samedi 20 janvier 2018

A quand la grande œuvre?

Marc-Aurèle Fortin. Scène montréalaise, 1931-1932

À QUAND LA GRANDE ŒUVRE?
(Article paru sur Facebook, le 8 décembre 2017, 34 lecteurs)

Après avoir lu l'œuvre posthume de Gilles Marcotte, Notes pour moi-même, un ami facebook, Jacques Desrosiers, pour ne pas le nommer, relève à quel point le grand critique québécois se désole de la littérature québécoise au point de considérer la seule littérature française comme étant la sienne. Et ce qui désole, M. Desrosiers, est de s'apercevoir qu'il n'est pas le seul à penser ainsi. Cette dépréciation de notre littérature est-elle justifiée?

Il est incontestable que, dans l'ensemble des nouvelles nations nées de la diffusion des cultures occidentales à partir du XVe siècle, la littérature canadienne des deux langues officielles n'a pas atteint un niveau comparable à celui qu'un Octavio Paz, un Jorge Luis Borgès, un Carlos Fuentes ou un Garcia Marquez ont élevé, pour le Mexique, l'Argentine ou la Colombie, la littérature latino-américaine. On pourra mentionner Michel Tremblay, mais il lui manque un Nobel. En la matière, le rayonnement international ne suffit pas. À peine pourrait-on le considérer comme un indice tant l'épreuve du temps partage les œuvres appelées à s'inscrire dans l'imaginaire mondial de simples mentions dans les historiographies littéraires nationales.

On pourrait commenter la chose avec la littérature américaine, mais je doute que les Américains partagent nos doutes sur leur littérature. De Melville, Moby Dick, pour eux, est de valeur universelle. Faulkner vaut sûrement Zola. Il est vrai que la littérature anglo-saxonne est écrasée sous le poids de Shakespeare, qui est comparable au seul Dante dans la littérature italienne ou à Cerventès pour la littérature espagnole. Il faut dire qu'un tel classement prend comme règle les œuvres d'Homère et de Sophocle, ce qui n'est pas la moindre mesure.

Le problème n'est au fond peut-être pas littéraire. Il tiendrait davantage à l'Imaginaire. L'Imaginaire québécois est un imaginaire rétréci, celui des petites nations narcissiques mais repliées encore sur elles-mêmes. C'est la même cause qui fait qu'en 150 ans de séminaires catholiques, les Québécois n'ont produit aucun grand théologien digne de ce nom. À partir de ce constat, on peut se demander si : 1° notre intrigue historique serait-elle déficitaire à fournir des figures aptes à la surdimensionalité à l'origine d'un mythe fondateur, source d'un imaginaire littéraire national? 2° Avons-nous une formation littéraire digne d'un terreau où ancrer une œuvre de portée universelle? 3° Pouvons-nous nous émanciper du milieu familial toxique et rétréci dans lequel repose un imaginaire condamné à végéter?

D'abord, notre intrigue historique serait-elle déficitaire à fournir des figures aptes à la surdimensionalité, source d'un mythe fondateur? Dès l'origine de l'histoire du Canada (ou du Québec), le mythistoire s'impose de lui-même : Jacques Cartier plantant sa croix à Gaspé; les explorations de Champlain; la course des bois : on ne trouve rien de mieux dans la Grèce archaïque. Reste les producteurs de récits. Cartier et Champlain tiennent des journaux qui nous ont été conservés. À Port-Royal, l'historiographe Marc Lescarbot écrit un récit dramatique de la première colonie française d’Amérique du Nord. L'épopée des Croisés de Ville-Marie ne se limite pas à la débandade de Dollard des Ormeaux. Les auteurs «primitifs» québécois se sont nourris de ces sources d'inspiration, mais sans pouvoir porter une œuvre au-dessus des pontifes moraux de la lutte cléricale contre la modernité et la laïcisation de la société. Mais notre Histoire n'aurait-elle pas été suffisamment inspirante pour générer sa propre mythologie, comme la guerre de Troie a généré les œuvres d'Homère?

Plaçons, aux origines de la littérature québécoise, les Jésuites et leurs aventures dans le monde Indien soigneusement colligées dans la revue des Relations. Il y aurait là de quoi faire un équivalent à l'Odyssée. Des voyages des Père de Brébeuf ou Bressani, pourquoi ces Relations ne sont-elles pas devenues un texte fondateur d'une littérature qui vaut sûrement une chasse à la baleine autour du monde? Peut-être y manque-t-il une figure démoniaque, comme celle d'Achab, pour donner force au mythe? Or ces textes sont souvent refusés par les littéraires québécois sous prétexte qu'ils ont été écrits par des Français. Ils sont à peine un peu moins hésitants pour Maria Chapdelaine, écrit également par le Français Louis Hémon, mais qui marque la première percée du décor canadien dans l'imaginaire européen, le roman ayant été adapté à quelques reprises par des cinéastes français avant le film de Gilles Carle. Dans la littérature canadienne-anglaise, toutefois, Brébeuf and his brethren de Edwin John Pratt publié en 1941, est devenu un poème épique de valeur nationale. C'est là un étrange paradoxe qui veut qu'un thème qui se prêtait pour la fondation d'une littérature canadienne-française universelle se trouve à germer dans le jardin de son alter-ego canadien-anglais. Après le référendum, voici le thème littéraire volé! Pour sa part, l'itinéraire du père Noël Chabanel a été récupéré par l'auteur irlandais Brian Moore et repris par le cinéaste d'origine australienne, Bruce Beresford, pour tourner Black Robe, film qui n'a guère obtenu de succès au box-office québécois. D'autre part, l'autochtone convertie, Kateri Tekakwitah, devenue sainte depuis, a inspiré Beautiful Loosers de Leonard Cohen, mais l'importance de cette œuvre n'est pas à mettre entre les mains des jeunes filles.

Reste le grand drame de la Conquête qui a servi à quelques poèmes pompiers du XIXe siècle, dont celui de Chapman sur La bataille des Plaines d’Abraham. Les deux guerres contre les États-Unis, la Rébellion de 1837-1838, le soulèvement métis, les deux guerres mondiales, ont généré leurs héros mais aucun ne semble, à ce jour, apparaître comme un caractère surdimensionnel ou démoniaque porteur de l'imaginaire collectif. On en est encore à des héros qui sont là pour compenser notre déficit historique et notre impuissance politique et économique : Louis Cyr et le géant Beaupré sont des héros de fêtes foraines et ils le sont restés en tant que symboles collectifs.

Quoi qu'il en soit, l'intrigue de l'historiographie canadienne ou québécoise est suffisante pour fournir des héros dont la valeur dépasse la complaisance locale pour atteindre le niveau du mythe universel. Des personnages comme d'Iberville, La Vérendrye et ses fils, Cavelier de La Salle et que dire de Champlain, notre Ulysse; comment n'en sommes-nous pas arrivés à créer des œuvres surdimensionnées à partir de leurs aventures? Le problème ne résiderait donc pas dans la matière historique ou historiographique.

Ensuite, si le problème ne réside pas dans la matière, c'est qu'il réside ailleurs : Avons-nous une formation littéraire digne d'un terreau où ancrer une œuvre de portée universelle? Le déficit littéraire des Québécois est évident. Non seulement considérons-nous la lecture comme une affaire limitée à l'enfance, mais le goût de la lecture n'est guère encouragé passé un certain âge. Même le Ministère de l'Éducation considère la lecture purement comme un acte fonctionnel ayant pour but d'opérer dans la vie. À ce compte, il y a une rupture radicale entre la lecture et la littérature, et le résultat ne peut être que catastrophique pour l'avenir d'une littérature de valeur universelle. Par contre, et heureusement, le goût d’écrire a toujours été fort chez les jeunes Québécois. Le malheur est que tous ignorent, négligent ou méprisent la littérature nationale sur laquelle ils ne possèdent que des préjugés. Trop souvent, les enseignants sont incapables de les orienter et s’en tiennent à de la littérature facile d’accès ou sensationnaliste. La chaîne des générations se rompt de l’une à l’autre empêchant ainsi d’accoucher d’une véritable historiographie littéraire qui ne soit autre chose qu’une énumération d’auteurs et de titres.

Le problème devient alors une problématique d'aptitudes. Il a fallu des siècles de littérature orale pour en arriver à des versions écrites et copiées de l'Iliade et de l'Odyssée comme de la Chanson de Roland ou de la Divine Comédie. Le copiage, pour être emmerdant, a donc ses vertus. Il ne suffit donc pas de faire des dictées mais exiger aussi des copies soignées et lisibles de textes afin de confronter les élèves à la grammaire, le vocabulaire et aussi le style – le style, c'est l'homme disait le naturaliste Buffon -, et par le fait même la personnalité de l'auteur qui s'investira dans ses personnages, ses descriptions, ses évocations, la musicalité de ses textes, etc. Tout cela étant banni de l'enseignement élémentaire et secondaire, comment s'étonner, rendu aux niveaux supérieurs, que les étudiants échouent des analyses de textes à partir de romans relativement simples de compréhension? L'impossibilité de distinguer une intrigue principale parmi des intrigues secondaires est plus qu'une éducation bâclée; c'est un handicap mental.

La lecture n'est pas seulement une affaire d'éducation nationale. Lire des auteurs dont le style n'est plus le nôtre ou des auteurs qui font du succès commercial le seul critère d'évaluation des œuvres, c'est une manière tendancieuse et vicieuse d'enseigner la littérature. Une littérature à portée universelle est rarement un succès de vente. C'est, au contraire, sa dimension universelle qui fait d'une œuvre un succès non pas éphémère, mais appelé à durer au-delà des variations temporelles. Le besoin actuel d'adapter de grandes œuvres en modernisant les décors, les personnages et les ambiances convie à la paresse des lecteurs ou des spectateurs. Lorsque Joyce écrit son Ulysse, on reconnaît le Ulysse de Homère, mais ce n'est plus le même Ulysse et par le fait même, l'Ulysse de Joyce finit par s'inscrire à côté de l'Odyssée. Les adaptations de l'Odyssée au théâtre ou la projection du Tartuffe dans les années 70 invitent à des anachronismes qui éteignent encore plus la nature originale et n'apportent rien de surcroît à l'ouverture vers les grandes œuvres littéraires.

Pour qu'elles soient de portée universelle, une œuvre ne doit pas succomber à la paresse ni à la complaisance des auteurs modernes. Pour suivre la voie présentée par George Steiner à travers ses essais Les Antigones et Réelles présences, établir un dialogue avec les grandes œuvres prête à la portée universelle (Tremblay lui-même n'a-t-il pas fait des Belles-Sœurs une tragédie classique avec Coryphée et Chœur comme dans une pièce d'Eschyle? Sa Lysistrata n'est-elle pas une ouverture à l'œuvre d'Aristophane? Jean-Claude Lauzon n'a-t-il pas voulu ériger son grand film poétique, Léolo, sur le roman La vallée des avalés de Réjean Ducharme?). Il existe donc une circulation intergénérationnelle entre les œuvres québécoises malgré les difficultés générales d’établir une continuité. Il existe même des tentatives de s'insérer dans la circulation interculturelle avec des œuvres étrangères. Robert Lepage fait des efforts louables afin que ses propres œuvres s’inscrivent dans les traditions issues du Nô comme de l'opéra occidental. Dolan voudrait être une sorte de Visconti québécois. Il est trop tôt pour dire si ces œuvres accèderont à l'universel car, répétons-le, la réception internationale d'une œuvre ne suffit pas à confirmer cette reconnaissance que seul le temps peut sanctionner. Au contraire même, ce qui fait trop à la mode ou axé sur le Zeitgeist risque très souvent de mourir avec lui.

Enfin, à observer romans, téléromans et films, pouvons-nous parvenir à nous émanciper du milieu familial toxique et rétréci dans lequel repose un imaginaire condamné à végéter? Il paraît impossible d'accéder à un thème qui ne nous ramène pas toujours aux petites tragédies domestiques. Il est vrai que les grandes œuvres universelles puisent abondamment dans les crises familiales ou les faits divers. Naguère un auteur osait comparer Dallas aux œuvres épiques de Homère. Sophocle n'avait pas lu Freud avant d'écrire Œdipe Roi. Pas plus Shakespeare avant de monter Hamlet ou Dostoïevsky écrivant Les Frères Karamazov. C'est précisément parce que ces œuvres étaient de portée universelle que Freud y dénicha des névroses et des traumatismes à l'origine du refoulé et de l'inconscient. C'est-à-dire que des œuvres, telle l'Orestie d'Eschyle repose sur un fait divers scabreux : une double vengeance à partir d'un adultère; tel Macbeth sur l'appétit effrénée d'une femme qui pousse son époux, un faible, à commettre des meurtres atroces; ou la Divine Comédie sur des suites de vendettas commises dans les hautes sphères du pouvoir florentin comme dans les foyers domestiques de la petite bourgeoisie. Les Surréalistes ne s'y méprenaient pas en faisant de criminelles sordides – Violette Nozière, Germaine Berton ou les sœurs Papin – des personnages de portée universelle. Leur génie créateur restait toutefois inférieur à produire une création capable d'accoter une des grandes tragédies du passé.

L'absence d'événements capitaux dans l'histoire de l'humanité à s'être déroulés au Québec ne signifie donc pas l'absence de thématiques propices à une œuvre créatrice de portée universelle. La double mort de Montcalm et de Wolfe, le grand vaincu et le grand vainqueur, on l'a vu, se prêtait aussi bien à l'art poétique qu'à la sculpture de monuments. Rien, toutefois, qui évoque les scènes de Waterloo chez Stendhal ou Hugo. Les faits divers québécois sont aussi valables que ceux de n'importe quelle autre culture. La marâtre de La Petite Aurore, l'enfant-martyr, n'est pas Achab. Sa névrose qui conduit à tuer à petit feu une enfant marque bien l'imaginaire québécois, mais la pâte ne lève pas au niveau de la tragédie. Aurore n'est pas Cosette ou Anne Frank. Le sombre destin de Wilbert Coffin a servi à un idéologue à rédiger des pamphlets qui ne parvinrent pas à l'imposer ni comme roman, ni comme film. Jacques Hébert n'était pas Voltaire, et ce fut un malheur supplémentaire pour la réputation de Coffin. Les victimes de Polytechnique sont devenues une entité unique, semblable aux sept nains du conte des frères Grimm, malgré le fait qu'à chaque année, à la journée commémorative, on énumère leur nom. Lorsqu'on voit les quatorze cénotaphes du parc érigé à leur mémoire, on peine à y reconnaître leurs noms individuels tant l'artiste en a trituré les formes calligraphiques. Elles sont devenues les 11 000 vierges de la Légende dorée, mais elles n'ont pas trouvé leur sainte Ursule. C'est ainsi qu'à la fin, seul le nom de leur assassin, Marc Lépine, finit par s'imposer et que le film de Villeneuve, Polytechnique, raconte essentiellement l'histoire de l'assassin. C'est une reprise du méchant tour qui fait qu'on se souvient du nom du Sieur de Gambais, mais qu'on a complètement oublié ceux des victimes de Landru. Pourtant, sans Landru, pas de Monsieur Verdoux de Chaplin. Avec les 14 victimes de polytechnique, même l'imaginaire féminin ou féministe échoue à créer une tragédie moderne qui aurait pourtant tant de réverbérations dans le monde à l'ère des massacres de masse.

Nous n'arrivons pas à extraire la portée universelle de notre vécu collectif car nous ramenons nos anecdotes à nous-mêmes; à nos petites préoccupations bourgeoises et quotidiennes; à nos idéologies domestiques. Les enlèvements d'enfants et les pédophiles d'une extrême perversité n'accèdent pas à l'ampleur d'un Richard III car ils s'abîment dans des anecdotes d'adultères, de pères absents/fils manqués, de mères névrosées et d'analystes qui nous expliquent comment faire de l'eau tiède. Une légende urbaine avorte dans la médiocrité ou la banalité. Une femme abusée, violentée ou carrément violée devient un cas pédagogique qui nous conduit à la leçon civique de l'agent Bumbray. Inutile de dire que nous sommes loin de Lucrèce! L'autiste de service ou le nègre obligé nous conduisent à des rengaines d'adaptation au nous inclusif. Si on ne se couche pas moins bêtes, du moins nous sentirons-nous davantage bien-pensants. De l'ancienne morale cléricale qui empoisonnait la poésie de jadis à la nouvelle morale télévisuelle qui s'impose jusque dans les films et les romans, nous restons tout aussi impuissants à dominer le monde et à élever nos personnages à des niveaux surdimensionnés qui sont indispensables pour que toutes les cultures, voire les civilisations, puissent s'y reconnaître. Achab est peut-être un personnage déchu, démoniaque et il mourra vaincu sur le flanc de la Baleine Blanche, son obsession, mais ce que le monde entier retient de lui, ce n’est pas son échec, mais le fait qu’il a su dominer la banalité et la médiocrité de l’existence. Il ne s’agit donc pas d’une reconnaissance du thème, «oui, oui, on se reconnaît dans votre ouvrage», mais d’une reconnaissance du transcendant qui ouvre et engage à un dialogue universel. Quel roman québécois pourrait être comparable à To kill a mocking bird?

Qu'une Antigone grecque finisse par se reconnaître dans une Antigone française avec Anouilh; allemande avec Hölderlin ou italienne avec Alfieri. Qu'une Lady Macbeth se retrouve dans un tableau anglais de Füssli, un roman russe de Leskov ou un film japonais de Kurosawa. Qu'un Dom Juan parte d'une pièce espagnole de Tirso de Molina, puis repris par le Français Molière, enfin en opéra par l'Autrichien Mozart. Toujours l'esprit créateur brise le cocon de la morale familiale pour s'élever au-dessus d'une humanité, transcendant les contingences pour accéder à l'universel. Si une œuvre est bonne que pour la culture qui lui donne vie, elle sera oubliée assez rapidement et n'inspirera pas à s'élever de la satisfaction incestueuse. Qu'elle brise par contre ce cocon utérin, qu'elle se donne une ambition, un style, une force confinant au sublime, c'est-à-dire, à ce qui à la fois émerveille et terrifie (awsome), alors il sera possible de dire que la littérature québécoise atteint à l’universel. Autrement, c'est du stuff pour le Colisée du Livre – bien qu’il m'arrive parfois, à travers la soue, d’y trouver une perle
Montréal
8 décembre 2017

Commentaires
Lisette Tardif
Lisette Tardif Excellent. Merci Jean-Paul. Autrefois, j’ai déjà lu tous ces romans québécois parlant surtout du terroir et à la suite certains plus modernes. Ducharme m’a charmée. Notre problème c’est que nous sommes un peuple trop terre à terre, trop pragmatiques, l’imaginaire n’est pas spécialement encouragé, la culture a été considérée trop longtemps comme une propriété de snobs ou d’illuminés. Bref, on ne nous a pas appris à voler.
Jacques Desrosiers
Jacques Desrosiers Jean-Paul, quelques remarques spontanées, je n’ai lu votre article qu’une fois, je vais relire. 1) Dans les conversations littéraires que j’ai eues dans mes 6-7 années aux USA fin 70, début 80, j’ai toujours entendu les Américains se plaindre de leur littérature comme des complexés et chercher des puces à tout le monde, Capote, Melville, Sinclair Lewis, etc. Faulkner l’obscur ! presque préféré par les Français un peu comme l’Allemand Jünger. Ils préfèrent souvent leurs essayistes, Didion, Mencken, E.B White, etc., ce qui ne doit pas être pour déplaire à Étienne Beaulieu si c’est exact. 2) Les Européens ont encore la cote aux USA et suscitent admiration et envie. Quand un écrivain britannique ou un philosophe européen débarque, il est reçu en grande, sollicité partout. Houellebecq fascine. Knausgaard a été porté aux nues. De plus, les profs dans les universités viennent d’un peu partout dans le monde. 3) La question des héros est pour moi secondaire. Beaucoup des chefs-d’œuvre de la littérature française n’ont pas de « héros » : le théâtre de Molière, Candide, Madame Bovary, la Recherche. 4) Je suis convaincu que le problème central de la littérature québécoise est la langue : manque de moyens, maîtrise insuffisante, parfois presque impuissance et même médiocrité.
Jean-Pierre Paré
Jean-Pierre Paré Je suis d'accord avec votre point 4).
Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal Je ne sais pas si les Américains de toutes les classes sociales ont la même attitude envers leur littérature. Certes, les intellectuels ouvraient toutes grandes les portes à la French Theorie, et je ne sais pas si c'est encore le cas aujourd'hui. Toutefois, je remarque que le cinéma américain adapte ses romans qui font souvent des succès au box-office. Par contre, on ne les voit pas ou très rarement adapter des romans européens. À côté du roman noir, ils ont développé le cinéma noir tiré à même de Chandler ou de Hammett et de plus récents encore. Ils ont fait combien de remakes littéraires et cinématographiques de Moby Dick par exemple et même de certaines nouvelles ou romans de Hemingway ou de Faulkner. Par contre, on voit aussi les Français vouloir imiter les Américains mais sans la maîtrise des techniques avec lesquels ils font leurs comédies et leurs films numériques plus proches du dessin animé que du cinéma d'auteur. De même, beaucoup de théoriciens américains trouvent audience auprès des milieux universitaires français et qui ne font que rabâcher des éléments de la philosophie allemande ou du déconstructivisme structuraliste...

Les États-Unis sont le centre de l'État universel occidental, et c'est normal qu'on y retrouve des universitaires de partout dans le monde. C'était ainsi à Alexandrie, à Rome, à Paris comme à New York aujourd'hui. Je me rappelle du temps où des Foucault, Derrida, Barthes ou de Certeau se rendaient aux États-Unis pour y jouer avec ces merveilleux jouets qu'était alors la Cybernétique. En retour, je ne sais pas de quoi exactement ils leur parlaient car l'esprit pragmatique de la pensée américaine est peu faite pour les spéculations abstraites. Il est vrai qu'avec la mode des néologismes à la Heidegger, ils pouvaient s'en tirer comme par un tour de magie, mais dans le fond, ni la psychologie behavioriste, ni la sociologie fonctionnaliste n'ont perdu leur supériorité dans les grandes universités américaines. Cela ressemble à ce qui se passait ici : on recevait les vedettes, on les laissait faire leur cirque afin d'attirer l'attention des réseaux universitaires, puis on refermait la boîte une fois la vedette partie. Partout le monde universitaire est un monde d'apparences. Il est difficile d'en sonder le coeur et les reins.

Sur le 3e point, je ne suis pas d'accord. Même la littérature orientale, en Inde comme en Chine ou au Japon s'incarne dans des archétypes individuels qui renvoient à la collectivité. Combien de personnages Molière a-t-il inventé qui sont devenu des types universels : Harpagon l'avare est déjà notre Séraphin Poudrier; le Tartuffe insultait encore au clergé québécois; le Candide de Voltaire est aussi un nom commun, Madame Bovary est à l'origine du bovarysme qui est une des nombreuses formes que prend la mélancolie de nos jours et même la Recherche est souvent synthétisé par le seul prénom de Marcel. Dans un monde aussi individualisé que le nôtre, il arrive que le personnage individuel perde sa dimension archétypale pour devenir un nobody comme tout le monde. C'est le cas de Willy Lowman dans Mort d'un commis voyageur de Arthur Miller ou du même, le Eddie Carbone de Vu du pont. Ces personnages collent à la peau de la culture américaine, comme les tableaux de Hooper. Ils sont ce que Benjamin Franklin appelait déjà d' "honnêtes médiocrités", et cela seul représente l'Américain moyen aux yeux de biens des Européens! Bref, les Américains ont de loin une meilleure relation avec leur culture littéraire, quoiqu'en disent les snobs universitaires, comparés avec les Québécois et même les Canadiens anglais qui semblent découvrir Margaret Atwood à travers une récente série télé.
 
Yves Cozic
Yves Cozic Le Québec ne parle que d'une région de 1,7 million de km2, alors que les grands auteurs français écrivent sur le Ve arrondissement (et un peu du sixième)
Jacques Desrosiers
Jacques Desrosiers Vous sembliez faire reposer la littérature sur un socle mythique, un mythe fondateur, avec des personnages surdimensionnés. Est-ce que la meilleure littérature américaine, est-ce que les chefs-d’œuvre français, reposent là-dessus, y doivent leur existence ? – La relation qu’ont la masse des Américains à leur littérature passe par le visuel, le cinéma, etc. C’est la même chose au Québec, non ? Les Belles Histoires des pays d’en haut. Des personnages stéréotypés, des héros ordinaires, il y en a eu plein les séries télévisées, souvent adaptées d’œuvres littéraires. – Si la littérature québécoise est inférieure (je dis : SI, je ne suis pas un disciple de Marcotte), la seule explication que je vois, encore une fois, c’est la langue et avec elle la valorisation de la littérature. C’est ça le problème. C’est par la langue que ça passe et elle n’est pas valorisée. On ne peut clouer un clou à coups de poing. – Le terroir a le dos large. Il y a eu de grandes œuvres. Trente arpents reste très fort. La corruption, etc.

Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal Je suis d'accord sur le fait que la littérature américaine, auprès des masses, passe par le cinéma - tout comme ici d'ailleurs -, la différence est que, parce que traduite en film, elle sera mieux appréciée, ce qui n'est pas toujours le cas ici. Voire rarement le cas. L'essentiel de mon argumentaire réside précisément dans le fait que les héros "ordinaires"... restent "ordinaires". La première mouture de Séraphin Poudrier, pour prendre un exemple, se rapprochait d'Achab en tant qu'il s'élevait vers le démoniaque (il n'avait pas seulement un vice, il les avait tous) et celui de la nouvelle série tend à lui redonner cette dimension. Celui des années 60-70 finissait par apparaître sympathique tant il perdait de cet aspect démoniaque pour redevenir plus "humain", Grignon tenait à le ramener à un niveau plus acceptable pour le médium télévisuel. Il y a des oeuvres qui n'ont pas besoin de "héros" ou de "démons". Je pense à Tchékhov par exemple. Dans les années 70 on parlait beaucoup du anti-héros qui magnifiait quand même les "hobos" et autres "déchus" qui peuplaient les romans d'après-guerre comme "On achève bien les chevaux" ou "Le facteur sonne toujours deux fois", qui hissaient le modèle de l'anti-héros ...qui finissent toujours par se transformer en ...héros. Euchariste Moisan de Trente Arpents, c'est la réalité du roman du terroir ramenée dans la figure de Jean Rivard, roman du terroir "pédagogique". Les rêves de Gérin-Lajoie ne sont plus de mises pour Ringuet et le vieux Moisan ira finir ses jours aux "États", non pas comme les "conquérants" partis trouver de l'emploi dans les "fabriques" de Lowell, mais comme poids lourd à supporter par son fils. Tout cela fait sans conteste notre histoire littéraire, et elle n'est à dédaigné dans aucune de ses phases car elle est NOTRE histoire. Pour cette raison, je ne suis pas non plus l'opinion de Marcotte. Cependant, ces personnages comme Moisan ou Rivard ou même Maria Chapdelaine pour reprendre les classiques et tous ceux d'aujourd'hui que je connais guère, ne s'élèvent pas, non en "héros", ce qui n'est pas mon expression, mais en personnages surdimensionnés. Ceux-ci le sont, non par des effets spectaculaires ou surnaturels, mais par une richesse littéraire, linguistique s'il faut dire ce terme inapproprié, qui transporte une élévation d'âme (expression peut-être douteuse en ces temps si matérialistes et athées) devant lesquels on peut dire "Wow|" La maîtrise subtile de la langue permet de traduire le génie d'un auteur et de le faire passer à travers des êtres réels ou fictifs, voire même à des objets (la berçante dans le film Crac) ou des animaux (les bêtes de Jack London, Croc Blanc est connu à peu près partout dans le monde). Je suis d'accord avec vous, c'est la langue qui fait problème dans la mesure où on ne l'aime pas autant qu'on le dit puisqu'on ne la cultive pas et qu'on l'assassine avec des anglicismes afin d'abolir ses soi-disant structures hiérarchiques. En retour, elle surcharge l'esprit de faux débats, de thèmes idéologiques lourds et stériles, tue "l'âme" qui se laisse "désarmer" par ce tas de conneries qui fait vendre, apporte des sous aux box-office et fait vendre les publicités plus chers dans Unité 9...
 
Jacques Desrosiers
Jacques Desrosiers En creusant, on va toujours retrouver l’épouvantable anti-intellectualisme que traîne le Québec dans son for intérieur. Mais ça serait rêver en couleurs d’avoir en même temps un peuple qui se voit comme né pour un ptit pain et des oeuvres fortes à effet Wow. N’empêche que si je lis une semaine, disons, Le voyage d’hiver de Nothomb, bien ordinaire et moyen, et la semaine suivante, Trente Arpents, très fort, je me dis : où est-ce qu’il est allé chercher ça Marcotte ? Comme disait Pierre Corbeil sur un autre fil : œuvre par œuvre.
 
Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal Oeuvre par oeuvre, en effet. Notre littérature n'est pas exsangue. Je pense que Marcotte, qui avait investi beaucoup d'attentes dans les années 60 dans cette "littérature qui se faisait" a fini par déchanter. Il pensait surtout à la littérature canadienne-française telle qu'elle se présentait encore dans les années 50 et 60; lorsqu'elle est devenue québécoise, orientée vers une option politique et sociale qui n'était pas la sienne, alors il s'est retourné, comme un bon élève des collèges classiques, vers la seule littérature qu'on disait alors respectable. Il n'est pas le seul à avoir opéré ce type de bifurcation dans sa génération.
 
Lisette Tardif
Lisette Tardif Mais quand on voit l’engouement pour Broue, les Bougons et la Petite vie, on réalise que nous sommes avant tout des bouffons.
Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal Oui, "le temps des bouffons", sans contredit le meilleur film de Falardeau que j'ai toujours trouvé médiocre réalisateur. Sol, toutefois, apportait une touche qui élevait le bouffon au rang du rêve que, peut-être, caressons-nous inconsciemment : celui de bouffon des rois. En ce sens, nous serions ceux qui portent la sagesse auprès des "hômm d'affères" et des Premiers ministres. C'est une nouvelle mouture de l'usage dont le clergé se faisait de la parabole de Marthe et Marie, Marthe s'affairant à préparer la table tandis que les yeux de Marie plafonaient vers les Paroles coulant à flots de la bouche de Jésus. On nous faisait la leçon en disant que le rôle ingrat appartiendrait aux Canadiens anglais avec la business et la politique, alors que nous étions Marie qui s'abreuvait des Paroles du Christ pour rentrer plus vite au Royaume des Cieux. En fait de bouffons, nous n'avons rien à dire de plus que des "jokes" assez débilitantes. Si au moins, il y avait quelque chose d'autre à côté. Si, en tant que bouffon, nous atteignions au moins le niveau d'Auguste, Auguste, auguste de Pavel Kohout (joué en 1973 au théâtre Denise Pelletier avec Marc Favreau dans le rôle d'Auguste; la traduction française avait fait disparaître un "auguste" du titre!) ou si nous pouvions faire une réinterprétation des thèmes de Shakespeare comme le faisait Jan Kott à propos du Pacte de Varsovie, ce serait déjà mieux. Et Brecht qui associait Hitler à Al Capone? Pourquoi pas Bouchard ou Couillard à Mesrine ou Rivard?
Lisette Tardif
Lisette Tardif Des bouffons de pacotille mais fous du roi, aussi burlesque soit-il...si au moins après Sol, il y avait eu un Là, nous aurions pu monter dans la gamme politique...
Pierre Corbeil
Pierre Corbeil
« Il m'arrive de penser que ce qui manque, essentiellement, au roman québécois, c'est une certaine dureté. Elle se manifeste parfois - je pense au mépris du père Didace pour sa famille, dans le Survenant - , mais furtivement, comme honteuse d'elle-même. Il n'y aura de vrai, de très grand roman québécois que délivré de cette complaisance, de cette compassion qui non seulement suit la faute mais la précède, la prévient, l'empêche d'exister. Je rêve d'un roman dur, cruel même, où le Québec serait l'objet d'une haine bien franche ou d'une ironie féroce. Ce roman nous rendrait fiers d''être Québécois. » ( écrit entre 1983 et 2001 par Gilles Marcotte )
Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal  Je pense que la dureté se manifeste dans la littérature québécoise dès que ce roman devient réaliste, lors de l'entre-deux-guerres avec des romans comme La Scouine d'Albert Laberge puis Un homme et son péché de Grignon. Le Survenant, qui est sans conteste un chef-d'oeuvre littéraire qui vaut bien des romans français malgré certains défauts, montre la honte du Père Didace devant la faiblesse d'Amable son fils unique, mené par le bout du né par Phonsine, son épouse hystérique. Il reporte son attachement paternel sur le Survenant, imago du bon Fils, qui est aussi un vent de liberté dans un monde qui se meurt d'ennui. Ce n'est pas très "cruel" mais pour Marcotte, qui pense probablement dans les termes d'Artaud sur le théâtre de la cruauté, il est vrai que les romans québécois flottent noyés sur les larmes de complaisance envers ses personnages. C'est ce que reproduisent les téléromans où après des séries comme Unité 9, O', District 31 ou Mémoire vive, je dois donner un coup de torchon au téléviseur pour essuyer les éclats de larmes éjaculés par la série.

L'amour et la mort sont toujours les thèmes les plus importants de la littérature. Outre les anecdotes secondaires, c'est la mort de Hector, puis celle de Achille qui font l'importance de l'Iliade. L'amour n'a jamais été un thème majeur des oeuvres antiques, à moins que nous les relisions avec nos yeux contemporains, comme on le fait avec Antigone pour délirer le même discours féministe qui n'a pas rapport. Il y a deux mythes qu'on pourrait qualifier de purement occidental, celui de Tristan et Iseut, celui de l'amour tragique qui affirme que l'amour est plus fort que la mort; et Faust qui ramène le pacte que l'homme passe avec le diable et dont l'amour finira par le sauver (le Hollandais volant en est une variante). Or, l'amour tragique semble impossible en Amérique du Nord. L'anecdote de l'île de la Demoiselle, rapportée par Roberval et reprise par Marguerite de Navarre dans son Heptaméron, raconte le moment où le capitaine, Roberval, fait descendre sur une île abandonnée, sa nièce et son amant et les y abandonne. L'amant meurt et la nièce sera récupérée des années plus tard, pratiquement folle. C'est comme, pour plagier Dante, qu'il y avait un écriteau suspendu au-dessus de l'estuaire du Saint-Laurent disant : "Vous qui entrez ici, abandonnez tout amour". "Ne pensez qu'au passage vers la Chine, à l'or du royaume du Saguenay, la morue, les fourrures, le bois d'oeuvre, les mines, Hydro-Québec, les forages... " Hémon, qui venait de France et connaissait bien le mythe de Tristan, a voulu récrire le mythe à travers l'amour de François Paradis et de Maria Chapdelaine. La mort de François, gelé par une tempête, condamne Maria à vivre en reproduisant la vie de sa mère, vie inauthentique par excellence. Le mythe échoue. Maria ne se suicidera pas pour rejoindre son amour qui succombe avec la mort de François. Hémon comprenait, peut-être de manière inconsciente, l'impossibilité du mythe au Canada. On a essayé de reproduire ce mythe essentiel à l'Occident, mais sans jamais y parvenir. Mieux vaut l'éviter. On remplace la passion par la complaisance, la compassion afin de prévenir que la passion ne s'accomplisse. Aussi, retourne-t-on toujours dans la cuisine à tâter notre tasse comme le fait la malheureuse Phonsine.

Aux États-Unis, les Américains ne sont guère plus chanceux. Pocahontas ne mariera pas le beau capitaine Smith, mais un barbon, marchand de tabac, qui l'emmènera mourir d'ennui à Londres. Pourtant, Fenimore Cooper parvient, dans Le dernier des Mohicans, a reproduire d'une façon authentique le mythe de Tristan à travers le lien entre Uncas et Cora qui se suicide après la mort du "dernier" des Mohicans. Autrement, on trouve peu de véritables romans d'amour qui s'achève autrement que dans un conte de fées du "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants" de Disney, ce qui ramène l'intrigue au niveau de la platitude la plus bourgeoise. Il faut plutôt voir dans un couple comme Bonnie & Clyde, une histoire d'amour tragique dans la folie cruelle des vols de banque et des meurtres. Pourtant, c'est cette "cruauté" qu'aurait aimé retrouver Marcotte, et notre inceste paranoïaque, qui ne voit dans la violence que le désordre qu'elle cause et non l'accouchement qu'elle permet, la condamnerait à une éternelle immaturité.
Pierre Corbeil
Pierre Corbeil
j'avoue que votre regard est absolument fascinant et très éclairant; j'entends une chanson dans ma tête qui me dit que je ne vois plus de la même manière
 
Jean-Paul Coupal
Jean-Paul Coupal Probablement de Jean-Pierre Ferland? :-D
 
Pierre Corbeil
Pierre Corbeil
Jean-Paul Coupal en effet, le Petit Roi, cela m'est revenu peu après

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