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Le ministre de l'Éducation du Québec, Sébastien Proulx, avec le Premier ministre Couillard et le Lieutenant-Gouverneur |
LES RAPACES PÉRIRONT
AVEC LEURS CHAROGNES
Au Québec, il y
a, mettons, quarante ans, on disputait l'interprétation de l'Histoire entre la vision fédéraliste (Arthur Maheux) et la vision nationaliste (Lionel Groulx). Cette dernière l'a emportée durant tout le XXe siècle.
Maintenant, on dispute entre l'histoire nationale et l'histoire
citoyenne. Plus que des changements d'étiquettes, il s'agit d'une confrontation nouvelle due aux mutations qui touchèrent la Belle Province au cours du dernier demi-siècle.
Je veux bien qu'on dise
que le fait de ne pas mettre un nouveau programme d'enseignement de
l'histoire du Québec centré sur la nation québécoise relève d'un coup du
fédéralisme canadien des Libéraux du Québec; qu'on parle de leur volonté de faire
oublier certains épisodes litigieux de l'histoire nationale; d'encourager l'assimilation
canadienne; angliciser mieux que franciser les élèves, mais j'ose
encore espérer en l'honnêteté de la vocation des enseignants sur
le terrain, car qu'importe le parti au pouvoir, ils ont toujours le dernier mot en première ligne. Ce sont eux qui, en définitive, vont faire en sorte que
l'histoire nationale puisse survivre ou non. Ils sont à l'avant-poste chargé de faire triompher la mémoire et la
critique sur la propagande et l'ignorance. Faire aimer l'Histoire ne
se traduit pas en termes pédagogiques - faire aimer l'Histoire s'impose par
l'enthousiasme.
Tant qu'à l'histoire-citoyenne et à la formule tautologique du nous inclusif que véhiculait Pauline Marois lorsque
le Parti Québécois proposa la réforme de cet enseignement durant le court mandat d'un an qu'il fut au pouvoir (2012-2013), il faut
les analyser sous un autre angle. Le ministre de l'Éducation de la province, Sébastien Proulx, préfère pour sa part reprendre l'esprit du gouvernement Charest qui persiste depuis plus de dix ans. Celle-ci est en parfaite symbiose avec ce qui se passe ailleurs - en France, notamment, depuis le virage à droite sous les socialistes de François... Mitterrand. Cette histoire, qui se répand dans
plusieurs pays, vise plusieurs objectifs dont a) l'intégration des
immigrants en leur donnant l'impression qu'ils ont déjà participé
à une histoire dans laquelle ils viennent de mettre les pieds; b) contre l'histoire axée sur la violence, les guerres et les
révolutions perçues comme histoire négative, lui préférer une
histoire positive de collaboration, de paix et de contributions
partagées; c) extraire le tragique de l'Histoire pour en limiter les
perceptions aux actions humanitaires et pacifistes.
a) L'intégration des
immigrants en leur donnant l'impression qu'ils ont déjà participé
à une histoire dans laquelle ils viennent de mettre les pieds.
Les pédagogues libéraux
n'oublient pas que la mission traditionnelle de l'enseignement de
l'histoire est le développement de la mnémotechnie. Date,
événement, personnage, situation globale. Ce qu'ils semblent
oublier, c'est l'aspect culturel que cet exercice de mémorisation entraîne. C'est dans la narration que se transmet
l'empathie ou l'antipathie pour une Histoire. L'enseignement de
l'histoire américaine est fortement empathique, elle sait, par des
moyens behavioristes sans doute, faire entrer le sentiment
d'appartenance à une
histoire commune à des gens de communautés
ethniques différentes, à des régionalismes jadis opposés de
manières à ouvrir sur la guerre civile, à des gens sévèrement
opposés également sur des aspects particuliers du «vivre-ensemble»
américain. Mais partout, dans toutes les écoles des États-Unis, au
commencement de la journée, les enfants mettent leur main droite sur le cœur et entonnent l'hymne national patriotique. Exercice de mon enfance qui se ramenait, une fois par semaine, le vendredi
après-midi, lorsque le directeur Bruno Choquette nous faisait mettre
en rang dans le gymnase de l'École Forget pour nous donner le la, lui qui
était baryton, du Ô Canada, avant de retourner dans nos
classes. On peut certes critiquer le type d'enseignement offert aux
enfants dans les écoles américaines. Ce n'est sûrement pas la
version d'Howard Zinn qui est enseignée, mais le fait de connaître
l'histoire nationale américaine leur permettra, si la curiosité les
pousse, à aborder la version d'Howard Zinn quand ils seront mieux à
même de critiquer l'idéologie de l'enseignement qu'ils
auront reçu.





Il est douteux toutefois que le présentisme libéral opère de façon aussi magique. Le
passé étant garant de l'avenir... et du présent, les groupes
d'immigrants syriens ou africains provenant des lieux où se livrent
des activités terroristes ne sont pas davantage assimilables à une
histoire qui leur restera pour au moins deux générations
complètement étrangère, voire inexistante, et les gouvernements,
qui ne sont pas reconnus pour être des œuvres de bienfaisance, reviendront rapidement à leur paranoïa instinctive
si jamais ils sentent leur pouvoir leur échapper des mains face à
l'intégration de ces nouveaux arrivants. De part et d'autre, chaque
groupe est assis sur une mine qui pourrait (mais qui, également,
pourrait ne pas) exploser.
Quoi
qu'il en soit, il est difficile pour eux de recevoir cette empathie
d'une
histoire du Québec que les Libéraux voudraient voir
conciliante, coopérative, inclusive. L'empathie n'est jamais gratuite, elle se mérite par des actions d'éclats ou la seule morale consiste à s'élever par des efforts surhumains. Par contre, l'enseignement
traditionnel de l'histoire nationale n'a pas trop à se féliciter
non plus. Combien d'enseignants ont véhiculé une histoire donnée
essentiellement de manière pathétique, surtout pour la période après le Régime français, et forgée sur l'antagonisme
fédéral/provincial? Les gestes qui captivent ordinairement les enfants – ces
gestes merveilleux, épiques, généreux, courageux propres aux
contes de fées – sont disparus avec le régime Français et sont remplacés par des débats logorrhéiques entre députés. Les
personnages combatifs qui sont présentés comme des modèles de cette période : les
Patriotes de 37-38, Riel, les combattants des deux Guerres, René
Lévesque, etc. sont marqués par des défaites sans retour. Rien de
la trépidante histoire européenne, ni des innovations marquantes de
l'histoire américaine. À côté de Watt, de Volta ou d'Edison,
J.-Armand Bombardier fait piètre figure; les Rothschild
ne sont pas les Big Five de la Banque de Montréal et encore moins
Alphonse Desjardins. Si comparaison n'est pas
raison et chaque Histoire irréductible à elle-même, l'histoire racontée à la
maison finira par faire toute la différence, et provenant de pays où
les mythistoires sont plus spectaculaires que les nôtres, il est
impossible d'éviter la dépréciations de notre Histoire. Matière
scolaire ennuyeuse, offrant peu de débouchés sur le marché du
travail, concession des milieux d'affaires aux caprices des
gouvernements qui conservent un brin de sens moral et culturel au point que les deux derniers gouvernements se sont crus obligés de justifier sa permanence en y associant the making of citizenship. Le
programme d'enseignement d'histoire, entériné par les libéraux, est lui-même un échec parce que tout
simplement inefficace. Il porte en lui-même sa propre abolition et,
avec lui, la discipline entière.


b) contre l'histoire axée sur la violence, les guerres et les
révolutions perçues comme histoire négative, lui préférer une
histoire positive de collaboration, de paix et de contributions
partagées.
Les
fédéralistes libéraux du Québec savent très bien que l'histoire
du Canada, dans son ensemble, est parsemée d'affrontements que les
générations ont tenu à dissimuler sous le tapis. Le cas des discours
laudateurs adressés aux Premières Nations entretient plus qu'il ne dissipe un sentiment de culpabilité. La propagande
d'Ottawa, depuis longtemps, cherchait à montrer que la volonté
génocidaire des autochtones manifestée par les voisins Américains
ne trouvaient pas de correspondants au nord du 49e parallèle. On
racontait comment Sitting Bull, fuyant aux lendemains du massacre de
la troupe de Custer à Little Big Horn (1876), avait trouvé asile
dans les Prairies Canadiennes sous la protection de la Police montée
du Nord-Ouest. On rappelait, dans les minutes du Patrimoine, comment
le major Walsh, dans la région de Cypress Hills, rencontra le
général Terry, supérieur de Custer et autres représentants
américains pour leur interdire de pourchasser les Sioux en terres
canadiennes. Ce pétage de bretelles s'est arrêté avec la
p
ublication du livre de James Daschuk qui, documents à l'appui,
montre la volonté manifeste du Premier ministre MacDonald d'en finir
avec les autochtones par tous les moyens, y compris les famines
organisées (Staline ne fut donc pas le premier à avoir cette géniale idée!) (J. Daschuk. La destruction des Indiens des Plaines, Québec,
P.U.L., 2015). Le
livre noir du Canada anglais ne
concerne donc pas uniquement les Québécois et les francophones. Le
mythistoire canadien-anglais se fissure et les cabotinages de Justin
Trudeau et de Sophie Grégoire ne suffisent pas à effacer la fausseté d'un pacte économique qu'on a toujours voulu transformer
en nation identitaire. L'Histoire du Canada n'échappe donc pas à la
violence, à l'injustice, à l'ignominie de ses dirigeants et de ses
gouvernements. Ses guerres n'ont pas toutes été, comme essaya de
nous en convaincre les efforts du gouvernement Harper, en vue de
défendre le Canada contre des (un) envahisseur(s) étranger(s). Ce
n'est pas par intérêt démocratique qu'on y envoya, par deux fois,
des Canadiens se faire tuer en Europe (Oublie-t-on que MacKenzie King avait eu l'insigne honneur de rencontrer le Führer Adolf Hitler et
était revenu enchanté de sa rencontre?) King, comme Borden avant lui,
entrèrent dans la guerre par le vieux pacte défensif victorien qui
voulait que lorsque la métropole était en danger, toutes ses
colonies l'étaient pareillement. Cet odieux monument aux victimes du communisme, fleuron malodorant du gouvernement Harper et auquel les Libéraux ont donné leur accréditation, est un autre gaspillage des fonds
publics en vue de satisfaire à un désir de culpabilité qui ne nous concerne pas davantage que le monument érigé aux victimes de la Shoah, également érigé à Ottawa. Qu'avons-nous fait pour libérer les Juifs des camps de la mort ou les victimes du communisme lorsque la famille Mini-Pet joue à la nouvelle famille von Trapp, se baladant sur la Muraille multimillénaire et se refuse d'aborder du litigieux cas du couple Garratt accusé d'espionnage et détenu en Chine? La vérité des gouvernements occidentaux face aux injustices flagrantes : les affaires avant les droits de l'homme. Y a-t-il si peu à se souvenir au Canada pour que sa capitale contienne tant de monuments anachroniques qui ne concernent pas l'histoire du pays? Tout n'est que mythologie
hypocrite inventée a
posteriori et que l'on essaie d'inculquer à notre conscience. La
hantise de la violence est un aspect paranoïaque de la classe
bourgeoise, celle-ci étant née dans la violence déchaînée contre la classe féodale au
temps des révolutions. Aussi, de positive (quand elle est utilisée par la bourgeoisie, la classe de l'ordre), la violence devient-elle négative lorsqu'elle concerne d'autres groupes sociaux (les cultivateurs patriotes, les ouvriers surexploités, les militants de tous genres). Quiconque use de la violence déroge à
l'autorité, une autorité non désintéressée. Et, par le fait même, sème le désordre
dans l'ensemble du corps social.




«L’Histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution, et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines.
L’Histoire justifie ce que l’on veut. Elle n’enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout, et donne des exemples de tout.
Que de livres furent écrits qui se nommaient : La Leçon de Ceci, Les Enseignements de Cela ! ... Rien de plus ridicule à lire après les événements qui ont suivi les événements que ces livres interprétaient dans le sens de l’avenir.
Dans l’état actuel du monde, le danger de se laisser séduire à l’Histoire est plus grand que jamais il ne fut.
Les phénomènes politiques de notre époque s’accompagnent et se compliquent d’un changement d’échelle sans exemple, ou plutôt d’un changement d’ordre des choses. Le monde auquel nous commençons d’appartenir, hommes et nations, n’est pas une figure semblable du monde qui nous était familier. Le système des causes qui commande le sort de chacun de nous, s’étendant désormais à la totalité du globe, le fait résonner tout entier à chaque ébranlement ; il n’y a plus de questions locales, il n’y a plus de questions finies pour être finies sur un point».
C'est à peu près ce qu'en pensent nos actuels néo-libéraux déjà obsolètes malgré leur répugnance à avouer
leur erreur d'orientation socio-économique. Valéry aurait dû ajouter le déni comme sous-produit subversif de la connaissance historique. Qu'importe! L'histoire nationaliste empathique ou antipathique, est un récit qui insiste sur les violences (les conquêtes), les guerres (de Champlain aux Plaines d'Abraham essentiellement), les révolutions (les Troubles de 37-38, les révoltes métisses menées par Riel, les grandes grèves sous Taschereau et Duplessis, la crise d'Octobre). Le déni de la violence contenue potentiellement dans le peuple québécois doit s'accorder avec celui de la violence contenue potentiellement dans le reste du Canada. L'ombre de la guerre civile pourrait émerger à tout instant d'une histoire trop nationale du Québec. D'où l'antidote d'une histoire canadienne axée sur l'importance de l'individu mais aussi sur la collaboration entre ces mêmes individus qui donne l'essence canadienne. Ce que fait la propagande géniale des selfies de Justin Trudeau avec tous les Canadiens qui l'abordent, le sourire fendue d'une oreille à l'autre. Mais l'apparente solidité du Canada repose
sur des fondements aux incertitudes inouïes. De même, comme en 1970, un attentat terroriste pourrait allumer l'incendie et présenter à la face du monde un aspect incongrue du Canada. On se souvient du traumatisme de la crise d'Oka, qui s'est répandu comme une traînée de poudre dans le monde entier : les Québécois étaient soudainement devenus violents parce qu'ils avaient fait une puck à une squaw en lui serrant le bras un peu trop fort. Or, ce vilain bleu, il avait tout de même été le résultat d'une application trop sévère des doigts mignons d'un soldat canadien. Le seul mort issu de cette crise fut un policier de la Sûreté du Québec. Même l'ONU avait envoyé des représentants sur place pour dénoncer le manque de respect de la culture autochtone par les québécois alors que les autochtones d'Amérique du Sud et d'Asie du Sud-Est étaient mitraillés à qui mieux mieux par leurs dictateurs fous! L'hypocrisie, comme l'air, est sans frontière et partout elle pue la béatitude. En attendant, les seuls terroristes abattus par la police lancent des Allahu akbar, ce qui, au lieu de gêner la propagande fédéraliste, la favorise pleinement.


Voilà pourquoi les Libéraux veulent inverser la vieille histoire nationale pour en faire une histoire multiculturelle individualisée, à la manière dont elle est conçue dans le reste du Canada anglais. C'est-à-dire une histoire du Québec où chaque Québécois incarnerait le sens de l'Histoire à l'extérieur même du sentiment d'appartenance organique à une catégorie particulière, comme le voulait Pierre Elliott Trudeau. Ainsi, les vedettes et les sportifs prennent-ils la place des héros de jadis et accomplissent-ils régulièrement des gestes qualifiés d'historiques par des commentateurs intoxiqués de statistiques : Celine Dion, Patrick Roy, Denis Villeneuve, Guy Laliberté, Eugenie Bouchard et autres sont de nouveaux modèles de héros québécois car ils ont accompli leurs rêves, ont travaillé à l'étranger, sont devenus riches, voire millionnaires. Ils remplacent nos
Champlain, nos Maisonneuve, nos d'Iberville, nos Montcalm, nos Patriotes, bref, tous nos vaincus de jadis. Ces nouveaux héros sont des vainqueurs car ils ont atteint leur but. Ils font rêver les individus sans qualité. Et puis, ce ne sont plus des héros organiques (i.e. ayant fonctions psychologique et sociale liées à l'ensemble de la communauté), mais des héros mécaniques (i.e. ayant fonctions psychologique et sociale d'isoler les individus sur leurs ambitions propres et une reconnaissance médiatique). Dans les deux cas, nous ne sommes pas dans l'Histoire, mais dans le mythistoire. Les réseaux d'information, tenus pour «historiographes» de la démocratie libérale cherchent le moindre individu pour en faire un nouveau Terry Fox ou de nouvelles jumelles Dionne; les politiciens ont quitté leurs officines d'avocats et de juges pour faire les mariolles à Tout le monde en parle ou autre quiz populaire. Depuis le Soldat Inconnu, il n'y a pas que le Mal qui ait sombré dans la banalité, les héros aussi.

Il est donc fondamental que les cours libéraux d'histoire désamorcent tous raisonnements ouvrant sur la violence, la guerre et les révoltes. Il faut refouler de la
connaissance historique ces facteurs : les guerres sous le Régime français étaient entre la France et l'Angleterre et ne concernaient en rien les Canadiens : c'était la rengaine de Laurier LaPierre. Les luttes entre le pouvoir colonial et l'Assemblée législative sont des débats politiques et non des combats de société. Les Troubles de 37-38 ont été animés par l'agressivité de certains extrémistes (Chénier, Côté, Girod) qui ont dépassé la volonté légale de Papineau, ses amis La Fontaine et Cartier ayant ultérieurement contribué positivement à l'Union et à la Confédération. Mercier, Laurier ont été des rouges repentants. Henri Bourassa et Honoré Beaugrand se sont métamorphosés en stations de métro, tout comme Lionel Groulx et Octave Crémazie. Toute situation
conflictuelle doit être minimisée dans la leçon libérale de l'histoire. Les luttes récentes entre Libéraux et Nationalistes sont de bonne guerre en démocratie puisqu'il s'agit d'une lutte qui concerne uniquement le potestas, c'est-à-dire la gouvernance de la société, et non l'auctoritas, la structure même de l'État et du régime politique. C'est pour n'avoir pas su élever le débat national du potestas à l'auctoritas aussi que le rêve nationaliste s'étiole en cette ère de consensus médiocres. Tous les partis politiques ont donc contribué à cet effondrement de l'enseignement de l'histoire au Québec tant l'Histoire du Québec, incapable de s'inscrire dans l'Histoire de l'humanité est dissoute par elle. Lorsque la charte des valeurs québécoises de 2013 s'est contentée d'énumérer comme valeurs québécoises des valeurs de portées occidentales, le couvert se refermait sur le cercueil.


La collaboration, la paix (sociale) et les contributions partagées forment une nouvelle philosophie de l'histoire
défendue par les théoriciens du multiculturalisme. La collaboration est certes une vertu, mais elle ne l'est plus lorsqu'il s'agit de faire oublier les antagonismes sociaux. Car cette vision oblitère les réalités sociales, les groupements sociaux (classes, castes, corporations, etc.), les inégalités de statuts dans la société (j'en appelle ici à Weber et Pareto), les gouffres qui séparent les revenus entre la majorité des citoyens et la minorité dominante dont les intérêts sont diamétralement opposés dans les cadres d'une société capitaliste. La collaboration, devenue un concept vide de toute substance, s'élève comme une morale suspendue au-dessus des compétitions et des rivalités qui sont la base de la dynamique du système économique. Déjà là, l'enseignement est biaisé. La collaboration mythique repose sur une vision de l'esprit comme la démocratie électorale, et laisse libre cours aux jeux du marché et des traités inégaux de libre-échange signés entre participants de forces inégales.

D'où le besoin de dispenser un enseignement qui valorise la paix sociale. À ce compte, les Rébellion, qu'ils
aient eu lieu au Bas ou Haut-Canada ou dans les provinces de l'Ouest; qu'ils eussent été des conflits nationaux ou sociaux, ethniques ou politiques, il ne faut pas trop insister. Reconnaître des erreurs commises par le passé, mais toujours rattrapées par la bonne volonté et les intentions sincères des acteurs historiques (sur le point de l'expiation, nous reviendrons plus loin). Riel sera réhabilité; les Patriotes auront leur jour de fête au Québec (mais pas en Ontario); on fumera des calumets comme au temps de la Grande Paix de Montréal (1701); on s'exhibera, comme Trudeau père et fils, dans des cérémonies exotiques de religions, de sectes ou de traditions de minorités néo-canadiennes. Cette histoire remplie de bons sentiments rivalise avec celle des mauvais sentiments des nationalistes québécois pour qui chaque page de l'histoire du Québec s'achève par la même leçon d'humiliation : c'est comme ça qu'on s'est faite fourrer.

Voilà pourquoi, dernier point mais essentiel pour l'idéologie du «vivre-ensemble» dans le contexte de la collaboration individuelle (et de la collaboration de classes, comme les syndicats nous l'enseignent si bien depuis qu'ils dirigent des fonds de solidarité
patroneux), l'Histoire du Québec est le produit du côte à côte. Autochtones et Français dans l'établissement du commerce de «l'Empire du Saint-Laurent»; dans la défense contre les Anglais puis contre les Américains (de Frontenac à Salaberry); côte à côte avec Écossais et Anglais dans la construction du premier Parlement occidental hors d'Angleterre (1791) où les députés firent siéger un juif à l'Assemblée législative, puis dans l'industrialisation du Québec; côte à côte avec les Irlandais dans la construction du Pont Victoria et au creusage du canal de Lachine; côte à côte avec nos frères d'armes de toute le Canada à Courcelette ou à Dieppe, à Vimy comme au Monte-Cassino; côte à côte dans les missions des Casques bleus de l'ONU en Bosnie ou au Rwanda ou dans la guerre en Afghanistan. Côte à côte maintenant avec tous les migrants venus des quatre coins du monde en tant qu'individus libres ou indépendants, concevant leur «vivre-ensemble» selon la façon qu'ils doivent le comprendre... puisqu'ils sont venus au Canada, dit-on, pour y faire une meilleure vie... Tout cela est dit avec le plus grand des sérieux, oubliant, comme on le sait, que les principes des droits de la personne n'empêchent pas Justin Trudeau de vendre des canons à l'Arabie Saoudite, qui les refilera aux Salafistes de l'État islamique; ni Philippe Couillard de traiter avec des gouvernements qui détiennent prisonniers des citoyens québécois sans se sentir obligé de donner la moindre justification en tant que petit potentat de la province. De Duplessis à Couillard, la ligne est droite dans tous les domaines : gouvernance, économie, déficit culturel.

c) extraire le tragique de l'Histoire pour en limiter les perceptions aux actions humanitaires et pacifistes.
L'Histoire
ne doit plus être considérée comme tragique. Certes, on n'ira
pas jusqu'à en faire une comédie, ce qui
reviendrait au même tant toute comédie possède sa part de
tragique. Mais plutôt qu'aux animosités qui motivent les individus,
tant du passé que du présent, il vaut mieux montrer le bon côté
de l'humanité. Bref, les cours poursuivent la morale de garderie de bien-pensants qui
croient qu'à la bonté, l'homme raisonnable répondra toujours par la
bonté. À la violence, aux guerres et aux révoltes, il faut
soulever les actions humanitaires et pacifistes en même temps qu'il
faut blâmer les actes répréhensibles du passé. Au «maudit sauvage»,
on parlera aux élèves pendant des heures de la façon dont les petits indiens ont été séquestrés dans des pensionnats autochtones
tenus par des missionnaires pédophiles
et abuseurs qui ont déculturé les Cris, les Hurons, les Pieds
Noirs et autres victimes dont la réconciliation papale d'Ottawa
impose la juste rétribution. Bien sûr, on ne peut nier ces horreurs
du passé, mais est-ce à nos enfants de les expier pendant des heures de
cours comme si nos rapports métissés avec l'autochtone se
limitaient à ces seules monstruosités? Où est le temps où l'un
des plus grands poème de langue anglaise du Canada, Brébeuf and his bretheren, de E. J. Pratt (1940) célébrait les
martyrs jésuites de la Huronnie en Ontario? L'expiation doit-elle se
faire au prix de dissimuler ce que cet apport occidental n'avait pas que du pire? Pourtant, la réconciliation devrait être faite à ce prix,
et personne ne voit que la collaboration dans l'histoire se ramène à une contradiction des plus élémentaires. On est pas côte à côte avec celui sur lequel on crache. On
doit donc expier nos fautes du passé. Contrairement à René Lévesque,
qui voulait qu'on arrête de s'excuser d'exister, la nouvelle
histoire libérale doit enseigner tous les torts qu'on a pu faire subir à qui que ce soit... sauf à nous-mêmes.


Il en va ainsi des torts subis par les femmes qui n'ont pas été traitées avec égalité par les hommes. Bien entendue, il s'agit ici de satisfaire à la démagogie féministe qui aime


N'oublions
pas les gens de couleurs, les Noirs. Depuis qu'un mois de l'année
(février) est consacrée à
l'Histoire des Noirs on a jamais autant
entendu parler de l'esclavage en Nouvelle-France. Un raper connu se permet même d'enseigner cette histoire sur des rimes morales. La chose pourtant n'était
pas oubliée. On connaissait depuis longtemps le fameux tableau de
François Beaucourt, Portrait d'une femme haïtienne,
de 1786. La thèse sur l'esclavage en Nouvelle-France de Marcel
Trudel date des années 1960, où il les désignait encore de ce
mot, nègre,
qui fut biffé dans la récente édition de poche. Les Québécois
doivent-ils donc se considérer comme ayant été des esclavagistes?
Dans le contexte du mercantilisme et du commerce triangulaire régis
par le Roi, il n'est rien de plus banal que de retrouver des Antillais en Nouvelle-France, mais ils n'étaient pas employés sur
des fermes. C'étaient essentiellement des domestiques ou des gens
rattachés à la navigation. Donc, rien à voir avec les plantations du Sud
des États-Unis ou des territoires d'Amérique latine. Les Noirs qui
arrivèrent après la Conquête le furent, de même, par le commerce
maritime et lorsque les campagnes d'émancipation de Wilberforce
(1833) parvinrent à un acte du Parlement abolissant l'esclavage, le Canada devint le terminus du chemin de fer souterrain qui
drainait les
esclaves américains en fuite. D'ailleurs, la Noire de
service de cette historiographie libérale est la servante
Marie-Josèphe-Angélique qui, en mettant le feu à la maison de sa
maîtresse, fit brûler une partie de la ville de Montréal en avril
1734. Torturée, jugée, condamnée, elle fut exécutée en place
publique. Quelques esclaves ne font pas un système esclavagiste, et
encore moins un mode de production basée sur la servilité et la
ségrégation raciale. De plus, les Noirs qui sont arrivés au Québec
depuis la Seconde Guerre mondiale n'ont aucun lien de filiation avec
ces premiers esclaves qui généralement mouraient des hivers
rigoureux et des maladies locales. En 1969, alors que les Haïtiens
étaient peu nombreux au Québec, à notre école
Notre-Dame-de-Lourdes d'Iberville, il y avait une institutrice de
géographie à temps partiel qui venait faire la classe. Nous la
regardions, non sans étonnement, mais sans grimaces racistes. Bien
au contraire, tout le monde aurait voulu l'avoir, ne serait-ce que
par expérience. Tous les Haïtiens qui vinrent au Québec ne furent
pas toujours accueillis avec la même courtoisie et c'est dommage. Le
furent-ils mieux ailleurs? Qu'aurions-nous donc tant à expier?


L'expiation
agit comme une auto-mutilation que le programme d'histoire
libérale affûte depuis quelques années. Elle vise sans doute à
modérer l'enthousiasme d'une fierté reposant déjà sur peu de
choses. Son but essentiel est de prévenir le retour des anciens
péchés du Québec nationaliste du premier XXe siècle.
L'antisémitisme, l'antiféminisme ou toutes autres formes
discriminatoires ayant joué un rôle important ou peu important dans
le passé, doivent être sinon extirpés, du moins conservés comme
mémoire honteuse. On n'insistera pas sur le quota juif des
dirigeants anglophones de l'Université McGill, mais on rappellera
sempiternellement les campagnes antisémites de Lionel Groulx, comme
on aura rappelé sous le régime français l'exécution barbare
d'Angélique, et comme on battra notre culpe pour les enfants-martyrs des
pensionnats autochtones catholiques. Les campagnes actuelles contre les us et coutumes
musulmanes pratiqués par les nouveaux arrivants déplaisent
joyeusement au gouvernement libéral, car d'un côté, cela confirme
l'intolérance structurelle du nationalisme québécois et draine
vers le vote libéral le futur électorat de ces nouveaux citoyens.
La manipulation électoraliste du «vive-ensemble» québécois suppose une tare de la société d'accueil et cette
tare est quotidiennement confirmée par les média, les déclarations
tonitruantes des citoyens les moins subtils et les
discours sirupeux jusqu'à l'écœurement des Trudeau et Couillard qui pissent le cosmopolitisme comme deux érables au printemps.

COMME
SOUS L'OCCUPATION...
Les
Québécois, subvertis par le Parti Libéral aux intentions douteuses
et à l'éthique plus que laxiste comme par les lâchetés des
nationalistes qui sacrifient le principe de la nation au principe de
la démocratie, doivent se sentir comme les Résistants européens
sous l'Occupation nazie. Ils ne peuvent que créer des actions
parallèles qui échappent à la dictature du consensus castrateur
propre à toute idéologie dominante. L'enseignement qui doit être
dispensé afin de maintenir un rapport de force dans l'imaginaire
historien des
jeunes Québécois doit ressembler à l'enseignement
que les Irlandais ou les Polonais donnaient à leurs enfants sous la
domination de la Grande-Bretagne ou de la Russie et de l'Union
soviétique. Les livres existent là où des tableaux électroniques
et des jouets pédagogiques, immatures d'esprit, amputent l'intelligence pour
la subordonner à des réactions conditionnées propres à des
émotions d'enfants. Entre plusieurs mythistoires, l'idéal serait
d'accéder à une certaine vérité objective qui s'appuie aussi bien
sur la réalité et l'importance historique de la violence, de la
guerre et des révoltes, aussi bien que sur l'importance de la
collaboration, du goût pour la paix sociale et de la coopération
partagée. D'une histoire nationale maladroitement négative à une
histoire des Québécois onctueusement positive, nous balançons
entre deux extrêmes : l'appartenance organique à la nation et
le processus d'isolisme sadien associé au multiculturalisme. Dans une société de consommation soumise au Divin Marché, l'enfermement des individus dans leurs bulles psychotiques dissout d'une force corrosive les anciens liens qui pouvaient unir la communauté francophone d'Amérique.

a)
L'intégration des immigrants passe par la distinction entre une
histoire qui est la leur et non pas la nôtre et notre histoire qui
n'est pas encore la leur mais qui le deviendra au cours de leur vie.

Bien
qu'immigrants de plusieurs générations, il n'est pas étonnant de
retrouver des noms d'origine italienne comme Ferretti et Corbo parmi
les chauds partisans de l'indépendance du Québec. Ces familles
installées ici depuis plusieurs générations ne sont pas dépourvues
de la connaissance de leur passé italien. La difficile unification
contre les intérêts étrangers d'envahisseurs de la péninsule; la
nécessité de s'affranchir; l'importance de la culture commune face
à l'unité impossible; l'héritage historique, enfin le processus
mi-politique, mi-
révolutionnaire qui a accouché de l'unité italienne toujours à reconsidérer se sont perpétués, voire métissés avec un enseignement de l'histoire nationale québécoise encore plus radicalement nationaliste que celle pratiquée depuis 1960 : je parle de la théologie de l'histoire groulxienne. Cesser de vanter l'histoire du Québec comme exceptionnelle, fantastique, hors du commun. Une conscience historique ne se tisse pas sur le repli et l'isolement, même narcissique. Michelet, à qui on ne peut reprocher son manque de patriotisme, vantait l'heureuse mixité de races qui avait donné la France. Ces races, à l'époque, reposaient sur différentes provinces de France, aux langues et aux mœurs étrangères les unes aux autres. Des mouvements indépendantistes en Corse comme en Bretagne mènent encore la vie dure à l'indivisibilité de la République. C'est dans la vieille historicité, l'historicité italienne, que ces Ferretti et Corbo ont puisé leur passion pour le Québec et son indépendance. Il ne faudrait pas l'oublier, comme nous avons su si bien oublier nos origines françaises d'avant la colonisation de la Nouvelle-France.
Aujourd'hui, plutôt que des régionalismes, ce sont
les nationalismes étrangers qui participent du «vivre-ensemble» d'une
société d'accueil. Il n'y a pas dialogue des histoires s'il n'y a
qu'une histoire qui est retenue : celle de la tradition ou celle
de la société d'accueil. La conscience historique de la société
d'accueil ne doit pas censurer son passé pour les projets
idéologiques, nationalistes ou fédéralistes. Dans son rapport avec
la conscience nationale, elle doit véhiculer une vision organiste de
l'histoire, celle non pas tant d'individus isolés dans leurs sphères
personnelles, qu'appartenant à une communauté de pensées, de
traditions mais aussi de ruptures et d'innovations et que le projet
pédagogique du gouvernement menace dangereusement le sens
de l'unité à venir. Il
n'est donc pas impossible que dans deux ou trois générations,
l'indépendance du Québec se fasse par une participation active des
fils de nos migrants actuels. Cela ne sera possible qu'à travers une
perception dynamique de l'histoire centrée non seulement sur
l'amélioration de la condition individuelle – ce sur quoi les
minorités
dominantes du
système capitaliste ne cessent de rogner -, mais que cette
amélioration ne peut provenir que d'une action collaboratrice,
organique, de l'ensemble de la société québécoise tant nous sommes jamais mieux servis que par nous-mêmes. Le Québec ne
doit pas reproduire la sottise commise par le Canada : il ne
peut pas faire vivre en son sein deux solitudes. Mieux vaut saisir le
mythistoire des nouveaux arrivants et le jumeler, en parallèle et en continuité, avec
le mythistoire national. Bien entendue, il y aura des résistances
enfantines : la superbe défensive des migrants résistera en
dévaluant le mythistoire national. C'est par la culture historienne
des enseignants et leur habileté à évaluer les susceptibilités
et les cas qui se présenteront que le processus pourra
se faire. Sur ce point, toutefois, il est inutile d'attendre le
moindre secours du Ministère de l'Éducation.

révolutionnaire qui a accouché de l'unité italienne toujours à reconsidérer se sont perpétués, voire métissés avec un enseignement de l'histoire nationale québécoise encore plus radicalement nationaliste que celle pratiquée depuis 1960 : je parle de la théologie de l'histoire groulxienne. Cesser de vanter l'histoire du Québec comme exceptionnelle, fantastique, hors du commun. Une conscience historique ne se tisse pas sur le repli et l'isolement, même narcissique. Michelet, à qui on ne peut reprocher son manque de patriotisme, vantait l'heureuse mixité de races qui avait donné la France. Ces races, à l'époque, reposaient sur différentes provinces de France, aux langues et aux mœurs étrangères les unes aux autres. Des mouvements indépendantistes en Corse comme en Bretagne mènent encore la vie dure à l'indivisibilité de la République. C'est dans la vieille historicité, l'historicité italienne, que ces Ferretti et Corbo ont puisé leur passion pour le Québec et son indépendance. Il ne faudrait pas l'oublier, comme nous avons su si bien oublier nos origines françaises d'avant la colonisation de la Nouvelle-France.
Croix-mémoriale des Irlandais mort à Grosse-Îsle |
Le
temps fera son œuvre. Appeler à vivre au Québec, au Canada, en
Amérique du Nord, avec toutes les diversités du continent, les
historicités viendront à se fondre en une, l'important est que cette historicité demeure celle de la société d'accueil, l'historicité québécoise. Le travail des
enseignants est de faire en sorte que l'historicité québécoise
finisse par dominer l'historicité originelle au cours des générations.
b)
Accepter la violence, les guerres et les révolutions comme des
incontournables dans le processus de développement collectif, sans
omettre que la collaboration, la paix (sociale) et un travail commun
participent autant que la violence.
La
morale de la pensée
positive issue
d'une psychologie populaire facilement récupérable par les intérêts
dominants est la pire chose qui soit. Elle abrutit les esprits,
brouille les réalités pour des songes creux, développe une langue
de bois qu'utilisent amplement les entreprises privées et publiques
pour contourner la vérité, pour établir une oppression par le
langage sur les non-initiés au code, pour accroître les angoisses
et
déconcentrer le bon fonctionnement de l'acte de penser, enfin
pour métamorphoser la violence légale et administrative en
nécessité pour le maintien de l'ordre social. Face à elle, toute
autre pensée est jugée négative. Les mélancoliques sont des
bilieux. Les névrosés des mésadaptés sociaux. Les dépressifs des
retardataires. À tout cela, le pédo-psychiatre behavioriste de
l'école ouvrira le DSM-V (le Manuel diagnostique et statistique des
troubles mentaux, ouvrage de référence publié par la Société
américaine de psychiatrie décrivant et classifiant les troubles
mentaux sur la base des symptômes comportementaux). Cette tyrannie
qui faisait le thème du roman, puis du film Vol
au-dessus d'un nid de coucou dans
les années 1970, est bien devenue une réalité. Pensée positive et
DSM sont complémentaires. Ils collaborent à la dénaturation d'une
espèce vivante – l'homme -, enfermée dans un zoo qu'on appelle société et dont les gardiens sont rétribués par l'État.
L'objectif est de (bien) faire fonctionner la société afin de
maintenir les hiérarchies de valeurs que sont l'argent, le pouvoir,
le sexe et la célébrité. Si la fin du XXe siècle, en pleine
post-modernité, a cru bon associer ces deux produits – la pensée
positive et le DSM -, c'est qu'il faut croire que le bon
fonctionnement de la société laisse encore à désirer.

En
retour, la morale de la pensée
négative repose
sur une vision tragique de l'Histoire. C'est une conscience
malheureuse qui ne parvient pas à trouver dans le passé humain les
événements, les situations qui lui
donneraient foi dans le présent
et dans l'avenir. Lorsque cette morale devient pathologique, elle
tend à discréditer l'essentiel pour honorer le superflu. Elle finit
par pratiquer l'éloge de la fuite (et du déni) plutôt que relever le défi du combat. En
ce sens, la violence, les guerres et les révolutions ont permis
l'évolution depuis l'âge des cavernes jusqu'à nos jours, mais, au
final, les résultats comptent peu car la nature humaine étant ce
qu'elle est, le Mal persiste toujours dans notre monde. Ce composé
de psychologique et de moral a pris la relève de la théologie de
l'histoire groulxienne pour hanter la philosophie nationaliste bourgeoise de
l'histoire du Québec. Entre 1960 et 1980, les Québécois étaient
géniaux, fiers, aventureux; ils retrouvaient l'essence de leurs
ancêtres coureurs des bois. C'était prendre le contre-pied de la
culture misérabilisme que traînait avec elle la théologie
catholique de l'histoire du Canada, dans laquelle les
franco-catholiques devaient faire abnégation de leur confort
existentiel dans le but de parvenir à leur mission
historique : finir
par faire dominer la vraie foi par la langue française (si possible)
en Amérique du Nord. Puisqu'on n'était plus né pour un petit pain,
il était tout à fait normal de viser la brioche. L'échec du
référendum de 1980 a brisé cet élan positif
et
l'a détourné vers le salut individuel par la business (le Québec inc). C'était la
génération des Thatcher et des Reagan, des Mulroney et des Bourassa
(2e version). Évidemment, on ne gère pas une société comme une
entreprise, ce que s'obstinent à défendre les
néo-libéraux à
travers les gouvernements qui se succèdent depuis 30 ans. Ce déni
de l'impossible finit toujours par coûter le pouvoir aux partis au pouvoir, quelle que soit leur étiquette, et comme présentement
ils le sont à peu près tous, malgré leurs étiquettes, la base démocratique perd progressivement et totalement
confiance dans leurs gouvernements. On comprend que l'État-policier
se remet tranquillement en place, prêt à affronter d'éventuels mauvais
jours. À cela se mêle le terrorisme international, produit des
magouilles impérialistes occidentales dans la déstructuration des
sociétés, des cultures et des civilisations autres. Devant le
retour de la pensée
négative à
travers les désordres psychiques et moraux, les discours et les
praxis
des
gouvernements consistent à souffler sur la pensée
positive qui
s'étiole (la selfie-trudeaumania) et à feuilleter plus en longueur
les pages techniques du DSM. Comment s'étonner, après tout cela, de recevoir des
un-friendly missils sur la noix? Quoi enseigner alors et comment
enseigner l'histoire du Québec dans ces conditions?


Le
mythistoire doit donc revenir à ce qu'il était dans la théologie
groulxienne de l'histoire. Non plus sous sa forme de la civilisation
qui vient apporter les lumières du christianisme aux païens, ce qui
serait très mal vu par les migrants et n'était pas, de toutes
façons, l'objectif premier des découvreurs.
Mais en tant qu'expérience collective visant à établir une société nouvelle,
différente de celle de la métropole. Et, de fait, la
Nouvelle-France fut organisée, gérée, développée d'une manière
tout à fait différente des provinces françaises. Le Régime
français s'insérait sans doute dans l'esprit de l'Ancien Régime
(le refus catégorique de Louis XIV d'implanter des imprimeries dans
la colonie n'est qu'un exemple parmi d'autres), mais les rigueurs du climat, la sauvagerie du milieu
naturel, et surtout la
qualité d'adaptation des premiers colons le long du Saint-Laurent
appelèrent à une utopie nouvelle; celle qui a donné naissance à ce que Frégault appelait la
civilisation de la Nouvelle-France au XVIIIe siècle. La
paix de Trente ans (1713-1744) permit aux colons de développer une
vie paisible de cultivateurs, d'Habitants, toute différente de la
misère qu'enduraient les paysans en France à la même époque. C'est la reproduction des guerres de l'ancien monde qui devait briser net l'utopie.
L'avortement de cette civilisation
par
les deux guerres, de la succession d'Autriche puis sa
poursuite avec la guerre de Sept Ans, marqua sans doute l'un des
traumatismes historiques les plus graves de l'Histoire du Québec.
Nous sommes toujours en quête de cette civilisation trop tôt
avortée, soit sous le modèle clérical, à l'époque des
ultramontains de la fin du XIXe siècle et de Groulx, soit sous le
modèle du Québec souverain-associé ou partenaire,
qui vivrait sans avoir le poids sur les épaules des tâches
encombrantes qui reposaient alors sur le gouvernement métropolitain
de la Régence et de Louis XV. Née dans la violence des
affrontements sur le territoire entre ses habitants et les légitimes
possesseurs du continent, l'utopie de la civilisation de la Nouvelle-France s'achevait dans la
violence d'une guerre mondiale, la première de toutes. La
Nouvelle-France, pleine et entière, devenait une province de
l'Empire britannique, le Bas-Canada par l'acte constitutionnel de
1791.


Malgré
la paisible passation des pouvoirs, le Régime anglais commença
assez tôt dans la violence. L'affrontement avec le gouverneur pour rétablir le clergé
catholique (Acte de Québec, 1774), puis l'invasion
américaine de 1775 montrèrent que la paix de 1763 ne serait pas celle de 1713.
Fidèle au potestas,
les Canadiens français acceptèrent le gouvernement colonial anglais et l'appuyèrent majoritairement afin de repousser les envahisseurs.
Eh puis les crises reprirent de plus belles. Des complots dans le
contexte des guerres napoléoniennes. Une exécution publique. Des
dissensions d'une structure impossible entre une Assemblée
démocratiquement élue et un exécutif lié aux intérêts de la
métropole débouchèrent sur encore plus de violence en 1837-1838,
puis finalement avec la volonté londonienne d'en finir avec
l'irréductibilité des Habitants. Peu à peu, la violence physique
se métamorphosait en violence légale, administrative, juridique.
C'est ainsi qu'il faut percevoir les stratégies de l'Acte d'Union et
même de la Confédération. Au mythistoire des Pères fondateurs du
Canada, il faut opposer le mythistoire du mépris démocratique avec
lequel fut votée et sanctionnée la nouvelle «constitution» qui
n'était, dans les faits, qu'une loi perdue quelque part dans les
cartons du Colonial Office britannique.
Certes,
les éruptions de violence au cours de l'histoire québécoise depuis
1840 apparaissent relativement insignifiantes si on les compare aux
crises que la plupart des pays européens ont vécu. Pourtant, en toute relativité, les engagements nationaux qui se sont succédé en 1837 et 1838 valent bien ceux du Printemps
des peuples de 1848. Il en va de même
des pays asiatiques et africains dans leurs luttes à la colonisation et les révolutions de la décolonisation. À part l'épisode des Chouayens
durant les troubles de 37-38, ces Canadiens Français qui
participèrent à la répression des Patriotes, aucune guerre civile,
aucune révolution sanglante ne tache les pages de notre histoire moderne, parce que la
violence s'est insérée et diffusée dans les comportements et la répression
morale et auto-punitive du masochisme catholique. Dans ce contexte,
la position sociale des femmes et l'éducation des enfants ont servi
à inhiber les caractères individuels pour un modèle de
comportements standardisés par les valeurs réactionnaires catholiques. Les grèves dans les milieux du travail
et les répressions policières et cléricales ont également permis
à la violence de se révéler dans toute sa force potentielle. La vision
libérale de l'histoire du Québec ne fait pas que refuser la
violence du conflit national, elle nie également les multiples
formes de violences qui ont leur correspondantes ailleurs.

Par
contre, la collaboration demeure liée aux liens familiaux, à
l'organisation des campagnes qui se voit progressivement détruite par
l'anarchie urbaine et le travail industriel. En aucun moment cette collaboration se
concrétise dans la coopération partagée entre les deux solitudes canadiennes. Durant la Première Guerre mondiale, les Orangistes d'Ontario associaient Henri Bourassa aux Boches du Kaiser et Henri
Bourassa considérait les Ontariens plus dangereux pour les Canadiens Français que les
Allemands de Guillaume II. La collaboration se perpétua à travers les efforts de groupes communautaires, vite récupérés par le clergé catholique, se
marginalisant dans des œuvres de charité qui sont aussi des œuvres
de conditionnement à l'obéissance civile et morale (Les œuvres de la Saint-Vincent-de-Paul, etc.). La
collaboration et le partage en coopération ne sauraient être
synonymes de consensus aliénants.

En
bout de ligne, nous constatons que la confrontation des historicités
rend possible une meilleure compréhension et de notre historicité
nationale et des historicités autres. La dédramatisation de la
violence ne laisse pas place à une citoyenneté de sauvagerie mais à
une conscience de la réalité des rapports de force qui se cachent
dans les institutions et derrière les politiques et contribue à
consolider la conscience individuelle devant les choix qui sont laissés
à sa liberté dans les limites même de cette liberté. La violence
n'est pas menace à venir; elle est déjà là, présente et active,
dans n'importe quelle organisation sociale, dans n'importe quel code
de lois, dans les liens interpersonnels comme dans les rapports
sociaux. Elle subvertie toutes les institutions.
c)
La
condition existentielle de l'humain dans
l'Histoire ne débouche sur un homme bon ou un
homme mauvais; ni une société bonne ou une société mauvaise, mais dans une conception ou la nécessité contient les libertés et les libertés engendrent de nouvelles nécessités.
Les
notions éthiques ne relèvent pas de l'analyse de l'Histoire, mais
l'historiographie possède sa dimension de
science morale qui en
fait une éducatrice à la citoyenneté dans le contexte où l'adaptation se déroule dans un milieu toujours
en pleine transformation. Dans n'importe quelle société d'accueil, tant le groupe homogène qui reçoit que celui des migrants hétérogènes qui arrivent doivent s'adapter les uns aux autres. Les différents mythistoires soulignent des événements ou des personnages marquants, grandioses
ou spectaculaires, symboliques par-dessus tout. Ce sont eux qui portent l'essentiel de l'empathie ou de l'antipathie qui se développera parmi la population. Les jugements qui seront portés sur eux consolideront, d'une manière raisonnante, les affects portés à leurs égard. À travers le mythistoire québécois, on peut se diviser sur les opinions
politiques, mais il y a des affects heureux et des valeurs positives qui s'accordent sur les personnages de la Nouvelle-France, sur les Patriotes de 37-38 (sur une échelle variable, toutefois), sur Papineau (dont on ne retient qu'un petit aspect de sa carrière), sur Mercier (qui unit libéraux et indépendantistes), sur Laurier (lui aussi sur une échelle variable) tout comme Henri Bourassa et la participation aux deux guerres mondiales. Gouin et Taschereau sont oubliés tandis que Duplessis commence à scinder l'opinion. Puis, nous entrons dans l'histoire contemporaine du Québec où les opinions sont tranchées et antagoniques. Lorsque les souverainistes honorent la mémoire de Jean Lesage tout comme lorsque les libéraux évoquent celle de René Lévesque, c'est avant tout la fonction d'autorité du Premier ministre qui est célébrée. Dans ce contexte, au moment où tant de migrants arrivent avec des bagages historiques assez lourds à porter, le manque d'unanimité sur l'historicité québécoise (et non canadienne) rend l'intégration difficile. On comprend que dans ce western politique, il n'y a pas de place pour une tiers historicité qui ne pourrait être qu'étrangère à notre débat constitutionnel.
Entre les contraintes qui s'imposent à travers les contextes situationnels et la liberté des aspirations utopiques,
stratégiques, idéologiques, se dessinent des
manières de «vivre-ensemble» qui seront acceptées ou rejetées. Or
les contraintes ne sont pas coulées dans les fondations de la nécessité historique. Elles
peuvent, et souvent doivent être levées, qu'importe les
conséquences dont une grande partie restera toujours imperceptible
avant l'accomplissement des événements. La condition humaine n'est
pas immuable. Même ce qui fut longtemps tenu pour fondements de la
vie sociale s'est révélé, avec les contradictions du temps,
superflu. La variété des cultures et des civilisations donne une
plus grande accessibilité à la relativité de notre situation et des
événements qui nous auront traumatisés dans le passé. Contre les dogmatismes de tous genres, il est
indispensable que plus les élèves apprendront le rapport entre les
valeurs fondamentales et les valeurs relatives, mieux ils seront à
même de saisir les possibilités et les limites de leur liberté
ainsi que celles de la société dans laquelle ils vivent.
Devant la nécessité du sens de l'unité, les valeurs se hiérarchisent et imposent souvent un prix à payer, sources de frustrations individuelles mais incontournables pour l'harmonie indispensable au «vivre-ensemble».
Bref, la conscience historique repose non seulement
sur un sentiment d'appartenance nationale, ou un mode du «vivre-ensemble», pas même ce référendum quotidien dont parlait Renan, mais sur
l'Imaginaire d'un sens
de l'unité, force
énergétique centripète qui doit l'emporter sur les désirs et les
aspirations parcellaires. À l'isolisme du chacun, électron libre isolé dans sa
bulle, sans identité et sans appartenance sinon qu'à un menu à la
carte erratique, il faut réinventer un sens
de l'unité appelé à dominer les contradictions qui agitent l'ensemble sociétal. La
diversité nationale ne peut pas reposer sur des individus isolés mais sur les
différents groupes qui la constituent, dans ses contradictions, ses
perméabilités mais aussi ses imperméabilités. La juste mesure
n'apparaît pas lorsque l'imperméabilité culturelle maintient la
diversité dans ses appartenances réciproques, ce qui crée des ghettos de solitudes comme le Canada a fait du Québec un ghetto franco-catholique au sein du Canada de 1867. Si un individu peut
se faire tout à tous, une société, une collectivité ne le peut
sans se déstructurer en tant que groupe humain. En ce sens
l'individualité spontanée et temporaire de la foule deviendrait la
seule individualité reconnue par les gouvernements, à condition
qu'ils approuvent la dynamique qui mobilise cette foule. La consommation,
les spectacles sont les seules dynamiques aujourd'hui entérinées par les États car
on suppose qu'elles sont inoffensives ou porteuses de paix, alors que toutes autres
dynamiques seront tenues pour menaçantes de l'ordre et de la
sécurité. Cette situation qui peut nous apparaître éminemment
abstraite est pourtant la plus concrète et la plus commune qui
interpelle les enfants, déjà dans la cour d'école.

Entre les contraintes qui s'imposent à travers les contextes situationnels et la liberté des aspirations utopiques,

Devant la nécessité du sens de l'unité, les valeurs se hiérarchisent et imposent souvent un prix à payer, sources de frustrations individuelles mais incontournables pour l'harmonie indispensable au «vivre-ensemble».


CONCLUSION
Depuis trois ans, le gouvernement libéral de Philippe Couillard a vu se succéder quatre ministres de l'Éducation, ce qui démontre assez bien que l'Éducation est son talon d'Achille. D'abord l'inepte docteur Bolduc qu'on ne pouvait pas renvoyer back-bencher par plaisir de laisser sa place au grossier ventripotent Gaétan
Barrette; ensuite une motte universitaire de l'ordre des mollusques venimeux, Blais, le remplaça sans améliorer les choses bien au contraire, puis le suave Moreau qui ne fit que passer tant la nouvelle de sa nomination au ministère lui fut fatal et l'entraîna vers la sortie sur une civière. Enfin, le transfuge de la Coalition Avenir Québec, Sébastien Proulx, qui adore jouer au mon oncl' en visitant les petites classes. Pourquoi toutes ces chiffes molles se retrouvent-ils sur le banc de l'Éducation? Parce qu'il faut laisser aux rapaces de la société, cette minorité dominante toujours cupide et toujours affamée des biens d'autrui, maintenir son emprise sur la société québécoise. Tous les débats sur l'environnement, que ce soit avec les coupes à blanc dans la foresterie, la construction d'une cimenterie à Port-Daniel, Pauline Marois qui avait ouvert Anticosti à l'exploration pétrolière et l'inénarrable oléoduc d'Énergie-Est, qui achète politicien après maire, après ministre, après d'autres, constatent les fortunes à faire avec une province redevenue une colonie dont l'économie est centrée sur la ponction des ressources du sous-sol. Après l'asphyxie libre-échangiste des industries de transformation québécoises, l'accroissement du coût des services, les seules possibilités de richesses reposent sur le vieux staple d'Innis, les ressources naturelles.

À ce compte, le retour de la vieille structure de prédation qui domina si longtemps la province de Québec ramène avec elle sa superstructure culturelle qui se veut non plus théologie mais philosophie libérale de l'Histoire. Ce que le
nouvel enseignement de l'histoire préfère vanter, ce sont l'entrepreneuriat industrieux des premiers colons français; les subventions d'État, bien que dérogeant à la doxa de la libre-entreprise, par l'investissement des anciens intendants dans le développement de la construction navale ou des forges du Saint-Maurice; le commerce libre des peaux des vaillants coureurs des bois qui annonceraient, à leur tour, nos modernes entrepreneurs, toujours entre deux vols, pour vendre le sirop d'érable en Chine ou les merveilleux jouets d'Ubisoft partout dans le monde sous l'étiquette made in Quebec. Inutile de dire que ces parallèles sont purement aléatoires et perpétuent un mythistoire depuis longtemps dépassé. Le nationalisme bourgeois des années 1960-1970, qui mettait l'accent sur les débats constitutionnels à l'Assemblée législative et l'avortement du projet contenu dans la Déclaration d'Indépendance du Bas-Canada, se voit remplacé par une nouvelle pensée négative, celle de l'expiation. Cet expiationnisme québécois, qui ne condamne plus le projet de colonisation de la Nouvelle-France pour lui préférer le modèle des comptoirs commerciaux
anglo-saxons comme chez Trigger et Delâge, accumule des concessions expiatoires à des groupes parcellaires qui ont obtenu des jugements favorables de la Cour Suprême pour exiger des réparations qui sont d'ordre moral et/ou financier. À l'échelle de l'Histoire du Québec, que valent les odieux gestes commis dans les pensionnats pour autochtones? Le traitement injuste de la seule Angélique si horrible fut-il? Les citoyens italiens et allemands séquestrés dans des camps de concentration en 1940? Et en ce qui concerne les contaminations de couvertures à la vérole ou la manière d'affamer les Indiens des Plaines, cela ne relève-t-il pas du seul gouvernement fédéral qui a toute autorité en matière des relations avec les autochtones? Avons-nous à expier pour les crimes commis par d'autres en sus de nos propres péchés? Ce retour de la conscience malheureuse par la bande non plus de la civilisation ou de la rébellion avortée mais par les fautes parcellaires commises au cours des trois derniers siècles ne sert ni les valeurs de collaboration, ni la paix (sociale) ou les coopérations partagées. Voilà pourquoi le programme d'enseignement de l'histoire du Parti Libéral du Québec est voué à l'échec. Non parce qu'il manque d'intelligence ou que sa sournoiserie idéologique est trop évidente, mais parce qu'il est émotionnellement et instinctivement inassimilable. L'expiation ne peut que contribuer seulement à ramener une vision haineuse et honteuse des Québécois pour eux-mêmes, mais un tel discours idéologique ne peut plus miser sur le masochisme catholique d'il y a cent ans. Aucune historicité digne de ce nom n'accepterait que la mémoire historique se constitue sur ses seules fautes morales envers des groupes parcellaires.


En attendant, cette vision libérale mais négative (un oxymoron de plus dans notre répertoire culturel) concoure au rapetissement de la culture québécoise vers le burlesque (la tyrannie de l'humour) et à répéter les obscénités trash de la
sous-culture américaine (les télé-réalités). Le désir d'expiation prolonge l'asphyxie des neurones par une surcharge de bons sentiments qui dissimulent la poursuite des inégalités sociales, l'exploitation capitaliste des individus, la désintégration de la communauté nationale pour la société anonyme et multiculturelle de la vision d'esprit des Trudeau et des Taylor. Ce dernier coup porté à l'historicité nationale québécoise, pour ne même pas être remplacée par une historicité canadienne qui aurait au moins de la substance, s'abîme dans les sermons idéologiques
fédéralistes. La putréfaction de la conscience, charognes vendues pas cher à nos busards cupides qui habitent Sagard ou Toronto, New York, Dubaï ou Shangaï, est le prix à payer pour gagner une américanité fantasmatique. Le long règne des gouvernements du Parti Québécois et du Parti Libéral aura réduit à néant la poussée de conscience que n'avait pu abattre totalement la défaite au référendum sur l'Indépendance en 1980, voire même en 1995. Cette volonté de ne plus rouvrir d'anciennes blessures et laisser l'usage imposer la Constitution de 1982 plutôt que d'y associer une signature historiquement compromettante, se satisfait d'un nationalisme libéral brandissant encore timidement le non possumus de l'assimilation canadienne; un peu comme le faisait déjà Robert Bourassa, de l'échec de la conférence de Victoria à son célèbre discours lors du rejet par deux provinces des accords du Lac Meech. Les farces qui s'étirent finissent toujours par perdre leur sens humoristique.


Lorsque les rapaces auront fini de luncher au frais des Québécois, comme dans un mauvais film de zombies, il ne restera qu'un grand Canada sans âme et sans constitution. Comme un vaste désert où déambuleront plus de 40 millions d'électrons libres, sur une aire blanche sur la carte du monde, il sera possible d'effacer des manuels d'histoire universelle ce qui succéda au vaste empire britannique d'Amérique du Nord. Et de fait, il faut savoir mériter qu'on se souvienne de nous⌛
Montréal,
10 septembre 2016
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