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«Le plus beau moment de l'amour, c'est lorsqu'on monte l'escalier». Georges Clemenceau |
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Ce site contient l'accès à un snuff-video et des images qui pourraient déranger les visiteurs. Je préfère vous en avertir. |
Pendant que la
dinde décongèle au micro-onde et que maman prépare la farce, toute la famille
reste suspendue aux lèvres de la speakrine de Radio-Canada ou de TVA afin de
savoir quel sera le sort que le jury réservera
à Luka Rocco Magnotta, le dépeceur du malheureux chinois Lin Jun à
Montréal au début de l’été 2012. Inutile de rappeler toute la saga de l’affaire
qui est bien connue. Ramené manu militari
d’Allemagne, où il s’était fait prendre dans un cybercafé, poussé dans un avion
affrété par le gouvernement du Canada – Stephen Harper n’avait pas apprécié
qu’un pied de la victime se soit retrouvé dans un colis suspect aux bureaux du
Parti Conservateur -, cette image du jeune homme, insensible à son sort,
menotté, pressé entre les officiers de
police et la peau presque aussi verte
que son T-shirt est la dernière qui nous ait été transmise de Magnotta. Le
fusain des dessinateurs nous présente un type qui est loin de lui ressembler.
Des chroniqueurs d’affaires bizarres écriront sans doute dans un siècle que, comme
le Christ ou Louis XIV, il y aurait eu substitution et que Magnotta courrait
encore dans les ruelles de Montréal à dépecer des chatons et des pédés.


Comme Magnotta a
reconnu sa culpabilité dans le meurtre filmé de l’étudiant chinois, le procès a
été essentiellement une suite de dépositions visant à distinguer si le
meurtrier était véritablement en pleine possession de ses moyens mentaux
lorsqu’il a commis le crime. Derrière le procès criminel se tient un tout autre
procès, parallèle, et qui explique les difficultés des malheureux membres du
jury. Un procès entre la conduite morale et le comportement psychologique. Car
il ne suffit pas de dire que Magnotta est un psychopathe ou un sociopathe (on
confond souvent les deux, mais il y a une certaine différence), encore faut-il
qu’il ait été en mesure de distinguer le bien du mal au moment de la commission
du crime, et cela nous ramène à un autre procès fort médiatisé, celui de Guy
Turcotte. La sentence du juge dépend du verdict du jury, et toute l’attente tient à savoir
si Magnotta finira ses jours en
prison sans possibilité de libération, ou s’il se trouvera interné en
institution psychiatrique avec promesse de suivre un traitement et,
éventuellement, retourner à la société tant il est difficile de le considérer comme criminel dangereux puisque nous ignorons s’il aurait continué à commettre d’autres crimes. Psychopathe oui, tueur en série, non.
Les quatre
verdicts offerts par le juge Cournoyer sont : non criminellement responsable, ce qui veut dire que Magnotta ne
saisissait pas la portée morale de son acte, incapable de distinguer le bien du
mal; coupable de meurtre prémédité, ce qui veut dire qu’il était parfaitement
conscient de la portée morale de son geste et qu’il avait ourdi le piège où
s’est trouvé prise sa victime; coupable de meurtre non prémédité,
ce qui veut
dire qu’il aurait agi sur un coup de tête, emporté par une folie passagère (c’est la
similitude avec le cas Turcotte), enfin coupable d’homicide involontaire, ce qui
voudrait dire que le tout est un accident de parcours, que le jeu entre Magnotta et Lin Jun aurait dépassé la convention des deux amants. En fait trois des
verdicts le mèneraient en institution psychiatrique. Tout tourne
donc autour de la santé mentale de l’accusé au
moment où le crime a été commis. Comme Jeanne d’Arc, entendait-il des voix?
Comme Turcotte a-t-il été pris d’une folie meurtrière? La chimie de son cerveau
était-elle déficiente au moment du crime ou bien, et c’est la thèse de la
Couronne, Magnotta n’est-il qu’un narcissiste qui tenait à épater la galerie
des média sociaux en commettant un geste monstrueux qui soit authentique et non pas simulé? Comment douze pauvres
bêtes qui ont passé des semaines pénibles à écouter tout ce qu’un spécialiste
venait démolir d’un autre spécialiste pourraient-ils trancher en la matière, pressés qu’ils
sont entre la fatigue et les festivités de Noël?

En plaidant
coupable, Magnotta s’est donné toutes les chances de s’en tirer avec le moins
de mal possible. Il est entendu que la vie en institution, même isolée, serait
moins pire que dans une prison où aucun délit commun ne voudrait se voir associé
à ce psychopathe. Voilà pourquoi l’accusation a cherché par tous les
moyens de
prouver qu’il mentait; qu’il feignait la maladie qu’il aurait hérité
génétique-
ment de son père; qu’il a toujours été en pleine possession de ses moyens et a toujours su distinguer le bien du mal dans la commission du crime. Magnotta savait que poignarder et décapiter est mal et interdit par la loi; qu’il avait décidé en pleine conscience la commission de cet acte et qu’en le commettant sciemment, il avait prémédité le mal et devait en supporter la responsabilité et ses conséquences. En fait, vaguant dans un univers de cinéma, de pornographie et de
violence, il aurait été inspiré par la première scène du film Basic Instinct, sorti en 1992, dans laquelle on
voit un homme lié aux montants du lit par les poignets se faire larder
de coups de pic à glace par la femme qui le chevauche au moment de l’orgasme. Le procureur de la
couronne voulait même faire visionner cette scène au jury, mais la défense s’y
est opposée considérant que la scène était «trop violente» pour les malheureux
jurés qui en avaient vu d’autres. De sorte que le juge Cournoyer a préféré épargner au jury le
visionnement de ce film à rebondissements et à scandales.

ment de son père; qu’il a toujours été en pleine possession de ses moyens et a toujours su distinguer le bien du mal dans la commission du crime. Magnotta savait que poignarder et décapiter est mal et interdit par la loi; qu’il avait décidé en pleine conscience la commission de cet acte et qu’en le commettant sciemment, il avait prémédité le mal et devait en supporter la responsabilité et ses conséquences. En fait, vaguant dans un univers de cinéma, de pornographie et de

Évidemment tout
tournait autour de trois éléments du crime : le pic à glace et le foulard blanc, communs
au film et au crime et le miroir suspendu au plafond qui est l’œil par lequel
on voit se commettre le crime dans
Basic Instinct. Il est vrai également que l’homme sacrifié par
Sharon Stone dans le film, Johnny Boz, était joué par un modèle porno Bill Cable, qui fut victime, quelques années plus tard, d’un violent accident de moto
(1996) et mourut en 1998 de ses blessures.
Magnotta, grand consommateur de films, connaissait Basic Instinct, mais le vrai problème est le suivant : tous
ceux qui ont vu cette scène du film et qui a dû attirer un grand nombre de
psychopathes, ont-ils recopié cette scène dans la réalisation de leur fantasme
criminel? Ce type de comportement sadique se retrouve dans bien des films porno
hard et qui ont probablement été tous visionnés par Magnotta. C’était un
argument peu convaincant en soi qu’apportait la Couronne, à l’image de ceux qui accusent la télévision ou
les jeux vidéos d’encourager le comportement violent des enfants et des
adolescents. Là encore, il y a plus de légendes urbaines dans tout cela que de
réalités statistiques véritables de relations de causes à effets.

Tout récemment,
le spécialiste français des serial killers,
Stéphane Bourgoin, a publié un xième livre sur le sujet : Qui a tué le Dahlia Noir? Après le
romancier James Ellroy (pour qui ce meurtrier serait le même qui avait tué sa
mère), le policier-enquêteur à la retraite Steve Hodel (pour qui le meurtrier
serait papa), enfin l’enquêteur et romancier Don Wolfe qui cible la mafia comme
à l’origine de ce crime sordide, Bourgoin nous
dit qu’avec lui, l’énigme est enfin résolu et qu’en étudiant le modus operandi du meurtrier du Dahlia Noir, ce serait le même qu’on surnommait le
Boucher fou de Cleveland, appelé aussi the
Cleveland Torso Muderer. Ce tueur en série non identifié a sévi dans le
quartier misérable de Kingsbury Run, à Cleveland, Ohio, entre 1934 et 1938.
Surnommé Torso, il tuait par décapitation puis tranchait les mains et les pieds
de ses victimes, rendant difficile leur identification. Treize victimes, hommes
et femmes, lui sont imputés mais seulement deux d’entre elles ont pu être
identifiés : un jeune homme, Edward Andrassy et une femme Fio Polillo.
L’affaire est même confié à l’enquêteur du F.B.I. le plus coté de l’époque,
Eliot Ness, qui est nommé Safety Director
de Cleveland. Celui-ci va faire un tel gâchis que jamais l’on parviendra à
identifier formellement cet assassin.







La découverte suivante est encore plus horrible : «Le dimanche 26 janvier 1936, il règne un froid polaire sur Cleveland, un temps glacial qui perdure depuis des semaines, avec des températures qui avoisinent en permanence les moins dix à moins vingt


Ving-cinq minutes plus tard, plus d’une vingtaine
de policiers sont déjà sur place. Le torse inférieur d’une femme, le bras
droit, deux cuisses et la main droite sont enveloppés dans des pages de papier
journal du Cleveland Plain Dealer du
11 août 1935 et du Cleveland News. Un
technicien de laboratoire de police prend des clichés de la main, avant que le
corps ne soit conduit à la morgue à treize heures. Une demi-heure plus tard, la
victime est identifiée : Florence Polillo, une prostituée de quarante et
un ans, alcoolique et qui fréquente les bas-fonds de Cleveland. Son casier
judiciaire mentionne plusieurs arrestations en 1931 et 1934, non seulement à
Cleveland, mais aussi à Washington D.C.…» (ibid. pp. 249-250).




Le 16 août 1938,
trois ouvriers afro-américains trébuchent sur des blocs de béton auprès
desquels un
empilage de vêtements, de papiers et de restes humains dégage une
forte odeur de putréfaction : «Vers seize heures qua-
rante-cinq, les inspecteurs Peter Merylo et James Hogan sont sur les lieux, accompagnés du légiste Samuel Gerber. Pourtant habitués à visiter les scènes de crime du "Boucher", les policiers sont choqués par l’effroyable vision qui s’offre à eux. Un torse humain est enveloppé dans une première couche de papier marron, du même type que celui qu’utilisent les bouchers, puis dans une veste d’homme déchirée, une couverture en patchwork coloré et cousue main enrobant le
tout. Enfoui à l’abri des rocs et sous le tronc, le même papier de boucher
contient les cuisses, maintenues ensemble par un gros ruban en caoutchouc. À un
mètre cinquante de là, un paquet similaire entoure la tête coupée. Un peu plus
loin, un carton laisse entrevoir les pieds et les bras. Deux sacs en toile et
une page arrachée de Collier’s Magazine du
5 mars 1938 sont également repérés près des restes. Pour la première fois
depuis la sixième victime, le serial killer a laissé un corps entier» (ibid. pp. 287-288).
rante-cinq, les inspecteurs Peter Merylo et James Hogan sont sur les lieux, accompagnés du légiste Samuel Gerber. Pourtant habitués à visiter les scènes de crime du "Boucher", les policiers sont choqués par l’effroyable vision qui s’offre à eux. Un torse humain est enveloppé dans une première couche de papier marron, du même type que celui qu’utilisent les bouchers, puis dans une veste d’homme déchirée, une couverture en patchwork coloré et cousue main enrobant le


sition, celui d’un homme cette fois, est signalé par un couple au bord du lac. Le Boucher de Cleveland accélère le rythme de ses meurtres. C’est alors que, de son côté, Eliot Ness passe à l'action, et elle sera terrible : «Deux jours plus tard, le 18 août 1938, Eliot Ness décide qu’il faut une opération d’envergure pour rassurer les habitants de Cleveland. Il est minuit

cinq inspecteurs mènent des dizaines d’agents en uniformes pour réveiller en sursaut les S.D.F. afin de les amener dans les différents commissariats. De gigantesques projecteurs installés sur des camions de pompiers illuminent cette scène dantesque. Eliot Ness ordonne ensuite la destruction de ces cabanes qui sont brûlés par les soldats du feu. Quelques jours plus tard, un éditorial du Cleveland Press donne le ton : "Le résultat de ce raid du Directeur de la
Enfin un suspect
est arrêté, un maçon. Frank Dolezal. Il avoue pour ensuite se rétracter. On le
retrouvera pendu dans sa cellule. Les analyses effectuées infirment les aveux de
Dolezal. C’est
un autre coup manqué pour la police. Et le Boucher fou, pendant ce
temps? Il envoie un message au chef de police Matowicz de Cleveland lui disant
qu’il prend des vacances en Californie! Un dernier cadavre, en effet, est
retrouvé en août 1938. Ensuite, plus rien. Du moins, pas avant 1950 où un
dernier cadavre , celui d’un homme décapité, est retrouvé en juillet. Il s’agit
d’un type connu de la police, Robert Robertson. Où était-il entre 1938 et 1950?
Pour Bourgoin, il ne fait aucun doute qu’il alla commettre quatre crimes
identiques en Pennsylvanie et, en 1947, à Los Angeles, le meurtre de Elisabeth
Short (le Dahlia noir), dont le corps dénudé fut trouvé, découpé en deux et possédant plusieurs
mutilations à la bouche, au sein et aux organes génitaux.

Le boucher fou de Cleveland est plus qu'une vulgaire imitation de Jack l'Éventreur : il en est un émule qui a
su hisser au plus haut niveau le crime sadique parfait. D'où la fascination qu'il exerce, même encore aujourd'hui, avec les romans, le cinéma et la bande dessinée qui ne cessent d'évoquer son fantôme. Il a même suscité en Ontario une imitatrice. Evelyn Dick. Le 16 mars 1946, un groupe de 5 enfants découvrent, le long d'un escarpement appelé la Montagne, à Hamilton, un tronc humain. La tête, les bras et les jambes sont manquants et une profonde blessure à l'abdomen laisse présager qu'on a voulu couper le tronc
en deux. On parvient à identifier les restes comme ceux appartenant à John Dick, un conducteur de train. Des traces de brûlures laissent présager que l'assassin aurait tenté de brûler le tronc dans une fournaise. Il apparut que Evelyn Dick avait un âge mental de 13
ans et se trouvait impliquée dans d'autres relations, ce qui aurait créé une tension dans le couple. Durant l'enquête, à la résidence du 32 Carrick Avenue, on découvrit au grenier une valise beige contenant les restes momifiés d'un enfant mâle, Peter David White, un enfant qu'Evelyn aurait eu d'un matelot stationné durant la guerre en Europe et dont on a aucune preuve de l'existence. Evelyn avoua alors aux policiers qu'un certain Bill Bohozuk, un prétendant évincé, avait tué l'enfant et John Dick. On trouva des trous de balles, un revolver et des munitions, des scies et les souliers ensanglantés qui appartenaient à John Dick au sous-sol de la résidence de Donald MacLean, le père d'Evelyn. Bohozuk et MacClean furent accusés et reconnus coupables du meurtre de Dick et de l'enfant tandis que, condamnée, Evelyn Dick échappa à la pendaison en purgeant une peine de détention jusqu'en 1958 lorrsqu’elle fut relaxée de la prison pour femmes de Kingston et se fit oublier. Mais la légende ne l'oublia pas. On a fait un film mélodramatique sur sa vie, et une chanson populaire à double sens vulgaire qui a même été endisquée en 1989 par le groupe Forgotten Rebels.
Bien sûr,
Magnotta n’est pas le Torso de Cleveland, mais ce que nous pouvons apprendre du
Torso nous aide à nous faire une meilleure idée de la personnalité psychique de
Magnotta. Le coroner Samuel Gerber, qui a procédé aux autopsies des
victimes du Boucher, écrit ceci dans un rapport intitulé Quelle sorte de personne est le tueur aux torses? :



- You cut off his legs...
- You cut off his arms...
- You cut off his head...
- How could you Mrs Dick?
- How could you Mrs Dick?

«Tous les faits récoltés grâce aux examens
anatomiques des victimes, des lieux où les corps ont été découverts et du
background de celles qui ont été identifiées me laissent penser qu’elles
proviennent des couches les plus défavorisées de la société. Ou qu’elles sont
tombées de plus haut, à cause d’accidents de parcours dans leur existence.
En conséquence, le meurtrier doit être une
personne qui s’associe avec cette couche de la société. En toute probabilité,
il devait fréquenter les sphères les plus élevées, avant de tomber au plus bas.
Par le passé, il a pu être un médecin, un interne, un boucher, un ostéopathe,
un chiropracteur, un infirmier ou un chasseur, ce qui lui a permis d’effectuer
des dissections avec une telle finesse.
L’assassin a gagné la confiance et,
probablement, l’amitié de ses victimes avant de les tuer. Ce type de personnes
provient de trois catégories différents (1) ceux qui sont réellement fous,
tels les paranoïdes, qui vont passer à l’acte à cause de délires de
persécution. Le schizophrène tue sans mobile apparent et sans passion. (2) Le
psychopathe est aux limites de la démence, ce sont des individus qui ne savent
pas différencier le bien du mal. Leur désir de meurtre s’accompagne d’une
pulsion sexuelle anormale, comme une certaine forme de perversion. (3) Les
faibles d’esprit commettent leurs crimes pour posséder un objet, de l’argent ou
quoi que ce soit d’autre, à l’instant où ils accomplissent le forfait.
En me basant sur l’examen anatomique des
douze victimes du "Tueur aux torses", l’assassin est probablement
un schizophrène, si l’on considère le sang-froid (nécessaire) de sa méthode de
tuer, de disséquer les restes et d’en disposer par la suite. Lors des premiers
crimes, il y a eu des mutilations génitales et il est concevable que le
meurtrier appartienne à ce groupe borderline de la folie, le psychopathe
constitutionnel» (ibid. pp.
312-313).
Nous n’en
saurons pas tellement plus sur le Boucher de Cleveland, même si le récit de
Bourgoin nous conduit à des suspects identifiés mais peu susceptibles d’être
les auteurs de ces nombreux assassinats. Ce que le coroner Gerber écrit sur
Torso est à peu près ce que les psychiatres sont venus dire devant le jury au
procès Luka Rocco Magnotta. Les victimes de 1936-1938 sont d’abord des victimes
de la vie pour ne pas dire de la crise et probablement que l’assassin partageait
avec ses victimes une même ambivalence sexuelle et une même déchéance
socio-économique. Malgré ses déclarations selon lesquelles Magnotta aurait été
hétérosexuel, il est bien connu que partout où il passait, il se tenait dans
les quartiers gays. Escorte et acteur de films pornos, issu lui-même d’une
famille dysfonctionnelle, Magnotta est un être déchu vivant dans un
monde
déchu. Il est plus un personnage de roman à qui manque la conscience dostoievskienne de son propre drame qu’un paranoïaque nécrophile. La schizophrénie a été évoquée par les psychiatres des deux partis pour
dire que Magnotta entendait des voix, tout comme son père; que son narcissisme
était inassouvissable, qu’il n’éprouvait aucune émotion ni devant le plaisir ni
devant la souffrance. Sa personnalité est glacée comme la mort. Il n’a pas
su manier le couteau avec la dextérité du Torso. Il n’a pas été jusqu’à conserver
ou distribuer des morceaux de viande humaine comme Fritz Haarmann le boucher du
Hanovre (1923-1925) qui avait opéré une décennie plus tôt en Allemagne, ni
Jeffrey Dahmer le Cannibale de Milwaukee (1978-1991). Le cannibalisme de
Magnotta qui se découpe une tranche de fesse relève du Guignol puisqu’on ne le
voit pas la
manger. De même, on ne le voit pas émasculer le cadavre car ce n'est pas à la virilité qu'il s'en prend mais à la tête, siège de la pensée, de l'esprit, de l’unité de l'Être. Le Torso était un psychopathe accompli. Travaillait-il dans
un wagon réfrigéré garé sur une voie latérale d’une des nombreuses lignes de
chemins de fer ou dans l’une ou l’autre des maisons luxueuses de Cleveland pour
venir, en auto,, la nuit, se débarrasser des cadavres nettoyés en les balançant
dans le Kingsbury Run, s’arrangeant pour conserver des «trophées» et faire en
sorte que jamais les corps ne puissent être entièrement
reconstitués? Tous ces démembrements de corps et le plaisir de décapiter
vivante la victime et de la dépecer a aussi son air de rituel satanique. Plus sérieusement,
surtout dans un cas de schizophrénie où la double personnalité du Torso se
révèlerait tantôt méthodique dans le travail chirurgical des corps, tantôt
hystérique dans le démembrement est une métaphore de la personnalité
éclatée, déchiquetée et dont le rituel de la décapitation vive renverrait à une
façon de mimer l’excision du lieu de pouvoir du corps : la tête.


L’un des films
pornos qui m’ait été donné de voir de Magnotta le montre se faisant sodomiser
par un
asiatique. Toute la mise en scène séquentielle de One lunatic, one ice pick est également une méta-
phore de la person-
nalité psycho-
pathologique de Magnotta. Lui, placé devant la caméra veut maintenant passer derrière, mais c’est impossible, aussi est-ce son fantôme qui est derrière l’appareil pendant que lui-même renverse les rôles. Il est vêtu et sa victime est nue; il agit en mettant en scène sa victime réduite à la passivité, droguée, à demi consciente, comme un acteur qui
exécute tout ce que le metteur
en scène lui demande. Tout cela sous l’affiche montrant Ingrid Bergman
dans Casablanca, offert comme un sublime hommage à l’icône d’un âge du cinéma bien loin de nous
maintenant. «Tourné» dans un appartement sordide de la partie la plus sordide
du quartier Côte-des-Neiges, le court-métrage pourrait être aussi un hommage à
B.T.K., Dennis Rader, un tueur en série qui sévissait entre 1974 et 1991 dans
la région de Wichita, au Kansas. B pour ligoter, T pour torturer et K pour
tuer. Après tout, y a-t-il autre chose de plus dans le film de Magnotta?

phore de la person-
nalité psycho-
pathologique de Magnotta. Lui, placé devant la caméra veut maintenant passer derrière, mais c’est impossible, aussi est-ce son fantôme qui est derrière l’appareil pendant que lui-même renverse les rôles. Il est vêtu et sa victime est nue; il agit en mettant en scène sa victime réduite à la passivité, droguée, à demi consciente, comme un acteur qui

Oups! Maman entend la cloche du four micro-onde qui lui dit que la dinde est décongelée. Ne reste plus qu'à la préparer. Au même moment, le jury paraît devant le juge, les avocats, l'accusé et prononce le verdict
de culpabilité avec préméditation. Comme dans le
cas de Paul Bernardo, le jury de Montréal s'est prononcé sur la
responsabilité du tueur en série. Bernardo était un psychopathe beaucoup plus puissant et avancé dans le crime que Magnotta qui n'y avait mis pourtant qu'un pied! Paul Bernardo enlève, le 15 juin 1991, Leslie
Mahaffy, âgée de 14 ans, la viole, la torture et l’étrangle. Il démembre son
corps et le coule dans des blocs de ciment jetés dans le lac Gibson près de
Saint Catherines en Ontario. Puis, c’est au tour de Terri Anderson, 14 ans
également. Par après, il enlève Kristen French avec l’aide de son épouse Karla
Homolka, qu’il viole, torture et étrangle. Il devient le violeur de Scarborough. Bernardo sera finalement arrêté pour 43
viols et agressions sexuelles. On découvrira par après des vidéos qu’il avait
tournées de ses crimes, y compris de ses meurtres avec la complicité de Karla Homolka. Il n’y a pas jusqu’à Tammy, 15 ans, la propre sœur d’Homolka, à avoir
été
droguée, violée et morte après s’être étouffée dans son vomi. Autre
personnalité narcissique, Bernardo, comme Magnotta, aime changer de noms. En
1995, il est devenu Paul Teale. Autant de noms pour autant de personnalités? La
peine de mort étant abolie au Canada, Bernardo/Teale a été condamné à la prison
à perpétuité et déclaré criminel dangereux, ce qui le condamne à l’isolement
pour le reste de ses jours, un peu comme Charles Manson. Cette affaire remonte
à plus de 20 ans et n’a pas cessé de ressurgir périodiquement dans les affaires publiques.


Les longues délibérations du jury montrent combien la psychopathologie des grands criminels rend
difficile le partage entre la Psyché
et la morale. Ce procès devrait nous amener à nous poser les questions
suivantes : Sommes-nous tous plus à même de vraiment distinguer le bien du
mal «hors de tous doutes raisonnables»? Le Socius
repose sur les institutions, les lois, le droit qui ne sont que des visions
de l’esprit humain que des gouvernants interprètent et appliquent selon des standards tout à fait relatifs, d'où la question suivante :
sont-ils réellement en mesure de vraiment
distinguer le bien du mal «hors de tous doutes raisonnables» dans les prises de décisions dont les effets s'imposeront à une partie ou à l'ensemble de la collectivité? Politiciens, technocrates, hommes d'affaires et de culture demandent régulièrement la confiance aveugle de la part des citoyens; si leur vertu morale est souvent plus que douteuse, qu’en est-il de leur équilibre psychique? Le machiavélisme suppose une éviction de tout dilemme moral et malgré leur prétention à gouverner pour le bien de la majorité, on sait que ce machiavélisme étroit perce derrière chaque décision, chaque geste des gouvernants. Et les collectivités elles-mêmes, ne peuvent-elles pas devenir psychopathes d’une manière ou d’une autre? À la façon dont
les civilisations se conduisent, il y a matière à se poser de sérieuses questions.
Il ne faut pas attendre que des intoxications fanatisées, comme il y en a eues
sous le nazisme et les com-
munismes ou dans des tribus ethniques d’Afrique ou du Moyen-Orient, se radicalisent pour que la communauté interna-
tionale se mobilise et intervienne afin d’éradiquer les maladies psychiques des collectivités. On ne peut risquer de précipiter la communauté universelle dans des guerres et des terrorismes sanglants inutiles sous prétexte que l’une ou l’autre de ses classes, de ses nations, de ses sectes, a le droit de persécuter les membres de sa collectivité au mépris des droits humains à l’intégrité physique et morale. Là où la pathologie mentale sévit dans une collectivité, elle sévit dans l’ensemble de la Cité terrestre. Le jury au procès Magnotta, après avoir minutieusement étudié les avis contradictoires des experts, a conclu qu’il était livré à lui-même et a marqué un grand X sur tous ces rapports, se livrant à ce que Descartes considérait comme la chose la mieux partagée au monde : le bon sens. Les relations entre les minorités
dominantes, la majorité silencieuse et l’intermédiaire
des gouvernants apparaissent souvent aussi malsaines que les relations d’un
Magnotta avec l’univers fantaisiste ambiant de la société du spectacle dans laquelle il se mouvait. Les
corruptions universalisées, les conflits d’intérêts mesquins, les idéalisations
de fantaisies religieuses ou idéologiques toxiques courent les corridors des Parlements,
nichent au creux des ordinateurs des systèmes policiers, gangrènent les shows aliénants appelés à conditionner cette masse silencieuse. Il règne
dans One lunatic, one ice pick une
atmosphère d’AUSTÉRITÉ MORBIDE qui n’est pas loin de ressembler à certains slogans politiques machiavéliques qu'entendent appliquer des dirigeants occidentaux actuels. Il conviendrait au bon sens de savoir si ces positions morales reposent peut-être sur des motivations que le jury a trouvé inacceptables dans le cas d’un individu, alors, pourquoi en serait-il autrement pour la conduite des institutions humaines?
En cette fin d’année 2014, je considérerai toujours l’ex-lieutenant-gouverneur Lise Thibault comme plus criminellement responsable que Luka Rocco Magnotta. Magnotta n’aura abusé que de la confiance d’un seul individu alors que Lise Thibault, et ceux qui ont été derrière elle pour la pousser au fauteuil prestigieux de chef de l’État québécois, auront abusé de la confiance de toute une population. Ce qui a été bon pour pitou doit être également bon pour minou⌛


munismes ou dans des tribus ethniques d’Afrique ou du Moyen-Orient, se radicalisent pour que la communauté interna-
tionale se mobilise et intervienne afin d’éradiquer les maladies psychiques des collectivités. On ne peut risquer de précipiter la communauté universelle dans des guerres et des terrorismes sanglants inutiles sous prétexte que l’une ou l’autre de ses classes, de ses nations, de ses sectes, a le droit de persécuter les membres de sa collectivité au mépris des droits humains à l’intégrité physique et morale. Là où la pathologie mentale sévit dans une collectivité, elle sévit dans l’ensemble de la Cité terrestre. Le jury au procès Magnotta, après avoir minutieusement étudié les avis contradictoires des experts, a conclu qu’il était livré à lui-même et a marqué un grand X sur tous ces rapports, se livrant à ce que Descartes considérait comme la chose la mieux partagée au monde : le bon sens. Les relations entre les minorités

En cette fin d’année 2014, je considérerai toujours l’ex-lieutenant-gouverneur Lise Thibault comme plus criminellement responsable que Luka Rocco Magnotta. Magnotta n’aura abusé que de la confiance d’un seul individu alors que Lise Thibault, et ceux qui ont été derrière elle pour la pousser au fauteuil prestigieux de chef de l’État québécois, auront abusé de la confiance de toute une population. Ce qui a été bon pour pitou doit être également bon pour minou⌛
Montréal,
22 décembre 2014
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