. Le seul prof que j’ai vu comme ça ici – à part la génération de maoïstes-trotskystes etc – enseignait Kant à l’UQAM et à l’UdM : il était kantien ; mais lourd et de la vieille école. D’autres aux USA qui enseignaient Wittgenstein présentaient sa pensée comme la leur sur certains points et proposaient autre chose quand il ne le suivait pas. Chez nous il y a une limite. Leroux vante surtout d’ailleurs les qualités littéraires de Platon. Il a repris seulement les idées de La République. Le problème de la langue au Québec y est peut-être pour quelque chose. Certains profs, abusivement vantés par Leroux, comme Jean-Paul Brodeur, parlaient et écrivaient avec une telle difficulté que je ne suis pas sûr qu'ils aient rien produit de valable. Carl Bergeron met le doigt sur un gros bobo quand il parle de l’Epreuve de la langue. On pourrait dire que Leroux et d’autres comme lui, peut-être Jean Larose ou même MBC, l’ont surmontée, mais au prix d’une sorte de comédie linguistique : l’adoption d’une façon de parler tellement artificielle que par bout on nage dans un bassin de crème à 35 %. On a beau les écouter sérieusement, on a l’impression que c’est encore la petite vie.

Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal L'épreuve de la langue, je pense, s'impose à tous ceux qui abordent la philosophie, car en plus de la langue il y a le langage philosophique. Les plus grands philosophes sont ceux qui imposent leur langue au langage philosophique, les Grecs dans l'Antiquité, les Chinois en Extrême-Orient, les Allemands en Occident. Sur ce point, le français et l'anglais sont déficitaires. Et ce qui a pour but de traduire les abstractions en compréhension concrète du réel de l'Être finit par se confondre dans la double, voire la triple traduction qui s'en suit. Dans le cas du Québec, qui nous occupe, pendant près de 120 ans, les collèges classiques formaient des élèves - pas tous pourris j'imagine - qui maîtrisaient parfaitement le grec et le latin, plus le français et l'anglais qui devaient devenir médecin, avocat ou notaire, et prêtres, bien entendu. La théologie, proche voisine de la philosophie à travers la patristique, aurait été une discipline favorable à y faire ses "lettres". Or, cela n'a rien donné de marquant. Pas plus que ce que nous observons en philosophie. Or, pour un théologien, l'actualité de sa foi cherche à comprendre, comme disait saint Hilaire de Poitiers, Elle n'est pas béate, elle est, comme on dit dans notre jargon performatif : "proactive". Entre la béatitude et la proaction, il y a ce mur qui limiterait la curiosité. Autant nos théologiens se contentaient-ils de répéter les arguments d'autorité de Rome; autant nos philosophes tendent à répéter les arguments d'autorité de la philosophie. Le danger d'appliquer la République de Platon à notre époque a donné ce pavé dans la marre lancée par Popper et qui a soulevé un tsunami parmi les amants de Platon : "Quoi? Platon? Un fasciste?" Je crois qu'à force de cultiver les grands ancêtres, ici comme ailleurs, on finit par étouffer sous leurs poids et que sans les renier, apprendre à s'en dégager, normalement, c'est là qu'on passerait du mimétisme à l'émulation.

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