Les résultats de l’élection municipale de
Montréal du 3 novembre 2013 ne devraient pas étonner personne. Dès sa mise en
candidature, il était clair que Denis Coderre serait élu. Pourquoi? Parce que
le monde, le petit peuple, «aime Denis», même s’il sait qu’il est magouilleur,
corrompu, lèche-botte des riches et colonisé jusqu’au trognon. En cela, il est le démagogue héritier des Camilien Houde et Jean Drapeau. Son enflure
verbale qui correspond à sa silhouette gélatineuse le place entre le maire
Ford de Toronto, fourbe, arrogant et menteur et le maire Labeaume de Québec,
mégalomane, méprisant et complexé. Aussi, le scénario auquel nous venons
d’assister est celui de toutes les élections municipales du Canada, voire de l'Amérique du Nord. Malgré
toutes les preuves qui s’accumulent sur lui, Ford reçoit toujours un appui
populaire inconditionnel tandis que Labeaume veut modifier les lois du travail
afin de négocier à la baisse les avantages obtenus jadis par les employés
municipaux. Chicago n’était pas mieux «administré» du temps d’Al Capone que
Toronto, Montréal et Québec présentement.
Montréal, une ville de 1,886,481 habitants
(dernier recensement de 2011), son budget frôle les 5 milliards de dollars par
année. C’est un petit État à lui seul qui compétionnerait en étendu à certains
pays qui ont un siège à l’O.N.U.. Et comme toutes les villes, elle est une
proie facile pour les petites fraudes, les collusions, les renvois d’ascenseur,
etc. Bref, dans l’ensemble de l’Amérique du Nord, la corruption est une
culture, une structure de fonctionnement des rouages administratifs qui
gangrène la plupart des pays capitalistes. Les révélations sensationnalistes
auxquelles nous assistons, ici et là; des villes de l’ampleur de Détroit qui
font faillites, les arrestations de maires de petites localités ou de vastes
systèmes, comme celui établit et mené d'une main experte par le maire Vaillancourt à Laval, ville voisine
de Montréal sont de lointaines réminiscences des grands systèmes qui dévoraient
déjà New York à la fin du XIXe siècle, le Tammany Hall. Le célèbre Corruptus in extremis de Springfield dans la série télévisée des Simpson
est moins une caricature
qu’un portrait sans concession aux mœurs municipales, certains diraient
politiques, de l’Amérique du Nord. Mais ce serait oublier les magouilles de l’ex-maire
et ex-président de la République Jacques Chirac à Paris. Chaque pays, chaque
ville a son propre système de corruption et la première victime en est la
démocratie elle-même.
Ce fut encore le cas, le 3 novembre,
lorsque le taux de participation aux élections de Montréal s’est élevé à 40%, en
légère hausse d’avec le taux des dernières municipales en 2009. La journée
était belle, quoique frisquet, et l’on doit se demander si un référendum
nécessite un 50 + 1% pour être valide, ce que vaut alors un 40% de
participation à une élection, tous partis confondus. Le parti vainqueur demeure donc celui des
abstentionnistes : non politisés, ignorants de la politique municipale,
cyniques et désabusés, ceux qui refusent le processus démocratique libéral
bourgeois, etc. À ce titre, en tant que praxis de la démocratie, la légalité douteuse s'accompagne de plus en plus d'une légitimité «introuvable». En tout cas, il n’y a pas eu d’enthousiasme majeur durant la
campagne électorale. La médiocrité du personnel politique, comme à tous les
paliers de gouvernement, reflète la médiocrité des attentes de la population. Plus
qu’une perte de confiance dans les institutions, c’est l’absence d’aspirations
à une amélioration de la condition politique de notre vie civile que l'on doit souligner. Plus d’un an
après l’exceptionnelle sortie dans les rues de la population à la suite de la crise étudiante, il est clair que les régimes politiques sont déconnectés d’une population
dont il suffit d’entretenir la morosité pour continuer à magouiller et à s’emplir
les poches à partir des taxes et des impôts perçus parmi les citoyens. La résilience tant vantée par nos
médias, en recourant à des catastrophes, comme celle de Lac Mégantic, et en
gavant la population passive de cérémonials de human interests et de calinours parvient à faire oublier l’essentiel,
le moins glamour : les
responsabilités citoyennes exigées par le principe démocratique. La dépolitisation des masses sert les intérêts des corrupteurs.
La quantité de politiciens ignobles – dans le
sens du manque total à la fois de noblesse, d’émulation, de courage et de
détermination – se retrouve à 15 à la douzaine. Amassez-les, tous partis
confondus, dans une même main : les Dutil, les Coderre, les Bernier, les
Applebaum, les Bouchard, les Duchesne, le quatuor de femmes du cabinet Charest (Normandeau,
Courchesne, Beauchamp, Saint-Pierre) sans oublier Charest au premier chef, les
Lebel, les Tremblay (de Montréal comme de Saguenay) etc. et si vous n’avez pas
la nausée, c’est que vous n’avez tout simplement pas de cœur. Que de
charognards dans ces politiciens mal élevés, grossiers, barbares et
inaccessibles à la moindre décence. Certains se présentent comme des précieux ridicules (le ministre Duchesne, le petit Trudeau…) mais surtout comme des voyous de la pire espèce (Dutil, Charest, Lebel et Harper, évidemment). Ils ont la bouche remplis de mots suaves comme
«éthique», «honnêteté», «dévouement», «bien commun», «respect des lois», «ordre
social», «sécurité», et ne demandent qu’à diriger la société à eux seuls et pour leurs fins personnelles, comme
autant de Gilles de Rais dans une garderie. Ils quêtent le vote à chaque
élection, usant davantage de séduction, de mines compassées appelant à la confiance en soi, et si ce n'est pas suffisant, ils n'hésitent pas à recourir aux menaces ou au chantage affectif afin de s’assurer moins la légitimité de leur pouvoir que sa
légalité, permettant d'opérer à discrétion lorsqu’il s’agit de nouer le monde
interlope avec les institutions officielles, car au-delà de la corruption des individus, ce sont toutes nos institutions «sacrées» qui sombrent dans la déchéance. Le quatrième pouvoir ne leur fait plus peur
tant les média sont sous la coupe des mêmes financiers qui patronnent
les campagnes électorales, et ne parlons pas des syndicats qui, avec la bande à Dupuis et à
Arsenault de la F.T.Q., distribuent l’argent des travailleurs à des entrepreneurs
véreux qui les invitent sur leur yacht ou à faire des voyages au pays des mafieux :
l’Italie. Aucun empereur romain n’a disposé d’autant de pouvoir que nos élus
pour s’abandonner à leurs turpitudes. Là où aujourd’hui une dénonciation
médiatique d’«Enquête» ou d’un reportage corsé n’arrive pas à entamer le cuir
du tyran, au moins une dague bien aiguisée envoyait l’empereur rejoindre les
dieux de l’Olympe.
Certes, des empereurs comme Caligula,
Néron, Domitien ou Commode ont eu des réputations surfaites à bien des égards parce que les moralistes de l’antique patriciat ou les troublions
chrétiens leur ont fait mauvaise réputation. Mais à l’excès impérial a succédé
l’excès bourgeois. Là où il y a des banques, il y a des arènes. La
transubstantiation du sang en argent est un miracle quotidien (et l'inverse aussi parfois). On ne dira plus
tant le sang des ouvriers exploités jusque dans leur chair sans doute; on
préféra parler des victimes innocentes des pays «en voie – toujours en voie,
depuis des décennies – de développement»; on s’apitoiera sur ceux qui ont
succombé devant l’impossible adaptation de leur idéalisme élevé devant la bassesse
de la vie démonique quotidienne, l'Ananké. Plus personne n’a de fierté ni même de dignité et tout le monde
rêve d’un Moyen Âge nobiliaire idéalisé ou d’une utopie futuriste de gentlemen
et de femmes pudiques. Ni progrès ni décadence. Seulement un enfer marqué par
un temps figé où la vie s’étiole et l’Être se désintègre. Chaque journée
électorale rappelle tout ça. À un changement que nous ne voulons pas malgré sa
tentation, nous retournons sous notre gîte de tranquillité, de sécurité
illusoire et de confort qui conduit, comme le cinéaste Denys Arcand l’avait filmé
aux lendemains du référendum de 1980, à l’indifférence.
Bien sûr, à l’ère du fragmentaire, c’est l’isolisme de Sade qui triomphe contre la communauté
humaine. La mécanisation des hommes, comme celle des pouvoirs, conduit à l’étude
du comportement afin de mieux le codifier. À l’heure où l’on s’arrache la
chemise contre le profilage ethnique, le profilage comportementale est plus
dangereux car il prépare les modes de conditionnement qui sauront équilibrer
les référents symboliques moteurs avec les contraintes idéologiques imposées
par les fantasmes de l’ordre et des pouvoirs sociaux. Le zombie, figure
métaphorique de ces centaines d’individus de tous âges happés par les textos et
les mp3 qui leur dévorent le cerveaux tout en continuant à les faire fonctionner
socialement, pour la consommation beaucoup plus que la production, a remplacé
le vampire qui était la figure démoniaque du capitalisme (on la retrouve chez
Marx qui était, m’apparaît-il, un amateur [secret] de littérature gothique.
Relisez attentivement le célèbre Manifeste, et vous verrez]. La mécanisation du monde a
pour but d’effacer toute figuration organique de la communauté humaine, à l’exemple
de l’Être humain qui est un Tout différent de la somme de ses parties. La
fragmentation du corps social correspond à la fragmentation du corps physique
de l'individu et son esprit est plongé dans le formol, d’où l’impossibilité de réagir
rationnellement devant l’acte politique pour ne s’abandonner qu’aux émois que
suscitent les candidats. Le «sympathique» Denis, le «nabot» Labeaume, le «gros
pétulant» Ford, le «la la» Tremblay, etc. Le premier avec sa vidéo du Parti
Libéral fédéral célébrant l’anniversaire d’un tycoon au nom du Canada; le second avec son armée
de Hobits à pelles bleues; le quatrième avec son signe de croix sur les bords
du fjords. À Henri Bourassa qui voulait faire du journalisme politique honnête,
dans son nationalisme canadien et sa bondieuserie catholique, Laurier avait déjà répondu que «les
Canadiens Français n’avaient pas d’opinion, ils n’avaient que des sentiments».
Et à ceux qui en ont, des opinions, ils préfèrent les ranger soigneusement sous
le manteau de peur de passer pour des extra-terrestres. Je ne dirai pas que c’est
la majorité des 60% qui n’ont pas été voté, mais c’est sûrement la minorité des
40% qui y ont été.
Nous attendons tous une apocalypse annoncée
régulièrement par des faux prophètes, des marchands d’illusions, des Philippulus revenant d’un marxisme folklorique ou d’un anarchisme
hédoniste qui sent «la fin» venir. Reste le pari d’en rire, et le rire est un
excellent remède contre la déprime et la morosité. Si les humoristes étaient
vraiment drôles, nous serions en meilleur santé psychologique devant tant de
dégoût. Les Cyniques et les Yvan Deschamps éveillaient l’esprit; les Mike Ward
et les Peter McLeod nous assassinent. Alors rions avec Denis. Corruptus in
extremis. Cela nous va à tous. Merci⌛
Montréal
4 novembre 2013
Attention: le monde il aime pas Denis tant que ça. Il a été élu avec à peine pls de 30% des suffrages exprimés qui eux même sont en bas de 50%... Et dans les limites de ce qu'était Montréal avant les fusions de Lucien Bouchard, c'est Richard Bergeron qui aurait été élu. Il semble que désormais, pour être élu maire de Montréal, il faudra être un bon libéral. Et ça c'est un cadeau empoisonné des fusions forcées de Lucien Bouchard.
RépondreSupprimerJean Drapeau... vaste sujet: N'était pas un homme personnellement corrompu et il savait avoir une vision pour sa ville. Ce qui n'est pas le cas de Coderre, qui n'est guère plus qu'un joueur d'arène politique.
Rob Ford a Toronto est rendu un phénomène de foire. Il est née de la pensée extra-morronne des habitants de la grande banlieue de Toronto. Ces gens qui aiment la police la loi et l'ordre supportent encore et toujours un maire qui contrevient aux lois que ces mêmes gens défendent avec acharnement. Cet homme se conduit comme un voyou.
Le maire Tremblay de Saguenay, mes soeurs ont voté pour lui. Il est réputé de bonne probité et l passe pour plusieurs comme un administrateur rigoureux des deniers publics. Ceci dit, il est vrai que c,est un populiste. Sa base électorale principale est constituée de catholiques pratiquants. Ces derniers bien que minoritaires dans la population vont voter en masse aux élections pour lui.
Un dont je ne comprend pas la réélection est le maire Lévesque de Trois-Rivières, qui n'est guère plus à mes yeux qu'un grossier morron.
Daniel