mardi 3 mai 2011

Le Canada éjackule dans son jackuzzie


LE CANADA ÉJACKULE DANS SON JACKUZZIE

L’autobus avec un gros Q, l’autobus avec les grosses moustaches, l’autobus avec la grosse face et l’autobus que personne n’a vu, sont tous entrés au garage ce matin, lendemain de soirée électorale. Il faut dire que cette élection qui s’annonçait plutôt ennuyeuse a causé des surprises de taille. Du jamais vu dans l’histoire canadienne, dit-on. Du pire comme du meilleur en tous cas. Le pire, l’élection d’un gouvernement conservateur majoritaire avec notre ours A&W qui va nous servir quatre ans de bœuf de l’Ouest avec sa root beer faite de rinçures de sables bitumineux. Le meilleur, un parti néo-démocrate comme opposition officielle. Deux dommages colatéraux, espérons définitifs: la réduction du parti Libéral en peau de chagrin, l’effacement du Bloc Québécois de la Chambre des Communes. Avec quatre députés, le Bloc n’est plus reconnu comme parti officiel et il est probable, avec la démission de son chef, Gilles Duceppe, que ses quatre députés iront rejoindre soit les rangs conservateurs afin de profiter des retombées du pouvoir et, qui sait? de devenir ministres; soit rallier le NPD par solidarité québécoise ou conviction idéologique. Les libéraux perdent leur électorat historique. Les grandes villes: Montréal et Toronto les ont largués. 34 sièges, c’est l’insulte ajouté à l’outrage et Michaël Ignatieff a remis sa démission, laissant à Bob Rae, qui a laissé un si mauvais souvenirs aux Ontariens lorsqu’il en était le Premier ministre provincial sous l’étiquette NPD, le soin d’assurer l’intérim. Enfin, le bonheur de voir Elisabeth May, la cheftaine du Parti Vert, élue grâce au mérite de sa ténacité.

Le bilan va sûrement causer des maux de têtes aux analystes. Des têtes solides sont tombées: Ignatieff, Duceppe. Harper, quant à lui, a sa majorité à laquelle il aspirait depuis deux mandats. L’immense machine républicaine/conservatrice a fait élire 167 députés. Ce parti qui méprise la population canadienne, qui se joue de la démocratie, qui triture la vérité jusqu’au mensonge effronté obtient donc le vox populi. C’est lamentable. Avec sa majorité, le gouvernement Harper pourra approfondir le néo-colonialisme libéral au Canada; le «gouvernement des régions» se fera au détriment même des régions, puisqu’elles seront condamnées à ne vivre que du développement de steaples qu’elles devront trouver quelque part, dans leur sol ou dans leur sous-sol. Malheur à ces régions qui n’auront ni pétrole, ni gaz, ni minerai, ni forêt à déforester et capables de faire vivre des populations clairsemées. Harper aura finalement la peau du registre des armes à feu tant honni, de sortes qu’il deviendra plus facile à un mari jaloux d’abattre sa femme avec une carabine de chasse non-enregistrée plutôt qu’avec une arme de poing enregistrée. Le sénateur Boismenu pourra donner son aval à ce triomphe de la logique de la non-violence. Du moins, peuplera-t-il ses prisons avec les délinquants lorsque l’humeur vengeresse des Conservateurs l’emportera sur la peine légale appropriée au délit. Ce matin, les marchés financiers exultaient. La seule ombre au tableau, la montée des «socialistes». Mais qu’importe, notre cow-boy de rodéo est bien en selle. Les républicains américains peuvent également exulter de voir le porte-flambeau des moral majorities jetter son regard menaçant sur les mariages gays, les femmes avortées, les jeunes contrevenants et autres épouvantails à hillbillies.

Il ne s’agit pas de diaboliser les Conservateurs. Mais tout cela est clairement exprimé par eux-mêmes. Si on accepte ce type de gouvernement comme sécuritaire, stable, sans danger pour ses bas-de-laine et ses gros investissements, il n’y a pas à s’inquiéter. Si l’on parle d’un tsunami orange pour le Québec, le tsunami bleu sur l’Ontario est beaucoup plus dévastateur, car il est, comme dirait un Jacques Parizeau libéral de l’endroit, le fruit «de quelques votes ethniques et de l’argent». En enlevant les comtés à forte densité de néo-canadiens dans la grande région de Toronto, clientèle généralement vouée au Parti Libéral, c’est un transfert du vote de droite jusque-là associé à un parti cosmopolite qui se déplace dans le lieu où il doit être, c’est-à-dire le protecteur de l’«immigration économique». On est venu au Canada pour faire la piastre, avec les Conservateurs au pouvoir, ils sont sûrs qu’ils vont en faire. L’incertitude des gouvernements minoritaires les angoissaient, maintenant ils seront rassurés.

Les Libéraux, eux, ont subi une défaite cuisante et on est en droit de se demander s’ils ne s’en relèveront jamais. Je crois que l’échiquier politique canadien n’a fait que rejoindre celui qui convient déjà à la majorité des pays tributaires du mode britannique, le Commonwealth. Un parti Conservateur et un Labor Party dont le NPD est l’équivalent canadien depuis toujours. Social-démocrate, centralisateur, voué à l’État-providence, le NPD a fait du mot compassion sa devise, malgré le fait que Michaël Ignatieff ait tenté de s’en servir en vue de rallier le vote NPD au vote Libéral. L’effet inverse a troué le vieux navire sous la ligne de flottaison. Sa coque rouge ne signifiait rien de plus qu’elle était rouillée. Ignatieff a montré autant de dignité dans la défaite qu’il s’était montré relativement sympathique durant la campagne. L’erreur des Libéraux est d’avoir cru qu’il était le Sauveur et que, sans effort, sans appui et sans soutiens de l’establishment il relèverait un parti qui s’est couvert de boue depuis plus de vingt ans. En choisissant de tirer sa révérence et de retourner aux études, cet émule des Abraham Lincoln et Wilfrid Laurier a compris, ce que n’a pas compris son prédécesseur Dion, que sa place était dans les universités, à enseigner ses principes plutôt qu’à les mettre en pratique dans un monde réel qui sait encore se déjouer des promesses virtuelles. Il faut reconnaître que c’est un homme honorable qui n’a pas magouillé dans la «patente» - contrairement au gros Coderre qui baigne dans le jus jusque par-dessus les oreilles -, et qui a le mérite des honneurs de la guerre.

Parler de la vague orange, c’est parler du Québec, car il n’y a pas eu vague orange à l’extérieure de cette province, même si le parti NPD a remporté des sièges ici et là dans le reste du Canada. Mais avant d’embarquer dans l’orange et se voir bardasser dans le cassau en goguette, il faut s’arrêter sur les survivants des deux vieux partis. Ma foi, les Québécois les ont choisi sans doute par pitié! Des conservateurs, comment ont-ils pu sacrifier Lawrence Cannon, qui faisait bonne figure sur la scène internationale à justifier les positions inacceptables de son chef, pour ces deux imbéciles de Maxime Bernier et de Christian Paradis? Même «pathologie» avec les Libéraux. Qui a-t-on sauvé dans la grande région de Montréal? L’inpavide Stéphane Dion? L’insipide Justin Trudeau? L’increvable Denis Coderre? Un député au nom à la consonance de maffioso qui ont toujours été de francs supporters des Libéraux? Léandre Bergeron, dans son Petit manuel d’histoire du Québec mentionnait quelque part, «la pègre comme étant ce “frère infirme qu’on cherche à cacher”…» Avec le politically correctness, au contraire, on cherche plutôt à la montrer, enveloppe brune en main! Je me souviendrai toujours de ce vidéo où Denis Coderre souhaitait, au nom du Canada - rien de moins! -, un joyeux anniversaire à l’une de ces pourritures québécoises considérée, poliement, comme un «honnête homme d’affaires», bailleur de fonds du Parti, c’est certain. En sauvant les Bernier, les Coderre, les Trudeau, les Dion et les Paradis, les Québécois ont sauvé l’image de ce qu’ils ont de pire en eux-mêmes, l’exhibition masochiste de leurs abcès purulents.
Mais le fait positif, c’est la vague orange. Le NPD, qui n’avait réussi qu’à faire élire un candidat, ancien ministre libéral de l’environnement dans le Gouvernement provincial de Jean Charest, se trouve aujourd’hui avec cinquante-huit députés, ce qui couvre la grande majorité du territoire québécois. Pratiquement tous inconnus, beaucoup de jeunes étudiants - dont l’un était à son premier exercice du droit de vote! - et surtout d’étudiantes, des professeurs, des syndicalistes, des gens naïfs sans doute, mais sûrement pas corrompus par une machine bien graissée et qui ont fait campagne dans l’ombre d’un chef charismatique, sympathique, bonasse même. Personne ne le prenait au sérieux entre les deux grands partis corrompus par le pouvoir depuis plus d’un siècle. Tous les analystes s’entendront donc, avec raison, pour dire que c’est le «bon Jack» qui a fait jouir le Québec et non ce frigide Stephen. Ce faisant, c’est le Canada tout entier qui a senti souffler le vent du changement, au point d’élever Elisabeth May jusqu’à être élue dans son comté de Colombie Britannique. Telle est l’ironie de l’histoire du Canada et qui montre, en définitive, que le Canada reste une invention du Québec, malgré la puissance financière et politique des autres provinces. C’est lui qui donne le «la». En brisant le cycle infernal écroué par le Bloc qui empêchait les Québécois de participer pleinement à la vie politique canadienne, le vote du Québec a hissé de tiers parti à opposition officielle le seul parti qui a une certaine crédibilité lorsqu’il se prétend défenseur des intérêts des petites gens. Pendant des années, les Québécois ont éprouvé de la sympathie pour le chef NPD Ed Broadbent. Mais c’était sous l’ère Trudeau, et les débats constitutionnels entre l’Indépendance du Québec et la Constitution de 82, empêchaient ainsi de débloquer socialement la politique canadienne. Certes, le vote pro-Layton est le résultat d’un capital de sympathie et voir des comtés adéquistes au provincial voter social-démocrate à Ottawa, on repassera pour la logique de programmes. Une fois de plus s’est fait entendre la voix fantômatique de Sir Wilfrid: «Les Canadiens français n’ont pas d’opinion, ils n’ont que des sentiments». Duceppe en avait grandement profités durant ces vingt dernières années, maintenant c’est au tour de Jack.

Jack Layton est maintenant doté d’une représentation de 102 députés, dont plus de la moitié proviennent de circonscriptions québécoises. Il ne pourra plus exercer sa gestion comme avant, lorsqu’il était à la tête d’un tiers parti. Il devra se montrer non seulement rassembleur, mais aussi directeur. Il devra établir une autorité qui empêchera ses députés de partir en vacance lors d’un scrutin important en Chambre, contrairement à l’une de ses candidates partie à Las Vegas au moment de la campagne électorale - ce qui ne l’a pas empêchée d’être élue dans le comté où elle avait été parachutée, preuve que c’est pour un homme que les Québécois ont voté plus que pour le parti -, car l’autorité sur un pays commence par l’autorité dans son parti. De lui, on attendra surtout qu’il s’oppose avec fermeté et panache aux ignominies du gouvernement Harper. Harper faisait parti d’un Think tank conservateur avant son entrée en politique. Du tank, il en avait le gabarit, mais du think, il en avait surtout la rouerie et le goût de l'autoritarisme qui ont caractérisé les grands réactionnaires de l’histoire canadienne, les Maurice Duplessis et les Mike Harris pour ne nommer que ces deux-là. Minoritaire, il pouvait faire des concessions, tant qu’il se résignait au fait que la politique c’est l’art de faire des compromis. Maintenant, pouvant se permettre de faire tout son possible, il faudra que Layton manœuvre avec la même subtilité de ruses et ne se laisse jamais envelopper par de soi-disant compromis avec Harper. Nous avons tous vu comment, dans l’à-propos des coalitions, il pouvait renier sa parole sans la moindre gêne. Il y a plus de Machiavel en Harper que de Lion en Layton. Idéale pour mener une campagne électorale, sa capacité de chef de parti aspirant au pouvoir ne peut empêcher de soulever quelques inquiétudes.

Ce tsunami orange québécois a coûté le comté et la chefferie au Bloc Québécois. Les quatre survivants ne font plus un parti reconnu en Chambre. La démission de Gilles Duceppe le laisse en voie de garage en attendant les prochaines élections québécoises. Malgré les 93 et quelques poussières de pourcentage, obtenue par Pauline Marois à la tête du Parti Québécois, rien ne la laisse pressentir comme éventuelle successeur de Jean Charest au gouvernement de Québec. La défaite de ma tante Pauline n’est pas impossible tant Charest sait bien manœuvrer l’indécision de l’électorat et l’affairisme de son parti. Le triomphe, quasi bonapartiste, de ma tante Pauline à la dernière assemblée générale du P.Q. ne signifie donc pas un score semblable face à l’électorat québécois. Il ne faut pas oublier que le comté fédéral où était élu Gilles Duceppe est devenu, aux dernières élections provinciales, le comté de Québec-Solidaire, et ce vent de gauche, qui est venu à bout de Duceppe, pourrait aussi bien amorcer une vague (au fait? de quelle couleur?) semblable aux prochaines élections provinciales. Il n’est pas à douter que l’audace néo-démocrate aura son influence provinciale d’ici deux ans. Les vieilles faces de Charest et de Marois n’inspirent plus l’éros québécois, d’où ce plafonnement des intentions de votes pour les deux vieux partis de l’Assemblée nationale.

Si le tsunami orange a soulevé l’enthousiasme des journalistes qui animaient la soirée des élections à Radio-Canada, il ne faut pas se laisser abuser par le fait qu’on retrouve là une constante de l’électorat au Québec. En effet, les Québécois sont habitués à opérer des mouvements de bascules massifs. Pour en retrouver un aussi imprévisible, il faut remonter à l’élection provinciale du 15 novembre 1976, lorsque de quelques députés péquistes dans l’est de Montréal, une vague P.Q. renversa la carte électorale rouge de la Province, défaisant le Premier ministre libéral de l’époque dans son propre comté, Robert Bourassa, qui alla cuver sa défaite en allant enseigner en Belgique. Ce premier gouvernement péquiste fut le meilleur, du moins jusqu’à la défaite référendaire de 1980, avant qu’il ne sombre dans le ressentiment et les petites affaires du monde de la Business. Le triomphe de l’élection fédérale de 1984, qui porta Brian Mulroney et une aile conservatrice québécoise forte à Ottawa, était prédictible dès le début de la campagne. Entre le jeune Mulroney et le maladroit John Turner, la victoire était assurée au départ, mais pas avec cette majorité québécoise obtenue. La démagogie du p’tit gars de Be-Comeau plaisait et la machine électorale conservatrice était affamée de gouverner et de distribuer aux amis du parti d’alléchants contrats. Entre Ronny (Reagan) et Maggie (Thatcher), Brian faisait figure de minus qui sût toutefois manœuvrer sur des terrains mouvants avec plus de brio qu’on s’y attendait. Un chapelet de scandales ne tarda pas à révéler que les Canadiens avaient échanger quatre trente sous pour une piaste, et, avec l’élection du Libéral Chrétien huit ans plus tard, une piastre pour quatre trente sous.

Quoi qu’il en soit, cette constante dans le vote massif québécois ne se dément pas. De 1867 à 1895, ils étaient tous dans le gouvernement conservateur de John A. Macdonald. De 1895 à 1984, ils étaient tous dans le gouvernement Libéral, de Wilfrid Laurier à Pierre Elliot Trudeau. Du temps où Duplessis était Premier ministre du Québec, la maxime s’était répandue qu’il fallait voter bleue à Québec et rouge à Ottawa, c’était là tout le débat politique des Québécois. Puis vint le tsunami bleu de Brian Mulroney, où avec des candidats néophytes, les Conservateurs obtinrent la majorité à Ottawa. Pour la première fois depuis 1895, la majorité de la députation Québécoise, composée surtout de nationalistes déçus par les résultats du référendum de 1980, siégea conservatrice à Ottawa. Après les échecs des ententes du Lac Meech et de Charlottetown, les Conservateurs, non seulement perdirent le pouvoir mais se trouvèrent dans la situation où se trouve présentement le parti Libéral. La députation québécoise se rallia derrière Lucien Bouchard, ex-ministre conservateur et promotteur du Oui au référendum de 1995 et forma le Bloc Québécois, qui fit élire son premier candidat en 1990 dans une partielle dans Laurier-Sainte-Marie, Gilles Duceppe. Pendant vingt ans, il conserva, bien consolidé en main, le Bloc à Ottawa, et ce d’élection en élection. Le 2 mai 2011, le nouveau renversement s’est fait en faveur des Néo-démocrates. S’il y a une phénoménologie de la politique québécoise à Ottawa, c’est bien celle-là plus que le soudain revirement «à gauche» du Québec, phénoménologie qu’il faudrait bien analyser pour comprendre le comportement politique des Québécois face à son idée du Canada. Comment cette province avec la majorité de son électorat bascule-t-elle toujours d’un seul «bloc» et quasi unanimement à des moments précis de son histoire?

Les raisons en sont moins sociologiques que psychologiques. D’abord, les Québécois n’aiment pas les campagnes de salissage dont le ton était donné par les publicités conservatrices, inspirées de la manière des campagnes républicaines aux États-Unis. Face aux publicités insipides ou banales des Libéraux et des Bloquistes, la première publicité néo-démocrate fut assassine pour le Bloc. On y voyait, sur un air de musique de cirque, deux gros chiens se japper dessus alors qu’un petit caniche lâchait des jappements en tournoyant sur lui-même. On ne pouvait pas ne pas identifier ce caniche à Duceppe. Duceppe dut rire de cette publicité, comme à peu près tous les Québécois. Il n’aurait pas dû. Le reste, je l’ai dit, fut la suite d’un capital de sympathie envers Jack Layton. Lorsque l’ex-syndicaliste chef de la C.S.N., Gérald Larose, militant de la Société Saint-Jean-Baptiste déclara, au moment où le vent était en train de souffler du côté néo-démocrate, que les politiciens à Ottawa étaient tous des «crosseurs» et qualifiait Layton de «crapule», il ne faisait que répéter l’erreur de Lise Payette avec son «Yvette» lors de la campagne référendaire de 1980. Les Néo-démocrates québécois sont sortis comme les Yvettes au printemps de 1980. Ce qu’il y a de désolant parmi les Indépendantistes québécois, c’est qu’aux moments les plus délicats, où tout est en train de se décider, l’un d’entre eux doit s’ouvrir la gueule pour lancer la plus grande imbécilité, la plus insultante et la plus méprisante qui soit. Celle de Lise Payette a couté une partie du vote référendaire de 1980 comme celle de Gérald Larose a coûté la tête du Bloc Québécois. Il y a un nietzschéisme flagrant dans le mouvement souverainiste, non pas celui qui a donné le national-socialisme en Allemagne en 1933, agressif et sadique, mais plutôt un ressentiment masochiste incontrôlable, sans doute hérité de notre vieux fonds catholique, qui force à nous dire NON à nous-mêmes tout en nous infligeant des remords de culpabilité qu’on pense soulager en nous faisant payer dix fois le prix de notre lâcheté historique. Ce fut le second gouvernement Lévesque qui s’acheva dans la décomposition du parti et la paranoïa de son chef après la défaite référendaire de 1980; ce fut, également, le gouvernement Bouchard, après la défaite de 1995, qui s’acheva dans les crises de la santé et de l’éducation desquelles nous ne sommes pas encore sorties quinze ans plus tard. Il y a du «Sois mon frère ou je te tue!», le mot célèbre de Chamfort contre les Jacobins, dans le ressentiment souverainiste et sa définition de la nation. Ce parti qui appelle à la naissance d’un nouveau pays, à l’affirmation d’une nouvelle nation sur la carte des peuples du monde, véhicule toujours une haine de soi collective inconsciente manifestée soit par des élans hystériques, soit par des manifestations de psychose maniaco-dépressive (dans l’économie à la fois néo-libérale et pro-sociale; sur le marché de l’emploi avec l’organisation du travail contractuel; dans les choix culturels avec l’éternelle question de la langue où après avoir tant manifesté en faveur de la loi 101, on laisse se dégrader l’enseignement du français, etc.)

Maintenant, les Québécois ont donné leur appui aux Néo-Démocrates. Ils siégeront dans l’opposition et il est sûr que le gouvernement du Québec va se trouver face à face, en état de conflit, avec le gouvernement du Canada. Il faudra à Jack Layton satisfaire sa moitié de députation québécoise, car c’est lui, désormais, qui hérite de la problématique qui ont forcé naguère les gouvernements Trudeau et Mulroney à s’endurcir afin de garder toute cette députation consolidée et cristallisée autour de leur chef. Tel est le défi qui attend Jack. Tel est l’inconnu qui se dresse désormais devant le Québec et le Canada pour les quatre prochaines années. Et, il faut bien l’avouer, l’inconnu est toujours plus excitant que le prévisible. Y’a de la place en masse dans mon Jackuzzie

Montréal
3 mai 2011

1 commentaire:

  1. Je vois quant à moi un autre élément positif qui me plaît dans cette situation. La singularité du Québec a changé de couleur, elle est désormais orange. Mais je constate que cette singularité du Québec, son contraste avec le ROC, englobe maintenant les anglophones du Québec qui, eux aussi, ont opté massivement pour le NPD. Concours de circonstances bien sûr, mais aussi le germe de quelque chose qui, bien cultivé, pourrait se révéler intéressant. Les Anglo-québécois ne sont-ils pas plus Québécois qu'ils le pensent eux-mêmes?

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