samedi 20 janvier 2018

Comment naissent et se dissolvent les nations

Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple, 1831

COMMENT NAISSENT ET SE DISSOLVENT LES NATIONS
(Article paru sur Facebook, le 28 octobre 2017, 10 lectures) 

Au Québec, depuis 2012, on a vu à maintes reprises défiler le tableau de Delacroix, La liberté guidant le peuple, hommage du peintre romantique aux révolutionnaires parisiens de juillet 1830. Ce tableau synthétise toutes les vertus accordées aux peuples par la littérature produite depuis la Révolution française et l'éveil des nationalités. Certes, entre 1830 et 1848, les capitales européennes assistèrent à des manifestations populaires qui entraînèrent la chute de bien des gouvernements sans toujours changer le régime. Le Parlement de Francfort issu de la révolution nationaliste allemande de 1848 fut finalement dissous par l'empereur Frédéric-Guillaume de Prusse qui était appelé pour en être le roi constitutionnel; et si Metternich dut s'enfuir dans un panier de linge sale de Vienne, le royaume d’Autriche restait intact. Ces épisodes, qu'un roman comme Les Misérables de Victor Hugo traduit en des termes épiques, reproduit et affadi par la comédie musicale, contribuent à donner l'impression que les nations naissent d'un mouvement spontané d’une volonté populaire.

Or, aucune nation ne semble être née de la volonté populaire emportée par un unanimisme «national». La politique internationale, toujours, a joué un rôle plus important dans la formation des nations que les mouvements populaires. Le XIXe siècle ne fut, contrairement à ce qu'on nous a enseigné, le siècle des nationalités mais bien celui des Empires, à commencer par la «Grande Nation» que fut l'Empire napoléonien. La formation d'un État allemand échoua devant la consolidation de deux empires, le IIe Reich prussien assemblé par la politique de Bismarck; l'empire austro-hongrois réaménagé à partir de l'ancien royaume autrichien. Ces deux forces impériales étaient là pour bloquer le passage de l'empire russe des Tsars qui effrayait déjà l'Europe entière par son étendue et sa démographie. La France eut le Second Empire et les Britanniques l'empire le plus étendu du monde, couvrant les cinq continents. L'indépendance des nations est donc chose plutôt rarissime. La Grèce fut le résultat de la victoire de la flotte anglo-franco-russe à la bataille de Navarin contre la flotte ottomane. Les territoires actuels de l'Europe de l'Est étaient occupés par l'un ou l'autre des grands empires despotiques : la Russie, la Prusse, l'Autriche-Hongrie, l'Empire ottoman. Ce ne fut, peu à peu, en tant que zones tampons, que se développèrent la Bulgarie, la Roumanie, la Serbie, la Macédoine. Elles servaient de marches à des empires qui ne voulaient pas partager de frontières communes. On citerait sans doute le cas de l'Italie, mais comme l'Allemagne, l'Italie fut un produit de tractations internationales en vue d'unifier la péninsule constituée de Toscans, de Romagnols, de Romains, de Calabrais, de Napolitains et de Siciliens sous le sceptre du moins italien des princes, le roi de Piémont-Sardaigne. La rencontre de Plombières entre Napoléon III et le comte Cavour, plus que les chemises rouges de Garibaldi, mit à genoux l'empereur d'Autriche pour l'obliger à lever l’occupation. De plus, n’y avait-il rien de moins italien que le peuple qui se réveilla rassembler sous la couronne de Savoie, à tel point que Massimo d'Azeglio lança la formule célèbre : “L'Italie est faite, maintenant il faut faire les Italiens”? Le IIe Reich ne fut pas cette nation unitaire rêvée par les Allemands, puisqu'il fallut que Bismarck accepte le principe de la «petite Allemagne» plutôt que celle d’une «grande Allemagne» qui se serait accomplie avec l'annexion de l'Autriche, comme le fera Hitler trois quarts de siècles plus tard.

La France elle-même ne devint une nation que par la dissolution des anciennes provinces rattachées à la couronne au cours des siècles. La Révolution voulut en effacer le souvenir en les découpant en «départements» ayant été mesurés au mètre et tracé plus ou moins à l'intérieur des fleuves et des montagnes sur une carte géographique. La naissance de la nation France s'est donc faite par la dissolution des anciennes provinces de Bretagne, de Normandie, de la Bourgogne, de la Lorraine, de la Loire, d'Aquitaine, de Provence, du Dauphiné, du Lyonnais, du Poitou, du Languedoc et de l'Auvergne qui contenaient autant de peuples nationaux avec leurs patois, leurs traditions, leurs rites d'appartenances, leurs milieux géographiques qui allaient des Alpes et des Pyrénées à la mer Méditerranée et l'océan Atlantique, des plaines riches et des plateaux arides. La Bourgogne comme la Bretagne furent des royaumes indépendants avant d'être réunis par l'Île de France, le cœur conquérant du royaume qui étendit son emprise sur le reste de l'hexagone. D'ailleurs, au Moyen Âge, le territoire du Languedoc était un territoire... catalan.

Celles que nous considérons aujourd'hui comme des nations affirmées (France, Angleterre, Allemagne, Italie, etc.) sont donc des produits de la disparition par dissolution de tas de petites nations qui eurent, également, leurs heures de gloires à l'époque médiévale. Maintenant, ces nations affirmées sont à leur tour entraînées dans un processus de dissolution au nom de machineries plus grosses, l'Union européenne se mesurant à l'empire russe ou à l'empire chinois autant qu'à l'empire américain. L'utilisation que ces grands systèmes mettent au point, au moyen d'une technologie numérique sophistiquée prétendant à l'intelligence artificielle, a pour but ultime d'uniformiser culturellement comme économiquement la planète Terre. Le village global de McLuhan se place sous cloche de verre avec l'atmosphère (polluée) rappelant le dôme de Stephen King. Secouons-le, et nous verrons des tas de petites nations se faire électrons libres.

Ce phénomène s'appuie essentiellement sur le néo-libéralisme qui harmonise le droit des individus à celui de la propriété des ressources et des moyens de production. Ces ressources et ces moyens sont distribués partout sur la planète et à des prix compétitifs qui entraînent de vastes mouvements de populations et de capitaux. De la Chine aux États-Unis, des États-Unis au Mexique, de l’Amérique du Nord à l'Europe, il est difficile de dire où le centre économique du monde finira par se fixer tant les décideurs sont désormais loin des entreprises et de la main-d'œuvre. Les traités de libre-échange, semblables à l'ALENA conclu dans les années 1980 entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, ne sont que des instantanés du développement économique. La cinétique ne s'empêche pas de continuer. L'Union européenne elle-même passe par des hauts et des bas qui font valser la valeur de l'euro sur les marchés mondiaux. Des alliances économiques impensables – entre la Russie, la Chine, l'Inde et le Brésil – entraînent l'instabilité des valeurs : le dollar américain, le dumping nord-sud, les notions désuètes de Tiers Monde et même de Pays en voie de développement sont désuètes. Les pays dont le take-off n'a pas été effectué n'ont à peu près aucune chance de se développer par eux-mêmes : c'est le cas tragique de l'Afrique. D'autres resteront des arrière-cours des puissances démographiquement et économiquement développé à la limite de la surproduction. C'est le cas du Canada comme des pays d'Amérique latine. À l'intérieur de la zone européenne elle-même, le club med – c'est-à-dire les pays méditerranéens comme le Portugal, l'Espagne, l'Italie et la Grèce sont de plus en plus des satellites des pays forts de l'Europe, essentiellement l'Allemagne et la France. Évidemment, il faudra que les économistes européens finissent par rappeler à leurs patrons qu'entretenir des colonies coûtent aussi cher que les profits qu'ils peuvent en tirer. Le développement inégal de l'Europe risque d'entraîner des sécessions de régions. Le cas catalan en est un. La Corse en est un autre, qui fait la guerre à ses immigrants musulmans à la différence de la sotte politique de Hollande et de Macron. Les tensions internes en Allemagne ont fait renaître le bon vieux nazisme endormi dans les souvenirs de quelques mégalomanes. Des pays comme la Suisse, l'Autriche, le Danemark et la Suède ne badinent pas avec le niqab. Ces nationalismes qui se servent de l'argument identitaire pour manifester leurs mécontentements cachent surtout une méfiance envers les excès de néo-libéralisme, moins généreux, et qui font renaître des velléités de protectionnisme économique, des velléités plus démagogiques que sérieuses.

Le gouvernement libéral du Canada, toujours aussi prompt à sortir une niaiserie, a déclaré, devant l'indépendance de la Catalogne : «Nous reconnaissons une Espagne unie, point final. C’est simple, c’est clair, c’est une phrase très explicite», martèle le secrétaire parlementaire de la ministre des Affaires étrangères, Andrew Leslie. Cette fin de non recevoir ne s'adressait évidemment pas au Catalan ni même aux Espagnols, mais aux Québécois. Faites votre référendum, gagnez-le à 100% et vous aurez la même réponse d'Ottawa. Les États modernes sont tous intoxiqués de la devise jacobine d'une république «une et indivisible», ce qui a été contredit lorsque l'Allemagne arracha l'Alsace-Lorraine à la France et que la France survécut.

Tout État est un assemblage de territoires selon la loi naturelle, il peut donc aussi être démembré. On aime pas voir nos alliés être démembrés, mais lorsqu'il s'agit d'un adversaire majeur, sa décomposition fait notre bonheur. Ceci explique bien les contradictions du gouvernement canadien au cours des récentes décennies. Ainsi, de la facilité avec laquelle le Canada s'empressa d'accorder la reconnaissance de l'indépendance des trois pays baltes, de l'Azerbaïdjan et de la Géorgie, de la Biélorussie, de l'Ukraine et du Kazakhstan; autant qu'Ottawa protesta contre la répression russe des velléités indépendantistes de la Tchétchénie et de la Crimée. Cela explique aussi pourquoi Ottawa s'est empressé de reconnaître, aveuglément et bêtement, les pays qui ont disloqué la Yougoslavie : la Croatie, la Macédoine, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo occupé par les casques bleus de l'ONU. Comme Jean Chrétien, le Canada parle des deux côtés de la bouche selon non des intérêts nationaux ou humanitaires, mais des intérêts liés aux systèmes économiques et sociaux. Là où le socialisme et le capitalisme d'État dominent, le démembrement est souhaitable sous la justification hypocrite qu'il s'agit là de dictature niant les droits de l'homme; ici, où le capitalisme libéral et les droits individuels dominent, il n'y a pas raison pour qu’une partie d'un État divise la belle unité nationale. C'est ce que Leslie dit : une Espagne unie, une Espagne une, selon ce sens de l'unité qui constitue la conscience historique d'un peuple. Or, cette Espagne n'a été une que depuis 1492, suite à une série de mariages des Habsbourg qui amena sur son trône «uni» un roi d'origine... belge (Charles Quint étant né à Gand!). Cette unité a même contenu à partir de 1580 rien de moins que le Portugal qui a récupéré son indépendance en 1640. Unité toujours fragile n'ayant jamais été véritablement consolidée de l’intérieure et dominée tantôt par des princes de la maison des Habsbourg et encore aujourd'hui de la maison des Bourbon. La centralisation imposée par la République française n’a jamais eu cours dans le royaume espagnol, malgré le terrorisme d’État de Franco.

Ce ne sont donc pas les peuples qui fondent les nations. Ce sont les États qui, dans un concert international, laissent vivre ou font mourir des petites nations. La Belgique est un État tampon né de l'accord entre l'Angleterre et la France en mariant la fille du roi des Français à un prince allemand de la famille Saxe-Cobourg-Gotha qui était celle de l'Angleterre victorienne. De la sécession des Pays-Bas espagnols sont nées les Provinces-Unies, ensemble de territoires calvinistes qui lutta durant Quatre Vingts ans, jusqu’au traité de Westphalie, vainqueurs enfin d’une armée espagnole épuisée. Mais, encore là, le traité de Westphalie était un traité de paix international, mettant également fin à la Guerre de Trente Ans en Allemagne. Ils ont été un temps rassemblés après la Seconde Guerre mondiale sous le terme de BENELUX (Belgique, Néerlande, Luxembourg). La Pologne a été ressuscitée une première fois par Napoléon avant d’être dissoute à nouveau au traité de Vienne, jusqu’à ce que les 14 Points de Wilson, inclus dans le traité de Versailles de 1919, lui redonnent naissance avec toutes ces monarchies ou républiques d'Europe de l'Est qui ne sont jamais nées de la ferveur populaire mais de la diplomatie des grandes nations. De même, il est évident que la Catalogne indépendante n'est pas née d'un mouvement populaire mais de la proclamation d'un gouvernement basé sur un référendum distordu. Lorsque les Catalans sont sortis dans la rue, ce n'est pas à l'image du peuple guidé par la Liberté de Delacroix, mais à l'appel du parti de Puigdemont, le Parti démocrate européen catalan, c'est-à-dire un parti démocrate certes, mais européen avant d'être catalan (il aurait été catalan européen que cela n'aurait rien changé à la chose!).

Que faudrait-il comprendre de tout ceci? Comment peut-on être à la fois pour un archipel économique européen tout en se divisant d'une nation multiséculaire pour former une petite nation européenne qui a quand même une superficie comparable à la Suisse? Le dilemme européen qui se dégage est le suivant : l'Union européenne se fera-t-elle par les grandes nations ou par la reconstruction des petites nations, réalisant la prédiction de l'économiste Alain Minc qui affirmait, déjà il y a vingt ans, qu'on entrait dans un nouveau Moyen Âge? L'Union européenne se fera-t-elle au prix de la dissolution des grandes nations en petites paroisses : duchés, provinces, villes-libres, comtés, ligues ou autres qui morcelleront le territoire pour voir renaître un empire Carolingien ou Ottonien dont le siège impérial serait remplacé par un parlement de milliers de députés de différentes origines et aux intérêts paroissiaux harmonisés cette fois en fonction des autres archipels économiques?

Pour le Canada, cela signifierait-il une dissolution de l'acte de 1867 pour revenir à des régionalismes vite intégrés à l'économie politique nord-américaine où les Maritimes, les Prairies et la Colombie Britannique seraient des paroisses au même titre que le Canada-Uni ou une division Haut et Bas-Canada comme dans le temps où on boutait le feu à des parlements? Si le pari catalan parvient à se maintenir et que l’Espagne et les autres puissances européennes se voient obligées de reconnaître la Catalogne et Barcelone comme capitale, Leslie n’aura plus qu’à ravaler ses paroles. Mais étant loin encore de cette confirmation, on comprend que la boule de cristal de Justin Trudeau soit embrouillée par les brumes catalanes
Montréal
28 octobre 2017
Commentaires
Raymond Roy
Raymond Roy Mais il existait une nation allemande bien avant la constitution d'un État allemand. Goethe écrivait en allemand pour un lectorat allemand. Les gens partageant cette langue devaient déjà avoir conscience d'appartenir à une seule et même nation, soudée par un idiome commun (morcelé en dialectes, je sais).
Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal Goethe a été le premier, après Luther mais pour des raisons différente, à écrire en allemand. Auparavant, les lettrés comme Leibniz ou même les empereurs Frédéric II et Marie-Thérèse écrivaient en français ou en latin. Dans le contexte de la résistance à Napoléon, Goethe, qui avait été honoré par l'Empereur, commença à valoriser la langue allemande, en même temps que Kant et Schelling et surtout Fichte qui fut le premier véritable "nationaliste" allemand. Les romantiques poursuivirent avec des auteurs des plus brillants, comme le poète Novalis. Écrire en allemand devenait une preuve d'affirmation. Se reproduisait là le trajet de Dante qui écrivait en latin ses traités comme sur La Monarchie et décida, inspiré par le langage des troubadours, à écrire en dolce still nuovo, c'est-à-dire en idiome de Florence qui devint l'Italien, sa Divine Comédie. On trouve des trajectoires semblables en Russie et dans la plupart des pays d'Europe de l'Est, langues qui souvent tenaient à se distancier du russe des Soviétiques oppresseurs. Malheureusement, les langues ne font pas les États, mais là encore l'inverse. C'est l'ordonnance de Villers-Cotterêts, en août 1539 qui fit du français de l'île de France, la langue officielle, donc administrative. La généralisation de ce français qualifié d' "universel" ne s'accomplit que durant la Première Guerre mondiale, lorsque l'usage du téléphone sur les champs de bataille et dans les boyaux obligeaient les soldats de provenance de différentes régions, de se comprendre entre eux.
Raymond Roy
Raymond Roy Tout en reconnaissant qu'une langue, c'est un dialecte doté d'une armée (je cite je ne sais plus qui de mémoire), et sans avoir ton érudition, j'affirmerais que la langue, et, partant, la nation, préexiste au jeu politique.

Je parle de langue en dépit des dialectes dès qu'il y a interintelligibilité entre ces derniers (c'est le critère admis en linguistique). Le Munichois comprend le Flensbourgeois, malgré la distance qui les sépare ? Eh bien, à mes yeux, ils parlent la même langue, bien que s'exprimant dans des dialectes différents, font partie de la même nation, et se reconnaîtront dans un discours interpellant les Allemands (à l'écrit, la congruence entre leurs parlers sera encore plus évidente). Cependant, le Munichois ne comprend pas le Praguois, malgré leur proximité ; ils ne parlent pas donc la même langue, et ne font donc pas partie de la même nation.

Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal Est-ce vraiment le dialecte qui fait l'armée? Quand les goths envahissent l'Europe, diffusant le germanique, on ne saurait distinguer l'armée de ce que nous appelons aujourd'hui une société civile. La société civile est un produit de la sédentarisation, d'où la possibilité de constituer un État et d'ériger un dialecte plutôt que d'autres en langue administrative. Le Munichois a eu son État de Bavière qui dura du Moyen Âge jusqu'à la fin du XIXe siècle lorsque après les histoires malheureuses de Louis II, Bismarck le fit entrer de force dans sa Confédération germanique. Flensbourg appartient au Schleswig-Holstein, c'est-à-dire qu'elle a été une grande ville du temps où la Ligue hanséatique, qui équivaut pour la Baltique à l'empire vénitien dans l'Adriatique, était une puissance à défaut d'un État. Ils parlaient alors, comme vous dites si bien, des dialectes allemands qui se comprenaient, mais formaient-ils une nation allemande? Ce type de question interpella les philosophes à partir surtout de Herder qui accorda une part si importance à la langue et à la culture. Avec Vico, c'est à lui que nous devons l'essentiel de notre définition de la nation. Langue et culture beaucoup plus qu'État et gouvernement, mais ni Vico, ni Herder ne sauraient passer pour les pères de l'Italie et de l'Allemagne. C'est une question d'intellectuels qui fut débattue dans des cénacles restreints et ne touchèrent pas les populations qui continuaient à parler le Munichois ou le Flensbourgeois; le Toscan ou le Napolitain. Ce sont les poètes romantiques allemands qui firent prendre conscience, dans le contexte déjà mentionné de la résistance à l'emprise française et russe, que la conscience nationale allemande s'est formée. Et sans la philosophie politique de Hegel, sans l'idée que le réel était rationnel, la conscience nationale n'aurait pu s'incarner dans l'État. C'est cet État que cherchent les idéologues du XIXe siècle, y compris les poètes völkisch rassemblés autour de Stefan George. Pour Bismarck, qui était sévèrement critiqué par Hitler, la notion de patrie allemande, de nation, s'arrêtait aux limites de la Petite Allemagne; pour les völkisch, tant que l'Autriche et les autres régions germanophones n'entreraient pas dans le Reich, il n'y avait pas de véritable "État national allemand". Son sens de l'unité était insatisfait, sa réalité incomplète. Il n'est pas innocent que la ligne de démarcation durant l'Occupation allemande rattache au Reich le nord de la France, celle des conquérants Francs, les Mérovingiens de Clovis et de Clotilde. Cette projection rappelle, au détriment des origines gallo-romaines, l'importance de l'occupation germanique sous Charlemagne. Et qu'en est-il du sentiment national des Québécois? Lorsqu'on lit les rapports des Assemblées patriotes de 1837 et la Déclaration d'Indépendance, on s'aperçoit que cette conscience est... canadienne. Elle est sans doute celle du Bas-Canada car le conflit concernait la députation élue démocratiquement à un exécutif colonial hostile et servile nommée par Londres. L'Acte d'Union répara cette absurdité avec le gouvernement responsable et la plupart des anciens patriotes se rallièrent. Puis, vint l'ultramontanisme...
Raymond Roy
Raymond Roy Je réfléchis à cela. En attendant, j'ai trouvé la citation exacte :« Une langue est un dialecte avec une armée et une flotte » (https://fr.wikipedia.org/.../Une_langue_est_un_dialecte...).Gérer
Jacques Desrosiers
Jacques Desrosiers Et la Norvège ? Son indépendance semble avoir été si facile.
Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal Encore là, ce fut une négociation entre deux États. La Norvège est passé au cours de son histoire moderne du Danemark à la Suède lorsque dans le contexte des guerres napoléoniennes, le roi de Suède triompha sur l'alliance dano-française. Lorsque la Norvège acquis son indépendance, en 1905, cela faisait à peine 90 ans qu'elle était unie à la Suède. C'était une sorte de Haut et de Bas-Canada de la Mer du Nord. L'Angleterre a toujours maintenu une certaine emprise sur la Norvège, d'où elle tirait d'abord le bois, puis le pétrole avant la Seconde Guerre mondiale. Le ton pris par Puigdemont lorsqu'il appelle au calme tout en rejetant la tutelle voudrait s'inscrire dans un processus semblable à celui de la Norvège. Mais les relations hispano-catalanes sont très différentes des relations suédo-norvégiennes.

Daniel Desmeules
Daniel Desmeules Tout comme celle de la Slovaquie par rapport à la Tchéquie.

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