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Funérailles de Thomas d'Arcy McGee à Montréal, avril 1868. |
LE MOMENT
D'ARCY McGEE
Sur l'élection de J.-F. Lisée à la tête du Parti Québécois
Sur l'élection de J.-F. Lisée à la tête du Parti Québécois
Enfin! Cette ennuyeuse
course à la chefferie du Parti Québécois est terminée. Après
plusieurs semaines où le burkini, le python en fuite, l'incendie du
camion sur l'autoroute Crémazie et autres distractions estivales l'avaient complètement effacée dans l'esprit de la
population, le sort en est jeté. Les dernières semaines ont vu les réseaux
sociaux et les débats s'envenimer jusqu'à atteindre des
affirmations
outrancières et peu amènes entre les candidats. La terreur des islamopho-
bes, le peu subtil Adil Charkaoui s'est même prononcé pour Cloutier, comme si ce simple choix suffirait à mener les musulmans à voter P.Q. Il est vrai qu'une fois débarrassé de cette nuisance publique qu'est Pierre-Karl Péladeau, il fallait revenir aux «vraies affaires», et comme tout politologue le sait, pour un parti, les «vraies affaires» ne consistent pas à réaliser ses aspirations, mais à prendre le pouvoir. L'establishment du parti voulait Alexandre Cloutier, un député drabe qui siège à l'Assemblée nationale depuis une dizaine d'années. Face à lui se tenait Jean-François Lisée, personnage ambiguë, idéologue du parti, auteur de deux méchants bouquins contre l'ex-Premier ministre Robert Bourassa (le Tricheur et le Naufrageur) qui se meurent aujourd'hui par piles dans la dump du Colisée du livre.
Onctueux, princier, ambitieux... l'élection de Lisée ne peut être pire que le couronnement de P.K.P. Du moins m'apparaît-il nettement plus intelligent, mais un duel Couillard/Lisée va vite ennuyer les électeurs. On s'échangera de bons mots, genre : «Tirez les premiers, messieurs les Fédéralistes!», et ils tireront; mais tout cela finira au Restaurant du Parlement, devant un bock-côté de bière. La prochaine décennie s'annonce platte et ronflante, comme on dit en bon Québécois québécisant. C'est ce que veulent surtout les Québécois : ne pas se faire déranger dans leur petit confort. Pour les authentiques indépendantistes, la défaite de
Martine Ouellet est inconsolable. Mais, avouons-le, cela n'aurait pas changé grand chose. Le manque de discernement de l'establish-
ment péquiste au cours des vingt dernières années a creusé le tombeau du parti et surtout de son idéal, de son âme. Cette épave qui tangue entre le Parti Libéral du Québec au pouvoir et la Coalition Avenir Québec dans l'opposition condamne Lisée à relever deux défis simultanément : 1° s'affirmer comme authentique Union Nationale afin de ronger le membership de la Coalition; 2° gagner l'élection provinciale de 2018. Une chose, toutefois, était nettement visible en cette soirée du 7 octobre 2016 : l'accueil des résultats ne suscita pas de ces envolées enthousiastes que l'on retrouvait, naguère encore, du temps de l'élection de André Boisclair et de son coffre à outils. Le Parti Québécois est une épave échouée sur ses propres contradictions (et non sur l'échec de son option souverainiste). Il a beau croire qu'il a l'Île aux Trésors en vue ou d'être sur le point de mettre le pied sur la Terre Promise, mais comme Moïse, il semblerait condamné à ne jamais pouvoir y pénétrer. Avec l'élection de Lisée, Maître chez nous, on peut toujours fixer cela aux calendes grecques.
Comme troisième mousquetaire : Martine Ouellet, une «pure et dure» comme on dit dans le jargon. Agressive, elle balançait par-dessus bord la monarchie et ses symboles, affirmait la prochaine tenue d'un
référendum qu'elle
voyait gagnant et le retour à l'affirmation de la langue française tant la loi 101
n'est plus qu'une martingale moquée par tout le monde. Enfin, comme
dans le roman de Dumas où les trois mousquetaires sont quatre, Paul
Saint-Pierre Plamondon, une relève terne et sans relief mais qui a
su plaire aux vieilles matantes du parti. Après avoir comptabilisé
le vote des plantes et des animaux de compagnie, la surprise a été
totale. Cloutier a été balayé d'une manière imprévisible et
humiliante. Ouellet a fait du surplace. On a applaudi Plamondon comme
prix de consolation et Jean-François Lisée s'est retrouvé élu chef du Parti
Québécois; son neuvième en 39 ans d'existence (et ce, sans compter
Chevrette qui a siégé comme chef intérimaire pendant des mois). Sur ces 39 années, dix ont été occupées par
René Lévesque. Les autres ont vu se succéder leurs chefs sur une moyenne d'environ trois ans et un tiers chacun.

bes, le peu subtil Adil Charkaoui s'est même prononcé pour Cloutier, comme si ce simple choix suffirait à mener les musulmans à voter P.Q. Il est vrai qu'une fois débarrassé de cette nuisance publique qu'est Pierre-Karl Péladeau, il fallait revenir aux «vraies affaires», et comme tout politologue le sait, pour un parti, les «vraies affaires» ne consistent pas à réaliser ses aspirations, mais à prendre le pouvoir. L'establishment du parti voulait Alexandre Cloutier, un député drabe qui siège à l'Assemblée nationale depuis une dizaine d'années. Face à lui se tenait Jean-François Lisée, personnage ambiguë, idéologue du parti, auteur de deux méchants bouquins contre l'ex-Premier ministre Robert Bourassa (le Tricheur et le Naufrageur) qui se meurent aujourd'hui par piles dans la dump du Colisée du livre.
Onctueux, princier, ambitieux... l'élection de Lisée ne peut être pire que le couronnement de P.K.P. Du moins m'apparaît-il nettement plus intelligent, mais un duel Couillard/Lisée va vite ennuyer les électeurs. On s'échangera de bons mots, genre : «Tirez les premiers, messieurs les Fédéralistes!», et ils tireront; mais tout cela finira au Restaurant du Parlement, devant un bock-côté de bière. La prochaine décennie s'annonce platte et ronflante, comme on dit en bon Québécois québécisant. C'est ce que veulent surtout les Québécois : ne pas se faire déranger dans leur petit confort. Pour les authentiques indépendantistes, la défaite de

ment péquiste au cours des vingt dernières années a creusé le tombeau du parti et surtout de son idéal, de son âme. Cette épave qui tangue entre le Parti Libéral du Québec au pouvoir et la Coalition Avenir Québec dans l'opposition condamne Lisée à relever deux défis simultanément : 1° s'affirmer comme authentique Union Nationale afin de ronger le membership de la Coalition; 2° gagner l'élection provinciale de 2018. Une chose, toutefois, était nettement visible en cette soirée du 7 octobre 2016 : l'accueil des résultats ne suscita pas de ces envolées enthousiastes que l'on retrouvait, naguère encore, du temps de l'élection de André Boisclair et de son coffre à outils. Le Parti Québécois est une épave échouée sur ses propres contradictions (et non sur l'échec de son option souverainiste). Il a beau croire qu'il a l'Île aux Trésors en vue ou d'être sur le point de mettre le pied sur la Terre Promise, mais comme Moïse, il semblerait condamné à ne jamais pouvoir y pénétrer. Avec l'élection de Lisée, Maître chez nous, on peut toujours fixer cela aux calendes grecques.
Comme troisième mousquetaire : Martine Ouellet, une «pure et dure» comme on dit dans le jargon. Agressive, elle balançait par-dessus bord la monarchie et ses symboles, affirmait la prochaine tenue d'un

Dans
l'ensemble, oui, les candidats étaient ternes et sans grandeur.
Mais, ce qu'il y avait de bien chez Martine Ouellet, c'était
qu'elle est jeune, enthousiaste et sa ferveur à l'opposé
de la dame de Béton, Pauline Marois,
dont les deux seules notoriétés
auront été d'avoir été la première femme à occuper le siège du
Premier ministre au Québec et d'avoir eu le mandat le plus court de
l'histoire de la Province. Pour en revenir à Ouellet, la question
n'était pas à savoir si elle précipiterait ou non la tenue du
référendum (perdant), mais que cette maîtresse-femme pouvait très
bien ne pas dépareiller le Québec face à Justin Trudeau, le
selfieman du gouvernement canadien. L'insipidité de Clouter, agent
de l'immobilisme de l'establishment du parti qui voulait se faire
financer par les fonds de Péladeau, l'ambiguïté frappante des
discours de Lisée et l'opportunisme de Plamondon, renouvelaient les
pires façades de la démocratie québécoise. Quoi qu'il en soit,
même s'il est certain que Lisée est un homme plus intelligent et
plus expérimenté que Justin Trudeau, à l'ère de la Trudeauselfie,
quelle image rappellera le futur Premier ministre du Québec, s'il
s'appelle Jean-François Lisée, sinon le côté vétuste de son parti plutôt que
la conviction portant avec vigueur un «plan», comme disait Trudeau durant
la dernière campagne
fédérale, puisque l'idée
d'indépendance est placée au congélateur? (Ce qui n'empêchera pas Couillard et les Libéraux du Québec de dénoncer le fameux agenda caché de l'indépendance du chef péquiste. Cet agenda est tellement usé que le rebord des feuilles en retrousse!) Bref, on retourne à
l'attentisme des Pierre-Marc Johnson et Bernard Landry. Après le
long hiver Harper, Trudeau représentait pour tous les Canadiens (y
compris les Québécois), une régénération, une foi dans le projet
fédéraliste canadien au moment de fêter le 150e anniversaire du
pays. Le résultat de vendredi soir dernier tombe plutôt mal. Lisée affichera l'image de son discours
de réception, c'est-à-dire un souverainiste verbomoteur dans le
visage duquel se lira l'impuissance des aspirations de son parti.
Oui, Trudeau affiche la régénération du
Canada, même si cette régénération est purement illusoire, mais
les mille et une crosses du Parti Libéral du Québec s'effaceront
devant la «résilience» péquiste. Un peu comme
la reflétait René Lévesque après le coup de 1982 et qui devait le
conduire à la paranoïa... Quoi qu'il en soit, la régénération du
Parti passait davantage par une Martine Ouellet que par un
Jean-François Lisée. Son enthousiasme n'aurait pas fait de mal pour
un parti aussi usé et qui navigue au hasard entre les récifs.



ces. Les peuples n'ont jamais préféré leur indépendance à la sécurité et à l'immobilité auxquelles les condamnaient les empires (ou les fédérations). Toujours il a fallu la pression des événements et la confrontation poussée jusqu'à la guerre (c'est le cas de l'indépendance des États-Unis comme de celle de l'Algérie ou de l'Irlande). Le rêve norvégien, c'est-à-dire une indépendance négociée avec le dominant suédois est une expérience minoritaire, surtout que le territoire norvégien couvrait plus de la moitié du territoire suédois (1905)! L'Écosse a suivi la voie québécoise et s'est dite non à elle-même elle aussi. Sous l'impact du Brexit, la reprise du vote pourrait donner une toute autre réponse. Mais en aucun cas, cela n'infirmerait ce que j'en



ment fédéral mutilait l'assurance-chômage alors que dès son retour à Québec, elle appliquait une politique de contraintes envers les assistés sociaux, politique que les Libéraux se sont empressés de reproduire sitôt élus et même «d'améliorer» dans l'odieux à travers le parler en langues de Sam Hamad. La réponse est donc clairement toujours la même : les Péquistes aiment l'État du Québec au détriment de l'amour des Québécois... et ceux-ci le leur rendent bien.
La troisième reproduction de l'alternative augustinienne pourrait se
formuler ainsi : les souverainistes aiment-ils l'indépendance du
Québec au détriment de la survie du Parti (et des intérêts qui le
soutiennent) ou préfèrent-ils la survie du Parti à l'indépendance
du Québec qui mettrait fin, de
facto, à son existence?
Le
«choix stratégique» se pose là. Contraire-
ment à un Gilles Duceppe qui se servait du vote par conviction pour mousser le Bloc Québécois à la Chambre des Communes contre le vote stratégique (pour le N.P.D.), les Québécois ont voté stratégiquement (libéral) de préférence à voter par conviction. Cloutier, Lisée et Plamondon auraient pu se diviser le vote stratégique, pourtant, c'est le vote par conviction, représenté par la candidate Ouellet qui s'est retrouvé minoritaire! Là encore, la stratégie l'a emporté sur les convictions. Contrairement au mythe qui dit que le Parti Québécois est un parti de débats et d'idées, aucune idée neuve ou remarquable n'a été brassée dans cette course à la chefferie et ne le sera dans les congrès ultérieurs. Rares sont les Péquistes qui entendent transcender la «résilience» (entendre la résignation, mot plus brutal et peu amène à l'époque de la bizounourserie) pour s'activer à faire du Québec un pays avec ses institutions propres, se contentant toujours du «bon gouvernement», dont on a vu qu'il n'était pas si bon pour la population québécoise que pour une multinationale comme Kenworth par exemple,
ou encore les pétrolières qui souhaitaient faire de
l'exploration sur l'île d'Anticosti naguère. La même minorité
dominante, qui
déjà gave le Parti Libéral du Québec de ses deniers, fournie également au
râtelier du Parti Québécois. Durant plus de la moitié de son
existence, on a vu le sauveur Bouchard, le patriote Landry, le coffre
à outils à Boisclair, le Drame de Béton et l'abrutissant Péladeau
faire les lèche-bottes des grands capitalistes. À chaque nouvelle
compromission se développait une minorité intègre de membres du parti qui parvenait
à faire sauter le chef peu fiable : le député-poète Gérald Godin
a ainsi obtenu la peau de Johnson; le quadriumvirat
Curzi-Lapointe-Beaudoin-Aussant a échoué à obtenir le béton de
Marois, enfin c'est l'ex-épouse même de Péladeau, la sémillante Julie Snyder, qui nous en a débarrassé en lui tordant le cou devant des millions de téléspectateurs. La raison est évidente : le Canada (tel que nous le
connaissons) et le Parti Québécois partagent une chose en commun :
ils ne veulent pas mourir. Et devant cette coalition plus ou moins
tacite, l'aspiration, l'idéal de l'indépendance, ne fait pas le
poids.

ment à un Gilles Duceppe qui se servait du vote par conviction pour mousser le Bloc Québécois à la Chambre des Communes contre le vote stratégique (pour le N.P.D.), les Québécois ont voté stratégiquement (libéral) de préférence à voter par conviction. Cloutier, Lisée et Plamondon auraient pu se diviser le vote stratégique, pourtant, c'est le vote par conviction, représenté par la candidate Ouellet qui s'est retrouvé minoritaire! Là encore, la stratégie l'a emporté sur les convictions. Contrairement au mythe qui dit que le Parti Québécois est un parti de débats et d'idées, aucune idée neuve ou remarquable n'a été brassée dans cette course à la chefferie et ne le sera dans les congrès ultérieurs. Rares sont les Péquistes qui entendent transcender la «résilience» (entendre la résignation, mot plus brutal et peu amène à l'époque de la bizounourserie) pour s'activer à faire du Québec un pays avec ses institutions propres, se contentant toujours du «bon gouvernement», dont on a vu qu'il n'était pas si bon pour la population québécoise que pour une multinationale comme Kenworth par exemple,

On
devine déjà ce que serait un gouvernement Lisée, ce maintien du
mélodrame bourgeois du p'tit patira qui, transportant son petit
panier, ira chercher chez la mégère d'Ottawa un p'tit chèque de
péréquation en
promettant qu'à la prochaine fois qu'il reviendra, il sera plus
gros... Lorsqu'on est habitué depuis un demi-siècle à un même
scénario, pourquoi en changer? En mettant l'option sur la glace –
comme le patriote Landry à l'époque -, on sentira assez vite les
relents du duplessisme émaner des discours de M. Lisée, ne
serait-ce qu'afin de servir de sucre pour les abeilles de la
Coalition Avenir Québec et rassurer les conservateurs et les
bailleurs de fonds du parti. Puis, il y a cette
tare du Parti Libéral que le P.Q. porte dans son
A.D.N. et que le Premier ministre
Couillard rappelait à Sylvain Gaudreault –
le chef intérimaire du parti après la défection de Péladeau –
à travers les vers d'un petit poème. (C'est sans doute ce qui a choqué le plus les Péquistes, ce rappel de la scission du Parti Québécois du Parti Libéral en 1968.)
Politiquement velléitaire et
économiquement
opportuniste, c'est
l'impuissance même qui marque les
Québécois depuis 200 ans et qui se ramène à la formule : Quand
dire, c'est faire. Et comme l'on peut dire tout et son contraire (ce
qui est plutôt problématique pour le "faire"), on réalise
assez vite qu'il y a beaucoup de vent dans
le dire autant qu'il y a peu d'action dans le faire. Ce
qui fait régresser encore plus la cause indépendantiste et ce que
soulignait l'impayable Gilles Duceppe, «critique politique» et
supporteur avoué de Cloutier : Jean-François Lisée parle un double langage. C'est-à-dire qu'il parle des deux côtés de la bouche. Une
semaine avant le vote, il affirme que «la souveraineté est un
fardeau pour le parti» et le soir de son élection, il rappelle que
son parti conserve son option qui guidera son action. Suivant le
schéma infantile exposé par Mélanie Klein, il y a là l'imago du
patriote (dans la deuxième phrase), le bon Jean-François Lisée
disait Duceppe et l'imago du traître (dans la première phrase) le mauvais Jean-François Lisée. Dans l'esprit des indépendantistes (ceux qui
ne se laissent pas prendre par la stratégie référendaire et le
discours sur la souveraineté), la psychologie est fractionnée
dans l'image qu'il a de lui-même et ne peut la réconcilier pour
former un tout qui le conduirait au-delà de la simple partisanerie. Or s'il en est ainsi, que penser
des Québécois dans leur ensemble? C'est ici que le choix
augustinien donne naissance à deux véritables poupées gigognes : Ceux
qui aiment le Canada, le Parti Québécois, la stratégie de
l'impuissance référendaire et ceux qui aiment le Québec, les
Québécois et l'auto-détermination active.


Mais
de préférence aux grandes théories, le politicien préférera les
rivalités stratégiques entre copains de golf
et de bordel de luxe
à Cuba. La première course se livrera entre le P.Q. et la C.A.Q. afin
de chausser les vieilles godasses de l'Union Nationale. La tentation
unioniste a toujours marqué le Parti Québécois. C'est d'ailleurs
un député de l'Union Nationale, Jérôme Proulx, qui a traversé la
chambre pour aller rejoindre René Lévesque en 1968. Dès sa
fondation sous la dénomination d'Action Démocratique du Québec,
Mario Dumont avait récupéré le concept d'autonomie
provinciale de
Maurice Duplessis. Ce concept plaît aux conservateurs de province
qui rejoignent le Parti Conservateur du Canada. Mais dans la deuxième course, en vue de vaincre les Libéraux, le
P.Q. devra recourir à la rengaine du référendum, balancé
comme la carotte devant l'âne pour faire avancer l'électorat partisan afin d'obtenir le nombre de sièges requis.
En le repoussant en 2022, Lisée pense pouvoir
s'assurer la victoire pour 2018; puis en 2020, le référendum
sera repoussé à 2024 et ainsi de suite. Pour piquer les fesses de
l'âne, on insistera sur les magouilles du gang Charest-Couillard et
on vaselinera le tout avec des déclarations anti-islamistes. Comme
un mauvais soap d'après-midi, la stratégie péquiste et les répliques libérales sont
prévisibles deux ans à l'avance.

Lorsqu'on a une
aspiration profonde dont le but est de changer les fondements des
institutions et créer un monde selon un modèle éthique qui
répondrait à la définition donnée par Lincoln de la démocratie,
i.e. un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple;
qu'on se verrait une république sociale (et non socialiste) avec un
souci d'équité de la redistribution de la richesse qui n'est pas le
produit du capital mais du
travail; que l'on valorise l'égalité des
chances contre les blocages corporatifs qui discriminent selon l'âge, le sexe ou le népotisme; il n'y a aucun parti au Québec qui va dans cette
direction. L'échec du second référendum a tué le Parti Québécois
dans la mesure où même en ayant concédé aux frileux que le
passeport, l'armée, les douanes et autres privilèges de l'État
canadien seraient conservés, le Non l'a emporté. On a dissimulé le
geste honteux d'abord sous l'immigration et le
Capital, puis sous la formule de Philpot du
référendum volé, mais c'était
l'inefficacité même du processus référendaire que l'on cherchait à voiler. Soyons profondément
machiavélique. On n'attend pas que l'État
du pays nous tombe dans les mains. Il faut
s'en emparer. Il y aura des cris, des holà!, des "ce n'est pas
démocratique" - comme si l'État actuel était démocratique
alors qu'il n'est qu'électoraliste -, la
peur de la guerre civile qui hantait les pires cauchemars de René
Lévesque (entre deux clopes, une game
de cartes puis une pute). Après avoir
carburé à l'enthousiasme des RINistes, Lévesque le premier, avec
«le beau risque»
à la François Hertel, a laissé mourir la
flamme des années 60. Ce parti n'est plus alors
devenu que l'ombre de lui-même : impuissant, vidé de
toute la confiance populaire et entretenu par des gens qui s'imaginent
que la conjoncture des années 60 reviendra.

Entre temps, des
opportunistes véreux sont venus, comme
Péladeau, phagocyter ces espoirs en espérant
mettre leur nom dans le dictionnaire. Le Parti Libéral du
Québec est haïssable, mais le Parti Québécois est méprisable, et
derrière la haine, il y a un sentiment d'amour inavouable, alors que
le méprisable porte en lui le mépris de soi-même. Voilà pourquoi,
si on ne pourra jamais l'effacer des manuels d'histoire, du moins
qu'on lui injecte l'aide électorale à mourir le plus rapidement
possible car si la nécessité de l'Indépendance s'impose, elle
ressuscitera sous des augures nouvelles et peut-être meilleures.
Tant qu'on s'attachera, comme le divin
Bock-Côté, à cette momie péquiste, oui, le monde s'écroulera!
Avoir confiance dans la vie, c'est, comme dit l'Ancien Testament, amputer le membre
dévoré par la gangrène qui nous tue. Les compromis vont
pour la gestion domestique de l'administration publique. Lorsqu'on
place un changement constitutionnel au centre de sa politique, la
tactique du compromis ne satisfait personne et accroît les
frustrations. Voilà pourquoi les deux
échecs référendaires ont amené le P.Q. a se venger sur la
population comme il a été rappelé plus haut.
Les
hésitations et les incertitudes du Parti Québécois ont sans doute
divisé la droite politique, mais la gauche a subi les contre-coups
de son association avec le nationalisme québécois. Le Parti
Québécois a joué à son aile gauche le mauvais tour que Duplessis
avait jadis joué à l'Action Libérale Nationale, surtout après
l'amertume de la défaite de 1980. Le vote en
masse et sans lecture des décrets la veille de Noël 1981, puis la menace du renérendum contre ceux qui voulaient soustraire l'association de la souveraineté (chantage affectif de la démission brandit par Lévesque, stratégie ignoble que reprendra Lucien Bouchard), enfin le comportement méprisant de Lévesque lors de la grève tenace des enseignants de la C.E.Q. ont sévèrement été jugés par l'un des premiers historiographes du Parti, Graham Fraser :
Q.S. n'est pas un parti... c'est un menu à la carte qui rappelle la pastorale pizza des années 70. Un
amalgame de toutes sortes
de revendications englobées sous le parapluie social. Mais on y
retrouve la pensée la plus égotiste qui soit. Les féministes,
l'environnement, les vieux cocos passés date, des anarchistes bon
teint, des véganes, des groupes de défenses de malades, des handicapés, des alarmistes de la diététique, les groupes d'inclusion d'immigrants, les L.G.B.T.Q....
mais il n'y a pas de pâte pour
faire lever tout cela. En fait, Q.S. est aussi le plus Québécois des
partis car il montre quelle est la conception de l'État que
ceux-ci se font : une machine distributrice de services. On ne
se préoccupe pas trop comment la machine se remplit (ce que ses
adversaires ne cessent de lui rappeler), mais seulement comment la
vider en fonction de justifications humanitaires, de droits humains
inaliénables, de la justice sociale,
équitable, d'engagements contre les injustices étrangères,
l'accueil aux réfugiés et la protection tout
azimut de l'environnement, de la santé individuelle tant côté
prévention que cathartique. La distribution à la consommation la plus démocratiquement possible. Au niveau du remplissage de la machine, on n'élabore guère au-delà de piller les coffres en banque des riches, ramener l'argent détourné et caché dans les paradis fiscaux par les salopards, jouer sur des taxes répressives... Le reste viendrait comme par miracle.
«Quoique les syndicats aient été les grands perdants, on ne saurait dire que le gouvernement soit sorti gagnant de toute cette histoire. Il s'était mépris sur le sens véritable de la négociation en inscrivant la masse salariale dans son budget avant même que les discussions ne commencent, et il se méprit également sur la détermination des syndicats à résister. Ce qu'il ne put obtenir par la persuasion au cours de ce que Gérard Bergeron appela "cette bizarre négociation à l'envers", il l'arracha par la menace et la coercition.
Par conséquent, le gouvernement se coupa des éléments les plus idéalistes, les plus progressistes et les plus actifs du parti. Il dévalorisa le concept de la loi en l'utilisant comme un instrument circonstanciel. Il fit montre de mépris à l'égard des droits fondamentaux. Sa crédibilité comme gouvernement responsable s'en trouva sérieusement entamée "il serait impossible de faire pire une prochaine fois", comme le dira Gérard Bergeron.
Comme Lévesque le prouva par sa remarque impatiente sur les "gens normaux", il ne fut pas fâché que le parti se détache de ceux qu'il avait toujours considérés comme des extrémistes irresponsables. Selon ce qu'il laissa entendre à Peter Desbarats, en 1969, il prévoyait que le Parti québécois se scinderait après l'indépendance en un parti de gauche et un parti de droite. En 1960, Lévesque s'était senti à l'aise dans la dissidence; vingt ans plus tard, il la considérait comme une conduite anormale et intéressée.
Le conflit mit fin au désir du parti de s'identifier au mouvement ouvrier. Du même coup, il intensifia la tendance à penser en termes corporatistes de "concertation", c'est à dire de groupes d'intérêts, en l'occurrence le salariat et le patronat, appelés à collaborer sous l'égide gouvernementale à la planification économique. Les événements forcèrent le parti à se redéfinir idéologiquement comme un parti centriste et dirigiste à la fois» (G. Fraser. Le Parti Québécois, Libre Expression, 1984, pp. 356-357)Le Anybody but Ryan avait ramené un Parti Québécois démoralisé au début de 1981, obligé de négocier le rapatriement de la Constitution, promesse faite par Pierre-Elliott Trudeau si le Non était vainqueur au référendum. On en connaît la suite douloureuse. La gauche, c'étaient alors les centrales syndicales, des groupes communautaires, des groupes représentant surtout le mouvement féministe. Ceux-ci finirent, après de longues années, par se fusionner et produire un parti de gauche, Québec Solidaire, essentiellement actif dans le centre de Montréal, premiers fiefs péquistes en 1972. Mais qu'est-ce que Québec Solidaire?
Q.S. n'est pas un parti... c'est un menu à la carte qui rappelle la pastorale pizza des années 70. Un

Pour avoir
accès aux tas de cochonneries étrangères, même Parizeau a conseillé Mulroney dans la négociation du Traité de libre-échange
Canada-USA-Mexique. Notre secteur de production, non seulement au
Québec mais dans l'ensemble du Canada, en
a subi les contre-coups que les syndicats
avaient vus venir. Nous consommons trop
pour ce que nous produisons et le résultat est un déséquilibre budgétaire autant privé que public. Le secteur agro-alimentaire a été
démantelé pour l'expansion urbaine et pour le secteur de
l'agriculture extensive orienté pour le
commerce étranger, des pans entiers de
la production québécoise ont été sacrifiés
sur l'autel de l'Organisation Mondiale du Commerce. Et on remet ça avec le traité
transpacifique et l'accord de libre-échange Canada-Europe. L'effet
est de nous ramener 200 ans en arrière, avec un statut économique
colonial dont Harper a été le principal artisan et que le P.Q.
endosse : la prédation des ressources naturelles. Entendons-nous, ne
serait-ce que sur la crise de l'oléoduc Énergie-Est. On y retrouve,
militant contre son passage sous le Saint-Laurent, des
environnementalistes, oui certes, mais
aussi beaucoup de petits propriétaires qui ne voudraient pas voir le
mastodonte crever sous leur terrain entraînant
la perte de la valeur immobilière.
Évidemment, Q.S. va vanter le nombre
impressionnant des manifestants participant
à des mouvements de masse anti-oléoduc pour confirmer sa position, mais
tous ces participants n'accepteraient pas
pour autant la politique migratoire de Q.S.
ou l'indépendance du Québec qui font également partis du menu. Comme les Libéraux, les Péquistes au pouvoir seraient moins catégoriques dans leur refus de laisser passer le pipeline si les redevances et les garanties de l'entreprise satisfaisaient les coffres de l'État toujours aussi bizarrement vidés...

Je veux bien qu'on
pleurniche sur nous les délaissés du système, mais comment créer
la richesse dans un Québec social quand l'économie mondiale carbure
à l'avidité des capitalistes? Les Québécois sont
quand même contents de la manière dont vont les choses. Mais
contents ou pas, cela
n'a rien à voir avec l'option soulevée par le Parti Québécois. De telles réactions
montrent combien les Québécois ne
comprennent rien à ce qu'est LE politique.
Ils suivent les joutes comme des amateurs
de hockey avec des commentateurs sortis des ligues de garage. Et,
en effet, comment pourrait-on avoir
de l'intérêt pour ces opinions superficielles sur des enjeux
aussi fondamentaux? Les Grecs anciens
savaient que lorsqu'une fin de culture arrive, il est important
de savoir choisir la forme avec laquelle on devra disparaître. Entre les malversations des Libéraux et la couardise des
Péquistes, entre l'inconscience manifeste des
Caquistes et les contradictions pathétiques des
Solidaires, nous
sommes encore à en chercher une qui
sera au moins digne du peuple que nous nous disons être. N'est-ce
pas le Parti Québécois qui, dans sa foulée des obsessions du
déficit zéro de Bouchard a liquidé l'un des meilleurs programmes
d'intégration des immigrants à la société québécoise?
Les Libéraux ont continué à sous-financer ces
programmes, puis le P.Q. de Marois a joué la carte de la Charte des
valeurs québécoises. On voulait
bien paraître. On a paru une bande d'arriérés
mentaux. Se montrer accueillant? Soit en
jouant la carte du multiculturalisme des Libéraux, soit en jouant la
carte de l'intolérance identitaire des Caquistes : entre
les deux, des Indépendantistes toujours aussi incertains. L'option indépendantiste dépasse les compromis au ras de pâquerettes
auxquels se livrent les politiciens. Toute la différence
entre LE et LA politique tient dans cette impasse. Trudeau le comprenait mieux que Lévesque. Il aimait le Canada au détriment du Québec, mais il n'aimait pas le Parti Libéral du Québec au détriment de lui-même, de sorte que même le Parti Libéral du Québec ne peut entièrement se fondre, malgré les efforts successifs de Charest et de Couillard, dans le projet constitutionnel de 1982. Pour l'ensemble des Québécois, la population s'abandonne au jeu de hasard et des paris de la
politique de partis, ce qui ne cesse de miner LE politique du pays.

La
joute politique ne se tient plus en fonction du pouvoir du peuple,
encore moins par le peuple, et sûrement pas pour le peuple. Il
s'agit de la viabilité de ces intermédiaires présentés comme un
mal nécessaire dans le
principe de la représen-
tativité : les partis politiques. L'erreur première du Parti Québécois, préalable à toutes les autres, fut qu'une identité ethnique soit associée à un parti, car il est de nature que les partis ne changent rien. Tous les partis sont nocifs pour la société à cause du désengagement des populations. On voit la chose aux États-Unis, en France, et à peu près partout en Europe. Plus personne ne croit ni aux politiques, ni aux partis, ni aux politiciens dont très peu montrent de réelles qualités de chefs d'État. Ce sont les événements, souvent imprévus, qui obligent à changer en vue d'adapter des institutions qui ne conviennent plus au nouveau mode d'être. Les partis sont des avatars religieux, des reliquats du temps où ils étaient encore des sociétés secrètes en lutte contre des despotismes. Ce sont eux qui ont pris la place des absolutistes et s'y trouvent parfaitement bien installés. Le Parti Libéral du Québec se présentait comme le parti des libertés du temps de
l'ultramontanisme clérical. Depuis qu'il s'est assis au gouverne-
ment, au début du XXe siècle, il s'est approprié le pouvoir jusqu'à l'exercer de façon autoritaire car il ne trouve devant lui aucun principe unificateur. Le seul principe unificateur qui le dépasse, c'est l'idole mal conçue qu'est le lieutenant-gouverneur, représentant de la Reine du Canada au Québec. Jamais l'idée de Voltaire (ou d'Alain, ou de lord Acton au choix) - que le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument - ne lui effleure l'esprit. Aussi le Parti Libéral vit-il cette prétention centenaire d'être le parti des Québécois, capable de réconcilier les ethnies et les intérêts. Cette prétention est précisément celle que les Péquistes aimeraient goûter; cette tare héritée de leurs origines libérales. Comme tous les partis dans le monde, ils peuvent promettre l'indépendance ou la prospérité; le socialisme ou le communisme; le bonheur pour tous sur terre comme au Paradis : et voilà pourquoi, vivant d'espoir, les gens s'accrochent à eux. Et dans le cas où l'éducation politique est pratiquement nulle, comme parmi les Québécois, ces partis deviennent rapidement de petits despotes.

tativité : les partis politiques. L'erreur première du Parti Québécois, préalable à toutes les autres, fut qu'une identité ethnique soit associée à un parti, car il est de nature que les partis ne changent rien. Tous les partis sont nocifs pour la société à cause du désengagement des populations. On voit la chose aux États-Unis, en France, et à peu près partout en Europe. Plus personne ne croit ni aux politiques, ni aux partis, ni aux politiciens dont très peu montrent de réelles qualités de chefs d'État. Ce sont les événements, souvent imprévus, qui obligent à changer en vue d'adapter des institutions qui ne conviennent plus au nouveau mode d'être. Les partis sont des avatars religieux, des reliquats du temps où ils étaient encore des sociétés secrètes en lutte contre des despotismes. Ce sont eux qui ont pris la place des absolutistes et s'y trouvent parfaitement bien installés. Le Parti Libéral du Québec se présentait comme le parti des libertés du temps de

ment, au début du XXe siècle, il s'est approprié le pouvoir jusqu'à l'exercer de façon autoritaire car il ne trouve devant lui aucun principe unificateur. Le seul principe unificateur qui le dépasse, c'est l'idole mal conçue qu'est le lieutenant-gouverneur, représentant de la Reine du Canada au Québec. Jamais l'idée de Voltaire (ou d'Alain, ou de lord Acton au choix) - que le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument - ne lui effleure l'esprit. Aussi le Parti Libéral vit-il cette prétention centenaire d'être le parti des Québécois, capable de réconcilier les ethnies et les intérêts. Cette prétention est précisément celle que les Péquistes aimeraient goûter; cette tare héritée de leurs origines libérales. Comme tous les partis dans le monde, ils peuvent promettre l'indépendance ou la prospérité; le socialisme ou le communisme; le bonheur pour tous sur terre comme au Paradis : et voilà pourquoi, vivant d'espoir, les gens s'accrochent à eux. Et dans le cas où l'éducation politique est pratiquement nulle, comme parmi les Québécois, ces partis deviennent rapidement de petits despotes.
Mais
ils sont indispensables, car l'anarchie
telle que nous la voyons dans une grande partie du monde entraîne
souffrances inutiles et désolations. La société
québécoise n'a pas eu à lutter pour que la démocratie s'inscrive
dans ses institutions. La monarchie anglaise elle-même a
montré, depuis la Glorious Revolution de 1688,
qu'elle pouvait évoluer et un Patriote comme Papineau
n'avait qu'éloges pour le système britannique.
L'auctoritas, si elle n'est pas incarnée par un roi, le sera par un
président de la République. L'essentiel qui se dégage de cette fonction plus symbolique qu'idéologique, c'est le sens de l'unité
subjectif que ces institutions assurent à la collectivité. La couronne britannique (devenue canadienne avec la Constitution de 1982), qui est le chef d'État
du Québec dans la personne du lieutenant-gouverneur, n'a
jamais réussi à endosser le sens de l'unité des
Québécois. A priori, le chef du gouvernement ne l'incarne
pas non plus. Il n'y a donc aucune
structure supérieure en laquelle notre collectivité
peut reconnaître ce sens de l'unité, en cela réside la différence fondamentale entre le Canada et le Québec. Les Canadiens peuvent se reconnaître dans la figure du gouverneur-général, délégué de la reine au Canada, gardant son siège bien au chaud entre ses visites; mais le lieutenant-gouverneur, par son insignifiance et sa vacuité politique, renforce la fonction symbolique du Premier ministre. Elle a jadis permis à des individus comme Duplessis ou Lévesque, d'incarner cette auctoritas au-delà des intérêts paroissiaux qu'ils représentaient. Le Parti Québécois n'a cessé de jouer sur cette ambiguïté qui, à défaut de réel pouvoir, dans l'opposition par exemple, prétendre surpasser son rôle parlementaire. Nous l'avons vu à travers la citation de Fraser, lorsque Lévesque, au gouvernement, a abusé de cette ambiguïté pour bafouer et la dimension
éthique ou morale de la grève des enseignants, et les lois votées, ce qui a maintenu ouverte cette porte par laquelle ses successeurs, essentiellement Lucien Bouchard, Jean Charest et Philippe Couillard, se sont engouffrés avec l'impunité la plus scabreuse. Un Québec indépendant - et il faut reconnaître à Martine Ouellet cette maturité politique - ne s'imagine pas sans une proposition définie de l'exécutif du pays à venir, ce que Jacques Parizeau lui-même avait conscience en
formant son cabinet en 1993. Ses héritiers ne l'ont pas compris et
nous passons d'un opportuniste à l'autre depuis 20 ans. Le fait de ne pas résoudre définitivement la question constitutionnelle laisse un vide juridique plus important symboliquement dans la mesure où le sens
de l'unité des Québécois tendra de plus en plus à se déplacer vers le gouvernement fédéral, le commun
des Québécois ne distinguant pas un chef de gouvernement d'un chef
d'État. Ce sens de l'unité se dissout dans le tout canadien, tuant en lui sa spécificité culturelle et historique. L'idée
que les Québécois forment bien un peuple distinct dans l'ensemble
occidental s'efface plutôt que de se raffermir. Les Québécois prétendent de moins en moins appartenir à un Volksgeist, ramenant leur sens de l'unité à l'orientation sexuelle ou à des réseaux d'intérêts qui ne dépassent pas souvent le niveau du virtuel. Et notre extinction réside là et non dans les querelles stériles
de partis.


Il faut lire ces
textes du XIXe siècle, les mandements
des évêques ou les discours des politiciens, même les plus
patriotes, pour voir tous les mérites reconnus
et les bienfaits
de la cession de 1763 qui nous a
soustrait
aux turpitudes de la Révolution française.
Ce n'est pas la monarchie anglaise la cause des problèmes du
Bas-Canada, mais la lutte des partis
au Parlement de Londres dont le gouvernement colonial est tributaire. À son retour d'exil, Papineau
ne prônera pas l'indépendance du Bas-Canada, mais son annexion aux
États-Unis. Papineau s'adressait en anglais au Parlement du
Canada-Uni, même lorsque Lafontaine eut fait reconnaître l'usage
des deux langues officielles.
Ce qui étonna d'ailleurs le jeune Louis Fréchette qui assistait à un débat parlementaire. Le
sens de l'unité portant l'auctoritas était
investi jadis dans un ordre supérieur,
divin et monarchique. Avec la montée de la bourgeoisie occidentale, c'est la fiction du contrat social qu'elle imposa. Le régime britannique, consistant en une constitution (non écrite) passée entre les citoyens et leur gouvernement est le modèle qui s'applique au Canada : le contrat social tel qu'interprété par le philosophe Hobbes. Un siècle plus tard, le contrat social, dans la version de Jean-Jacques Rousseau,
liait les citoyens les uns aux autres d'où se dégageait la volonté populaire garantie par une constitution écrite, c'est le système français et le modèle exporté en Europe par les conquêtes napoléoniennes. Dans le contrat social hobbesien, le roi est l'incarnation du sens de l'unité de ses sujets. Il serait ainsi protégé contre l'action des intérêts particuliers, élevé au-dessus des partis; le potestas,
lui, devenant le vrai gouvernement, renvoyé au scrutin
populaire avec l'établissement de la démocratie. Voilà pourquoi un parti qui parvient
à s'identifier à l'État, comme dans le
fascisme, le nazisme
ou autres formes de totalitarisme, apparaît vite
inacceptable et anti-démo-
cratique. La fiction du contrat social n'est jamais totalement rassurée sur la légitimité de qui incarne l'unité. De l'impératif catégorique de l'État selon Kant à la monarchie britannique convertie en monarchie canadienne, Trudeau enchâssa dans la Constitution une Déclaration des droits et liberté qui, en bon catholique qu'il était, fit de Dieu le principe suprême dans lequel se ralliait le maximum des consciences de la population. On comprend que les partisans du P.Q. aient fulminé. Implicitement, c'était reconnaître à la fois le multiculturalisme (toutes les cultures ou presque reconnaissant l'existence de Dieu quel que soit le nom qu'on lui donne) et la primauté du droit individuel sur le droit collectif ou historique sur lequel se base la légitimité de l'indépendance du Québec (mais aussi les prétentions amérindiennes de posséder des territoires nationaux). Le gouvernement Lévesque fit voter une charte analogue, mais répondant aux traits spécifiques de la nation québécoise. Qu'en sera-t-il de la constitution que le think tank péquiste cogite présentement autour de Daniel Turp?


cratique. La fiction du contrat social n'est jamais totalement rassurée sur la légitimité de qui incarne l'unité. De l'impératif catégorique de l'État selon Kant à la monarchie britannique convertie en monarchie canadienne, Trudeau enchâssa dans la Constitution une Déclaration des droits et liberté qui, en bon catholique qu'il était, fit de Dieu le principe suprême dans lequel se ralliait le maximum des consciences de la population. On comprend que les partisans du P.Q. aient fulminé. Implicitement, c'était reconnaître à la fois le multiculturalisme (toutes les cultures ou presque reconnaissant l'existence de Dieu quel que soit le nom qu'on lui donne) et la primauté du droit individuel sur le droit collectif ou historique sur lequel se base la légitimité de l'indépendance du Québec (mais aussi les prétentions amérindiennes de posséder des territoires nationaux). Le gouvernement Lévesque fit voter une charte analogue, mais répondant aux traits spécifiques de la nation québécoise. Qu'en sera-t-il de la constitution que le think tank péquiste cogite présentement autour de Daniel Turp?
Certes,
bien des gens ne croient ni en Dieu
ni au Diable, ni en Couillard ni en Élizabeth II, ni en Obama et
pour les Péquistes, ni en Jean-François Lisée, mais ce ne
sont pas les individus qui décident de cela! C'est un PRINCIPE, une
transcendance à laquelle chacun accepte de se rallier par convention. Voilà pourquoi la démocratie-en-mouvement représente le mieux l'unité d'une communauté : une
identité, une distinction qui ne peut se démontrer par une
méthode scientifique ou mathématique. Une motivation psychologique,
purement subjective (croire et non savoir), permet d'adhérer à une commu-
nauté, une société, bref un tout qui se distingue des autres touts qui l'environnent. Si on ne croit pas dans cette unité du peuple québécois, qu'il existe ou non dans le réel, on ne peut adhérer à son destin qui est de s'incarner dans une structure supérieure à chacun de ses membres. Voilà pourquoi cette croyance dépasse les intérêts paroissiaux ou individuels et pourquoi le Canada n'est pas une nation, mais le résidu de l'Amérique Britannique du Nord, comme le stipulait le titre de l'acte de naissance de 1867. Simple loi votée par le Parlement de Londres et déposée dans les filières du Colonial Office. La notion de nation canadienne, une fois qu'elle se fut répandue du Québec vers le reste du Canada, fut une annexion fédérale plus qu'une convention à laquelle ce R.O.C. résista jusque dans les années soixante du XXe siècle! (Pensons au refus de la Colombie Britannique de prendre le nom de Colombie Canadienne dans ces années 1960.)

nauté, une société, bref un tout qui se distingue des autres touts qui l'environnent. Si on ne croit pas dans cette unité du peuple québécois, qu'il existe ou non dans le réel, on ne peut adhérer à son destin qui est de s'incarner dans une structure supérieure à chacun de ses membres. Voilà pourquoi cette croyance dépasse les intérêts paroissiaux ou individuels et pourquoi le Canada n'est pas une nation, mais le résidu de l'Amérique Britannique du Nord, comme le stipulait le titre de l'acte de naissance de 1867. Simple loi votée par le Parlement de Londres et déposée dans les filières du Colonial Office. La notion de nation canadienne, une fois qu'elle se fut répandue du Québec vers le reste du Canada, fut une annexion fédérale plus qu'une convention à laquelle ce R.O.C. résista jusque dans les années soixante du XXe siècle! (Pensons au refus de la Colombie Britannique de prendre le nom de Colombie Canadienne dans ces années 1960.)
Dans
le cas du Québec, la foi nationaliste est le résultat du
déplacement de la foi catholique vers la nation
sans qu'on ait jamais pensé définir cette nation au-delà de ses
traits ethniques. Sieyès ou Mirabeau, en 1789,
pouvaient définir la nation
sur la base de tous ceux qui produisent à l'intérieur et
contribuent à enrichir le royaume. On y voyait surtout les
bourgeois, les cultivateurs libres, les propriétaires et ceux qui
étaient sous leur dépendance (ouvriers et employés). La nation
française ne se définissait pas par des structures ethniques ou
linguistiques et on pouvait appeler l'empire napoléonien la Grande
Nation, défendue par la Grande Armée, qui regroupait des soldats provenant
de toutes les régions d'Europe... Mais le clergé ultramontain et
nationaliste du Québec de la fin du XIXe siècle a préparé la voie
à la transition qui s'est opérée avec la Révolution tranquille.
La nation québécoise est-elle ethnique ou non? Elle le fut dans
la mesure où la religion cédant ses privilèges institutionnels, la
langue resta seule la garantie de son identité, d'où la vigueur des débats et des manifestations en faveur de la protection de l'usage courant de la langue française au Québec entre
les années 1960 et la fin des années 1980. La défaite référendaire
de 1995 a coïncidé avec l'anglicisation progressive de la planète
due à l'étendue de la toile électronique. On discute sur le WEB
essentiellement en
anglais. Les publications savantes et même
littéraires sont favorisées par le marché qui est essentiellement
anglophone et multinational. Les Québécois instruits ne cessent de
vanter la magie de la langue anglaise dans les affaires, les sciences
et les techniques, voire dans les arts et la littérature, le cinéma,
la dramaturgie. Faire carrière à New York ou à Hollywood est devenu
facilement accessible aux réalisateurs québécois. Et les
universitaires maîtrisent mieux l'anglais écrit et parlé qu'ils ne
saisissent le français. Un des Pères de la Confédération,
l'Irlandais Thomas d'Arcy McGee (qui tomba sous la balle d'un assassin le 7 avril 1868) avait bien saisi la corde sensible des Québécois
de l'époque : «La langue est pour eux
un point d'honneur et le levier du pouvoir. Aussi longtemps qu'ils la
conservent, ils sont inconquis. Si leurs enfants cessent de la
parler, ce sera une perte encore plus grande que celle de Montcalm» (cité in G. Fraser. p. 113).
L'observation de D'Arcy McGee est importante car, en tant qu'Irlandais,
lui-même avait lutté dans sa jeunesse contre l'imperium britannique et pour l'indépendance de
l'Irlande. C'est un indépendantiste irlandais d'ailleurs, Patrick Whelan, le considérant comme traître à sa patrie irlandaise, qui le tua. Les
Irlandais avaient choisi de sacrifier leur langue pour se rabattre
sur la religion catholique. Les Canadiens Français demeuraient accrochés à leur Église, certes, mais bien davantage à leur langue, choix que la Révolution tranquille confirma. Or, nous en sommes précisément à ce moment
prophétisé par McGee du laisser-aller de la langue française, surtout
dans la métropole du Québec qu'est Montréal, ce qui, selon la métaphore même de McGee, devrait sonner l'heure de la
conquête définitive et irréversible.


La
crise identitaire des Québécois, telle que nous la percevons à
travers des manifestations disproportionnées vis-à-vis les signes
«ostentatoires» des cultures musulmanes et l'islamophobie qui s'installe
parmi la population, surtout en région, est un dérivatif sur lequel Libéraux, Caquistes et
Péquistes s'entendent, car elle cache ce moment d'Arcy McGee que, politique-
ment, aucun parti ne veut assumer. Ouvrir la question de la langue au Québec devient synonyme d'ouvrir la boîte de Pandore. Même durant le court laps de temps où le gouvernement Marois était à la barre de l'État, ce gouvernement souverainiste glissa vers la Charte des valeurs avec l'obsession (légitime) de l'égalité homme/femme. Or cette égalité est moins structurante de l'identité québécoise (en fait, elle ne l'est pas du tout) que la question de la vivacité de la langue française comme trait caractéristique des Québécois en tant que peuple tenu par un sens de l'unité. Les gouvernements libéraux de Charest et Couillard laissent dériver l'application des mesures de la
loi 101 à la grande satisfaction
d'une partie des commerçants et des industriels. L'arrogance
avec laquelle certains commerçants de Montréal refusent le service
en français devient injurieux, voire intolérable. Et au moment
où s'achève cette course stérile à la chefferie du Parti
Québécois, les journaux révèlent que 53% des étudiants qui
franchissent le secondaire ou obtiennent des diplômes du CEGEP sont
des analphabètes fonctionnels. Il aura fallu moins de trente ans pour
abaisser la garde et permettre ce que les lointains ancêtres, avec
leur latin prétentieux, n'avaient permis. À quoi sert alors une stratégie référendaire si, de toutes façons, nous nous acheminons
volontairement vers la mort? Un affrontement Trudeau-Lisée sur les Plaines d'Abraham complèterait le sort tiré le 13 septembre 1759. Telle est l'aboutissement de cette tare
nationale de l'auto-destruction et l'impossible sens
de l'unité identitaire des
Québécois devant le reste du monde. Du moins aura-t-on les figures de styles onctueuses de MM. Couillard et Lisée pour prononcer l'oraison funèbre et un chœur cacophonique qui entamera le Te Deum multiculturel⌛

ment, aucun parti ne veut assumer. Ouvrir la question de la langue au Québec devient synonyme d'ouvrir la boîte de Pandore. Même durant le court laps de temps où le gouvernement Marois était à la barre de l'État, ce gouvernement souverainiste glissa vers la Charte des valeurs avec l'obsession (légitime) de l'égalité homme/femme. Or cette égalité est moins structurante de l'identité québécoise (en fait, elle ne l'est pas du tout) que la question de la vivacité de la langue française comme trait caractéristique des Québécois en tant que peuple tenu par un sens de l'unité. Les gouvernements libéraux de Charest et Couillard laissent dériver l'application des mesures de la

Montréal
12 octobre 2016
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