samedi 30 mars 2013

Printemps des Rameaux, Printemps du Golgotha

Georges Rouault. Christ dans la banlieue
PRINTEMPS DES RAMEAUX, PRINTEMPS DU GOLGOTHA

Cette année, le printemps est plutôt tardif à Montréal. Il est vrai que depuis les manifestations étudiantes, il est difficile de trouver un spectacle de qualité en ville. Il faudra attendre le mois de juin, avec les Francofolies, puis le Festival de Jazz, le Festival Juste Pour Rire et celui des feux d’artifice, qu’on appelait, du temps où les compagnies de tabac pouvaient commanditer un événement populaire, le Festival Benson & Hedges, sans oublier le Métropolis bleu (qui fut le Métropolis rouge [sang] lors de la proclamation de l’élection du gouvernement du Parti Québécois en septembre 2012) et, pour les snobs, le Festival des Films du Monde qui coiffe le tout. Puis, au mois d’août, ce sont les festivals de province qui attirent tout leur lot de festiveaux : le Festival du cochon de Sainte-Perpétue; Festival de la Gourgane; Festival du Bleuet; Festival des traditions du monde de Sherbrooke, et ce ne sont là que quelques titres parmi tant d’autres. Il est vrai que nous avons perdu le Festival international des châteaux de sable du Parc Lafontaine, mais… bon… Ça faisait trop de bruit et ça dérangeait les voisins. Il y a un prix à payer pour devenir «universel».

Évidemment, rien de comparable avec les manifestations populaires du printemps 2012. Des grands rassemblements du 22 de chaque mois aux défilés nocturnes et aux parades de casseroles après souper, la tension s’est soutenue au-delà de ses capacités de mobilisation et le succès réside là où la conscience a trouvé son chemin. Aussi, la débandaison québécoise devient-elle lente à s’instiller dans les esprits survoltés. La tristesse érode péniblement son chemin dans la pinède des passions, des festivités conviviales, des espérances de régénération de nos vaisseaux sclérosés par tant de corruptions, de lâchetés, de veuleries, de violences policières gratuites et de complicités médiatiques abjectes. Aucune diète de la corruption n'est prescrite par les hygiénistes ni par les médecins spécialistes. Les grumeaux se promènent dans les artères de la ville de Montréal, ébranlent les bretelles de Turcot et l'autoroute surélevée Crémazie. Le cœur du centre-ville est bloqué, les globules avancent au pas à pas. Ici, les policiers de Pâques se montrent moins efficaces à diriger la circulation qu'à disperser une manifestation pour l'avorter avant son départ.

La sérénité des premières manifestations de l’an passé s’est transformée en morgue pesante sur les visages. Pourquoi tant d’efforts pour des résultats si maigres et incertains? Se résigner à voir ces salopards de libéraux, dirigés maintenant par Monsieur Coucou à Québec, propice à s’installer dans les nids vautrés par le gros Arthur Porter, s’opposer à la Dame en Béton armé, engendrée du pont de Farnham, c'est une vie publique de serpent ouroboros. À Ottawa, probablement menés par Justin Trudeau, qui dément à lui seul la phrase de Pascal (Blaise, et non le magasin de meubles qui n’existe plus d’ailleurs) qui affirme que la nature a horreur du vide, les Libéraux se présenteront comme la seule alternative à cette face de plâtre brachiocéphalique de Stephen Harper. Voici donc, surgissant entre les lapins de Pâques, les œufs en chocolats, les poules et leurs poussins, ces Couillard, Marois, Trudeau, Harper, Guy A Lepage, Mario Dumont, la clique des Desmarais-Chrétien dans leur château de poupées où ténorise le gros Hervieux, le troupeau des damnés de l’Agence Goodwin, les putes de l’Hôtel Jolicœur recyclées au Lion d'Or, les cendres du foyer d’Isabelle Gaston, les larmes de remords embouteillées du docteur Turcotte (qui remplacent l’eau de Pâques), la dyarchie PKPimp et du nabot Labaume de l’amphithéâtre de Québec, Appleboum, et tout ce qui décompose l’humus québécois sous les chauds rayons de la Commission solaire Charbon-No. Les lettres des mots se détachent et s’écoulent comme des feuilles séchées emportées par l’eau de fonte des espérances-désespérantes de ce printemps funèbre. Les dernières gouttes de sève sont congelées, comme le sperme fétide de René Angelil, afin de faire d’autres petits mitrons d’argent à la grande Celine lorsqu’elle trouvera que le temps s’étire en langueur, comme dans les tableaux d’Avida Dollars.

C’est là un effet de l’interminable débandaison de ce printemps de l’an passé. Tout ce qui reste, ce sont les crapules : Monsieur-Trottoir qui n’est pas Net. Monsieur 3% qui nie tout (comme Louis XVI à son procès). Zambino, Zampino, tous applaudis à Tout le Monde en Parle, qui perd - enfin, ce n’est pas trop tôt - ses cotes d’écoute de spectateurs automatiques conduits par le marionnettiste qualifié d'entraîneur de foules. Des éructations sorties de la radio X de Québec embranchée à Montréal, comme si nous n’avions pas assez de nos Martineau-gorlot, Dutrisac-percé, Denise Boomerdier, du gros Réjean Tremblay et autres écrivassiers du ‘ournal de Mont’éal, scandant les litanies quotidiennes, les spectres hertziens et autres manifestations surnaturelles mais non spirituelles qui ont remplacé les merveilleux personnages des frères Grimm dans l’imaginaire de nos enfants. De plus, il y a ce maudit Magnotta, tout de blanc vêtu, pareil au docteur Lecter, enfermé dans la cage où il éventre un policier dans Silence of the Lambs. Il est vrai que bébé-Magnotta est loin du génial docteur, esthète cannibale, rêvant de sa Florence de la Renaissance, où les monstres étaient également intelligents, cultivés, raffinés, mais pas moins meurtriers ou sadiques pour autant : ces condottieri, dont la mémoire fut perpétuée par l’enseignement historien de Jacob Burckhardt à son confrère et élève, Nietzsche, qui fit de cette esthétique du passé l’anticipation de celle de l’avenir, appelant ainsi à l’éternel retour que nous ne cessons volontiers de reconstituer. Car, le condottieri, c'est le surhomme de nos fantasmes contemporains de «petits hommes». Les Marvel Super Heroes de nos commentateurs politiques et de nos universitaires. Ces mercenaires que sont ces nouveaux chefs salariés du Parti Libéral du Québec. Ces ambitieux qui cachent leurs gloires personnelles derrière le fantôme de la souveraineté-association. C’est de cet enseignement et de nul autre, enseignement que les prof de philosophie de nos universités dissimulent régulièrement afin d’amplifier l’originalité du philosophe-fou au détriment de cette maudite connaissance historique qui domine toutes les autres branches de la rencontre du Singulier et de l’Universel, en commençant par l’histoire de la philosophie même, que sont nés nos escrocs qui défilent devant la Commission, fiers d’avoir roulé ce peuple si faible et taré.  

Car les faibles, comme il est convenu, ne demandent qu’à se laisser dominer, qu’à se laisser réifier au niveau de l’objet. Ils se lamentent, maudissent les puissants, envient les riches, méprisent les créateurs, vomissent leurs inutiles ressentiments sans jamais faire le moindre effort, se doter du courage qu’exigent la connaissance et la conscience comme défis souffrants de l’existence humaine. Se comportant comme des enfants, ils méritent d’être traités en enfants, méprisés avec condescendance par les puissants de ce monde. Lorsque la peur de la liberté s’achève dans la servitude volontaire, nul pardon, nulle pitié, nulle compassion - et c’est terrible à dire - ne peuvent rédimer les damnés.

Et n’est-ce pas cela le vendredi saint des chrétiens? Le jour où l’on célèbre le triomphe du Mal dans la destinée terrestre. Le sort du Nazaréen crucifié au Golgotha. Comme les Juifs n'entendent rien au destin tragique, ils ont inventé une résurrection le surlendemain afin d’ajouter un happy-end à ce qui n’était qu’une lente descente aux enfers d’un malheureux qui pensait qu’en cette cité humaine, il suffisait d’être bon, humain, généreux envers ses semblables pour que triomphe un mode d’être différent de celui de la violence et de la ruse qui trônait dans l’empire romain. Il en fut remercié en étant précipité dans les profondeurs de l’abject et du néant. Un caveau, par charité, fut offert à sa dépouille par un bien-pensant pour qu’on l’ensevelisse et qu’on n’entende plus parler de lui. Tout le reste, c’est de la mythologie, et les Pâques ne peuvent compenser ce qui a été perdu au Golgotha un jour et demi plus tôt.

Le printemps 2012 fut celui des rameaux. Le printemps 2013 est celui du Golgotha. À la place des centurions romains, des policiers menteurs, fraudeurs, voleurs, assassins. À la place du Sanhédrin, TVA, Radio-Canada, la Presse, le Devoir, le ‘ournal de Mont’éal ou de Québec, le Soleil, les radios et tous ces blogueurs, facebookers, twitters du ressentiment qui bafouent, ridiculisent, crachent, fouettent les manifestants qui osent dénoncer la brutalité de leurs persécuteurs, pendant que ceux-ci cachent hypocritement leur face d’ombre derrière la lumière du Code de Lois. Jouant le rôle de Pilate, les politiciens se bousculent au lavabo. La prêtresse du culte d’Isistendantiste se lave au Purel pour être certaine qu’aucune particule alimentaire du vieux rêve mangé ne lui soit restée collée entre les dents. Bachand, Couillard, Moreau rachètent les bouts de bois commandés par Charest. L’insignifiance ici a un nom : François Legault. François, comme le nouveau pape, qui, lui aussi, «parle» aux oiseaux du financement, aux thérapeutes de la petite et moyenne entreprise, aux fossoyeurs des économies régionales. Ce «panel» de Pilates se dispute clous, marteaux, épines…

La farce ne serait pas complète sans les faux apôtres, ceux qui dorment au gaz ou avec un ticket pour la prochaine croisière payée par Acurso aux Bahamas. Les chefs syndicaux, les politiciens de gauche incertains, même ce technocrate à lunettes qui s’est fait payer les chips et la bière lors du dernier scrutin par Son Excellence Jacquo de La Lotto-Parizeau, Jean-Martin Aussant, qui y va de son commentaire digne des huit fromages d'ici : «Je ferai d’abord l’hypothèse que vous êtes des manifestants de bonne foi et que vous marchez dans les rues de votre ville avec des intentions pacifiques, pour soutenir une cause à laquelle vous croyez, et qui se situe elle-même à l’intérieur d’un certain domaine du gros bon sens. Parce que si vous n’êtes dans la rue que par manque d’émotions fortes, le visage masqué, à la recherche d’une vitrine à fracasser ou d’une altercation défoulante, vous appartenez à la catégorie des oligophrènes et, de toute façon, vous ne vous êtes sans doute pas rendus jusqu’ici dans le texte (pas assez d’images et trop de mots)». Wow! En effet, qu’est-ce qu’un oligophrène? Ici, les dictionnaires ne s’entendent pas. Pour les uns, c’est un mot masculin issu «du Grec "oligos" : "rare" et "phrenos" : cerveau. Se dit d'un individu qui a peu de jugeote, qui est gentiment limité du bulbe, voire qui est d'une bêtise - feinte où réelle - crasse. "Oligophrène" est un mot élégant qui permet d'insulter publiquement un individu tout en conservant la hauteur de ton de bon aloi que ne permet pas l'usage de "demeuré", "gros con"», bref, en bon Québécois, un arriéré. Mais un dictionnaire médical, plus spécialisé, moins «vulgaire», rappelle que l’oligophrénie est un «terme qui désigne tous les déficits intellectuels, allant de la débilité mentale à l'idiotie. C’est le cas de certaines insuffisances du développement psychique dues à des malformations ou à des dysmétabolies cérébrales. Il existe une oligophrénie particulière dite phénylpyruvique ou maladie de FÖLLING ou PCU (phénylcétonurie), dans laquelle la phénylalanine est augmentée dans le sang dès le 4e jour de la vie du nouveau-né. Sa recherche est systématique et elle se fait par le test de Guthrie […] Oligophrène : qui est atteint d'oligophrénie». Ce nouveau juron du capitaine Haddock proféré par un Pierre au coq Saint-Hubert, cachet versé à la Souveraineté du Québec et à l’aliénation des Québécois, montre que le temps des Judas est passé de mode. Il n’y a même plus de Mickey Mouse pour servir de monnaie d’échange et montrer à quel point la foule est ignoble lorsqu’il s’agit d’exécuter au Golgotha. Oligophrène comme insulte ou oligophrène comme défaillance métabolique? Dans le premier cas, c’est un pré-requis essentiel pour devenir député ou sénateur conservateur à Ottawa; dans le second c’est une maladie dont cet oligophrène d’Aussant ne serait pas capable d’expliquer lui-même la genèse.

Certes, me diront les plus négatifs, il y a encore la «cravate» du juge Boisvenu et les cendres des enfants Turcotte/Gaston, et la tête de Jun Lin, et tout un ensemble d’objets macabres qui alimentent les débats de la clique des ex ou de Larocque/Lapierre. Un bavardage incessant qui ressemble aux battements d’ailes des abeilles dans la ruche, à la seule différence qu’elles travaillent, elles. Ce bourdonnement incessant, angoissant, amplifié par les décibels qui se rapprochent de nous, suffit à rendre fou. Ajoutez-y les média sociaux, les i-phones, les i-pads, les I don’t know et, comme les moutons de Panurge, vous vous précipitez dans le vide. On ne peut plus trouver à fuir dans un lieu épargné de tous ces déchets qui vont de la couche emmerdée de Guy Laliberté dans l’espace à la publicité de la Swiffer du Téléjournal du midi. Le Québec, c’est la nouvelle Pologne d’Alfred Jarry. C’est l'opéra des cantatrices chauves. Le «monologue» de Pogo dans La Petite Vie, ce téléroman haineux des Québécois cogité entre deux référendums et justifié par les résultats du second. Ces épisodes que l’on se repasse sans cesse depuis 20 ans, avec les mêmes injures, le même ton méprisant, les mêmes cris de haine de soi hystérique qui se dit elle-même comme une reine de carnaval. On surprendrait Bonhomme passer la porte! Et on se répète : les Tarés, les Tarés, Famille tarée. Non, rien n’a changé dans le merveilleux monde des oligophrènes de Maria Chapdelaine.

On pourrait assurément en appeler aux oligophrénies des autres peuples : il Cavaliere en Italie, les chicanes de corridas en Espagne, les démêlés Sarkozy/Bettencourt en France, Vladimir Poutine, le sang sur les mains et la face dans le yogourt, les milliers de représentants chinois qui défendent le capitalisme avec les lois communistes, l’état de guerre dans lequel s’est placée la Corée du Nord. Qui croit au sérieux de tout ceci? Même dans la sottise, nous restons des médiocres, et ce peut-être une chance, parfois, que d’être médiocre lorsqu’on vit dans un monde d'oligophrènes gigantesques.

On ne peut en être fier si moindrement nous partageons une estime de soi collective. Sauf au Québec. La gloire, ici, est pour les médiocres. Autrement, l’exil. Mais lorsque les médiocres s’exilent, que reste-t-il? Voilà où nous ramène le printemps 2013. Au retour à cette médiocrité qui a permis le four dans lequel nous sommes rendus : corruption, manque absolu d’équité sociale, mépris des artistes et des artisans sur lesquels les prédateurs font leur argent, mépris des enfants dont la conscience est quotidiennement violée par la publicité, les jeux vidéo et les enseignements nians nians pourvu qu’on ne touche pas à leurs petits corps angéliques. Surcompensation morale pour une hystérie incontrôlée. Parents insouciants, enfants mal élevés. Tout cela enrobé d’amour, de câlins, de calinours, de psy squad. Combien de familles québécoises font du bungie sans élastique? On a qu’à se consoler en disant que les travailleurs sociaux ramasseront tout ça.

Tout ça, c’est la misère au quotidien, blême, blafarde, sans l’éclat étincelant et pétaradant des fusillades des écoles américaines. Voilà ce que ça donne un peuple platte. Platte jusque dans le fond de sa misère. N’essayez pas d’écrire Les raisins de la colère au Québec : investissez surtout dans votre libido perverse, dans les amours sordides, les incestes surtout. Une famille québécoise est un état d’orgie permanent entre ses membres, voilà pourquoi nos familles du passé étaient si nombreuses qu’elles débordaient dans les crèches et les orphelinats. Les pouvoirs cléricaux et politiques y puisaient leurs meilleurs coups quand ce n’étaient pas la tuberculose ou la poliomyélite qui dévoraient tout ce surplus de chairs, de muscles, de nerfs et d’os. Qu’a-t-on, après tout ceci, à pleurnicher pour des balles de plastiques ou des bombes assourdissantes? Revenir à la normalité, c’est revenir aux bobos individuels, aux maladies physiques et nerveuses. Le temps de la crise étudiante a vu disparaître la crise des urgences dans les hôpitaux, les conflits entre corporations médicales et infirmières, les manques de ressources humaines et matérielles en chirurgie. La crise finie,  nous voyons à nouveau les docteurs se chicaner entre eux, les infirmières sortir dans la rue, les urgences se remplir comme si elles s’étaient vidées les mois précédents, et en prime, cerise sur le sunday, le gros Arthur Porter, renvoi d’ascenseur des Rois Nègres du Sierra Leone à l’entrepreneurship capitaliste occidental, se sauver en empochant une petite fortune après avoir conseillé, avec Couillard, les Services canadiens de Renseignements et de Sécurité (SCRS). Beau fleuron patriotique! C’est bien sûr par racisme qu’on a décidé de ne pas nommer la rue qui devait lui être consacrée! Crossés par un Porter, fourrés par des Libéraux, enculés par des fédérastes, baisés à Disneyland, nous prenons place auprès des autres peuples par le plus grand dénominateur commun de l’hommerie, l’abus de confiance. Et dans l’abus de confiance, il n’y a que des coupables, aucun innocent⌛

Montréal
Pâques 2013

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