Suicide de Dominique Venner (dramatisation) |
Merci à Raymonde «Rainette» Sauvé pour cette douloureuse reconstitution
LE SUICIDE D'UN HISTORIEN
Il y a six mois, l'historien d'extrême-droite française, Dominique Venner (1935-2013) se suicidait dans un
geste spectaculaire devant l'autel de Notre-Dame de Paris. On doit bien
reconnaître que peu d'entre nous le regretterons. Vingt-quatre heures plus
tard, dans une parodie de ce geste blasphématoire, une Femen, les seins nus,
portant l'inscription : «May fascism rest in hell», (Puisse le fascisme reposer en enfer), reprenait le geste en brandissant un pistolet et le portant à sa bouche, nous laissait croire qu'il pouvait s'agir aussi bien d'une fellation que d'un suicide. Évidemment, c'était un coup médiatique et, contrairement à Venner, les
journalistes étaient là pour filmer la scène burlesque qui se voulait en même
temps un acte de manifestation féministe. Le fait de porter à sa bouche le
revolver, comme l'avait fait Venner, une journée plus tôt, confirmait, tout en
l'annulant, les raisons manifestes du suicide de l'historien.
Je dois reconnaître qu'il est relativement rare
de voir un historien se suicider. Certes, on peut les assassiner comme Marc
Bloch ou Jan Patočka, ou les emprisonner comme Fernand Braudel, mais c'étaient dans des circonstances extraordinaires. Je ne connais que George C. Vaillant, historien des Aztèques, qui se soit ainsi enlevé la vie. Et
il y en a sûrement eu d'autres. Je pense qu'un historien qui se suicide contrevient
à la grande espérance que la connaissance historique possède en elle-même. Un
historien qui se suicide, c'est un peu comme un prêtre qui commettrait ce geste
impie. C'est un manque de foi dans sa vocation ou dans son métier. L'historien commet ainsi un geste négationniste face à ce qui fait la chair et le sang de son objet. À la différence que, si
le prêtre qui se suicide avoue avoir perdu la foi en Dieu, l'historien,
lui, avoue qu'il n'a pas su pénétrer la dynamique profonde de son objet de
connaissance et que les immenses ressources dont l'humanité fait preuve pour se
tirer des pétrins où elle se place elle-même ne l'ont pas convaincu pour
l'avenir du monde. Paradoxalement, Venner aurait été la victime du négationnisme qui marque insidieusement l'historiographie de l'extrême-droite française.
C'est pour cette raison que le départ de Venner
n'affecte pas profondément l'historiographie. Cet historien ne s'intéressait, pour l'essentiel, qu'à l'aspect morbide de l'histoire contemporaine. Son goût pour les armes de combat ramène
sa compréhension de l'histoire à un attrait infantile pour des joujoux
dangereux. Aussi, n'a-t-il guère dépassé les limites de son cercle idéologique.
Pour comprendre les raisons de son geste, il faut s'en rapporter au blogue
qu'il publiait le matin même de son suicide, le 21 mai 2013 et intitulé La
Manif du 26 mai et Heidegger. La Manif du 26 mai était prévue dans le cadre
d'un opposition au projet de loi socialiste sur la légalisation du mariage gay.
Diffusé le 21, c'était un appel aux manifestants de la droite et de
l'extrême-droite à ne pas se disloquer dans la lutte contre le projet de loi
jugé une trahison tant pour les valeurs morales de la droite que pour l'intégrité
des traditions et des mœurs françaises. Ce qui explique la parodie de suicide
qui a eu lieu le lendemain même de la mort tragique de Venner.
Afin de bien comprendre ce qui, à part la
balle, a bien pu traverser le cerveau de l'essayiste, nous rapportons
l'intégral du blogue en question :
Les
manifestants du 26 mai auront raison de crier leur impatience et leur colère.
Une loi infâme, une fois votée, peut toujours être abrogée.
Je viens
d’écouter un blogueur algérien : «De tout façon, disait-il, dans
quinze ans les islamistes seront au pouvoir en France et il supprimeront cette
loi». Non pour nous faire plaisir, on s’en doute, mais parce qu’elle est
contraire à la charia (loi islamique).
C’est bien
le seul point commun, superficiellement, entre la tradition européenne (qui
respecte la femme) et l’islam (qui ne la respecte pas). Mais l’affirmation
péremptoire de cet Algérien fait froid dans le dos. Ses conséquences serraient
autrement géantes et catastrophiques que la détestable loi Taubira.
Il faut
bien voir qu’une France tombée au pouvoir des islamistes fait partie des
probabilités. Depuis 40 ans, les politiciens et gouvernements de tous les
partis (sauf le FN), ainsi que le patronat et l’Église, y ont travaillé
activement, en accélérant par tous les moyens l’immigration afro-maghrébine.
Depuis
longtemps, de grands écrivains ont sonné l’alarme, à commencer par Jean Raspail
dans son prophétique Camp des Saints (Robert Laffont), dont la nouvelle
édition connait des tirages record.
Les
manifestants du 26 mai ne peuvent ignorer cette réalité. Leur combat ne peut se
limiter au refus du mariage gay. Le « grand remplacement » de
population de la France et de l’Europe, dénoncé par l’écrivain Renaud Camus,
est un péril autrement catastrophique pour l’avenir.
Il ne suffira
pas d’organiser de gentilles manifestations de rue pour l’empêcher. C’est à une
véritable « réforme intellectuelle et morale », comme disait Renan,
qu’il faudrait d’abord procéder. Elle devrait permettre une reconquête de la
mémoire identitaire française et européenne, dont le besoin n’est pas encore
nettement perçu.
Il faudra
certainement des gestes nouveaux, spectaculaires et symboliques pour ébranler
les somnolences, secouer les consciences anesthésiées et réveiller la mémoire
de nos origines. Nous entrons dans un temps où les paroles doivent être
authentifiées par des actes.
Il
faudrait nous souvenir aussi, comme l’a génialement formulé Heidegger (Être et Temps) que l’essence de l’homme est dans son existence et non dans un
«autre monde». C’est ici et maintenant que se joue notre destin
jusqu’à la dernière seconde. Et cette seconde ultime a autant d’importance que
le reste d’une vie. C’est pourquoi il faut être soi-même jusqu’au dernier
instant. C’est en décidant soi-même, en voulant vraiment son destin que l’on
est vainqueur du néant. Et il n’y a pas d’échappatoire à cette exigence puisque
nous n’avons que cette vie dans laquelle il nous appartient d’être entièrement
nous-mêmes ou de n’être rien.
Dominique Venner
Les analystes ont vite compris que le suicide
de Venner se veut un suicide stratégique. Ces nouveaux gestes
spectaculaires et symboliques appelés pour ébranler les somnolences,
secouer les consciences anesthésiées et réveiller la mémoire de nos origines
commencent avec le coup de pistolet tiré devant l'autel de Notre-Dame de Paris.
La formule qui dit que Nous entrons dans un temps où les paroles doivent
être authentifiées par des actes en appelle à celle des
anarchistes de la fin du XIXe siècle, avec la célèbre propagande par le fait,
reprise par le nationalisme intégral de Maurras et de Léon Daudet
avec le mouvement d'Action Française, monarchiste, ecclésiastique et
traditionaliste du tournant du XXe siècle. La référence à Ernest Renan et à
son opuscule publié aux lendemains de la sinistre défaite de 1870 montre que
Venner perçoit l'histoire sur le mode de l'éternel retour, et qu'aux
problèmes actuels, il faut en appeler aux solutions anciennes. Ce qui était
l'essence même de l'historiographie bainvillienne, aujourd'hui célébrée par Alain Soral.
Pourtant, c'est le dernier paragraphe du
pamphlet qui a retenu l'attention, celui où il est fait expressément mention du
génial Heidegger! Ce qui est surtout étonnant, c'est que Venner met dans
la bouche de Heidegger la définition sartrienne de l'existentialisme. Devant la
lourde réflexion que pose le philosophe allemand sur la relation de l'Être avec
la métaphysique, réflexion inachevée dans le cadre de Être et temps, Venner
retient la définition proprement immanente et matérialiste de Sartre. Cet
extrait est suffisamment explicite de ce que j'avance : «C’est ici et
maintenant que se joue notre destin jusqu’à la dernière seconde. Et cette
seconde ultime a autant d’importance que le reste d’une vie. C’est pourquoi il
faut être soi-même jusqu’au dernier instant. C’est en décidant soi-même, en
voulant vraiment son destin que l’on est vainqueur du néant». Telle est la
part de liberté que Sartre restituait à ses lecteurs à travers sa réflexion sur
L'Être et le Néant, et qui n'était sûrement pas le but que poursuivait
Heidegger avec sa philosophie où le temps apparaît comme une catégorie
déterministe du cours du développement de l'Être. Bref, ce que Venner attribue
à Heidegger relève de ce vilain gauchiste qu'était Sartre. Ou Venner était un intellectuel
foncièrement inepte, de cette ineptie propre aux idéologues, ou Venner était
foncièrement malhonnête, et son suicide aura été l'équivalent de qui a été pris
qui croyait prendre.
Pourtant, le suicide de Venner
n'est pas dénuée de philosophie. C'est un suicide nietzschéen, comme il s'en
produisait à la fin du XIXe siècle un peu partout en Occident. Et cette
solution nietzschéenne confirme bien sa vision philosophique de l'Histoire
comme Éternel retour. Voilà pourquoi je ne comprends pas très bien ces
exercices de style qui ont pour but de prendre au premier degré la référence
heideggerienne de Venner. Il en est ainsi de ce «devoir de philo» publié par le
quotidien Le Devoir du 26 octobre 2013 rédigé par Jonathan Hope, Le
suicide heideggérien de Dominique Venner.
D'emblée, Hope nous dit qu'il
s'intéresse moins à comprendre l'action de Venner qu'à nous résumer la
pensée de Heidegger. Il nous brosse alors un roman-philosophique du Dasein, concept-clef
chez Heidegger de l'Être-là pour nous dire que, contre la dégradation de
la civilisation occidentale à laquelle ont participé la plupart des philosophes
de la modernité (depuis la Renaissance), il faut ressaisir le temps carpe
diem, saisir le moment hic et nunc afin de renverser la tendance.
C'est cette conscience du moment du renversement de la tendance qu'aurait cru
saisir Venner en se suicidant à la veille de la grande manifestation du 26 mai.
Cette vision a été interprétée de bien des façons par les zélateurs et les
herméneutes de Heidegger, de Gadamer à Ricœur, de Benjamin à Koselleck. Que Venner
ait nommé Heidegger n'est au fond qu'une preuve de sa limitation de la
connaissance philosophique du temps et de l'histoire. Il a nommé Heidegger
comme un autre aurait nommé Brad Pitt pour se donner une image du geste
d'Achille. Le texte de Hope apporte toutefois certaines réflexions sur Venner dont il avoue connaître peu la pensée.
Par exemple, notre sémiologue rappelle
qu'aussitôt après s'être fait éclater la cervelle devant l'autel «d'une des
principales cathédrales de l'Europe, la twittosphère s’enflamme : "Un acte
sacrificiel d’une grande dignité aristocratique. Un appel à résister";
"Le temps du grand soulèvement est venu. Dominique je ferai moi-même
bientôt des choix forts"; "Tout notre respect à Dominique Venner dont
le dernier geste, éminemment politique, aura été de tenter de réveiller le
peuple de France" (Marine Le Pen). On le compare à Yukio Mishima,
l’écrivain japonais qui se donna la mort par seppuku, en 1970, après un coup
d’État avorté, et même, élogieusement, aux héros de l’Iliade». Je ne pense pas
que, contrairement à la publication du Werther de Gœthe, il y ait eu
épidémie de suicides parmi l'extrême-droite aux lendemains du suicide de Venner.
De même, contre l'insipide gouvernement Hollande, il n'y a pas eu ce grand
soulèvement qui rappelle l'espérance du grand soir de l'ancienne littérature
anarchiste. Yukio Mishima vivait le métissage difficile du Japon d'après-guerre
entre la tradition d'honneur nippone et l'influence libérale de l'individualisme
occidental. Tout ça n'a rien à voir avec le drame intérieur de Venner, qui est
la crise d'une certaine idée de l'Europe, païenne, blanche, détentrice des
vérités éternelles. Sur ce point, Hope a raison : «Venner a vécu, ou en tout
cas il est mort, pour ses idées. Croyait-il que nous étions, à Paris, le 21 mai
2013 ("ici et maintenant"), devant une de ses conjonctures si
précieuses dont parlait Heidegger? Ou croyait-il (ce qui me semble plus
probable) que son suicide "résolu" annoncerait, précipiterait
l’arrivée d’un tel instant historique? Dans un cas comme dans l’autre, Venner
adhère à l’idée heideggérienne selon laquelle l’existence intrépide doit se
porter garante de l’Histoire». Intrépide ou désespéré? Tout le problème est là.
On s'imagine mal un opiniâtre tel que Charles Maurras, confronté à des
nouveautés impensables en son temps du mariage gay, de la tolérance des
homosexuels même, de l'immigration algérienne ou vietnamienne et encore plus
somalienne ou sénégalaise; voir plutôt que les Protestants, les Juifs ou les Francs-Maçons, les
Musulmans former la seconde religion de France, se suicider pour autant? Peut-être, mais sûrement pas pour
avoir lu Heidegger.
Ernest Renan, auquel fait référence, je le
rappelle, le blogue de Venner, lui aussi désespérait aux lendemains de la
défaite militaire devant la Prusse en 1870 et le soulèvement de la Commune de
Paris de 1871. Plutôt que se tirer une balle dans la tête, lui à qui la chose
n'aurait pas paru impie puisqu'il était positiviste et incroyant, a rédigé le
pamphlet La réforme intellectuelle et morale de la France. C'est donc
dire que l'historien Renan avait réussi à dominer les états d'âmes de
l'idéologue Renan pour mettre sa connaissance au service de son parti. Jusqu'à
la Grande Guerre de 1914, les alertes de Renan ne cesseront d'être répétées
dans les écoles de la République et l'Action Française en sera la principale
bénéficiaire. C'est ajouter à ceci que les Barrès, Maurras, Bainville et autres chantres
de l'extrême-droite étaient investies d'une conscience historique plus active que
celle de Venner qui se contente d'oser un geste grandiose qui se voit vite
transformé en Guignol, déjà sur Twitter, par ses propres thuriféraires. Personne ne l'a donc pris au
sérieux, et c'est là non seulement l'inutilité de son geste, mais tout le drame
de ces anciens du groupe G.R.E.C.E. (dont Venner était l'un des fondateurs) et
autres fraternités blanches que le mouvement de mondialisation réduit à une
secte folkorique.
Par contre, lorsque Hope prend prétexte que «la
pensée et l’action sont systématiquement confrontées à des incertitudes, à des
facteurs confondants» pour en conclure que «les multiples formes d’altérité
(l’homosexuel, l’étranger) dévoilent sans cesse l’unité chimérique de la
raison», c'est s'interroger sur la possibilité même de toutes philosophies
dont le but est précisément de réaliser cette «unité de la raison» qu'il met en doute. Lorsque
nous admettons qu'il y a une logique dans l'irrationnel, comment peut-on
douter que le besoin de l'«unité de la raison» soit chimérique? Devant les
contingences des événements, la nécessité de la pensée reflète la nécessité même de
l'Histoire, comme on l'apprend depuis Hegel et Marx. Autrement, celle-ci n'est,
comme le rappelle la tirade de Macbeth, que «bruit et fureur qui ne signifie rien et qui est racontée par un fou». En ce sens, le geste de Venner est folie,
tout aussi bien que le suicide bidon de la Femen le lendemain. Deux gestes
théâtraux dignes du Guignol et qui déshonorent aussi bien la critique de droite
que celle de gauche. Devant l'impuissance des idéologies à renaître comme de l'idiotie
des radicalismes religieux qui croient conquérir
le monde des microprocesseurs et des réseaux sociaux tout azimuts nous laissent
devant un défi rarement rencontré par le passé. C'est-à-dire que nous ne pouvons plus faire du neuf avec du vieux. Et c'est là le véritable défi
écrasant. Suffisamment écrasant pour conduire l'idéologue Venner au suicide.
La conclusion de Hope traduit ce défi écrasant
lorsqu'il écrit : «Avec son dernier coup de feu, Venner a voulu que nous comprenions
que les instants historiques faucheront les Hommes. L’Histoire sera écrite dans
et avec le sang. Espérons plutôt que l’Histoire prendra forme par nos efforts
collectifs, riches en mémoire, toujours réceptifs aux échecs et aux ruines
passés, engagés dans un élan d’émancipation auquel nous avons tous accès et
dont nous portons tous la responsabilité». J'avoue que tout cela est bien beau,
mais depuis quand l'Histoire n'est-elle pas faite dans et avec le sang. C'est
ce manque de sang, précisément celui que Thomas Jefferson appelait pour
arroser (donc nourrir) périodiquement l'arbre de la Liberté, qui nous manque.
Même cet élan d'émancipation a dû recourir au sang pour s'imposer et
aujourd'hui encore, dans les sociétés non-occidentales aussi bien que dans nos
États occidentaux, c'est dans le sang qu'on entend contraindre et réprimer ce soi-disant élan.
Il est facile de créer des lieux de mémoire, d'appeler à un certain devoir
de mémoire mais, ces appels, il n'y a pas que les Occidentaux qui les
entendent. Le blogueur algérien qui fait sauter Venner de ses gonds, même s'il
témoigne d'un infantilisme grégaire de la revanche, appartient à une conscience
malheureuse propre aux anciens colonisés qui cultivent, à même leur vanité ostentatoire, la
haine d'eux-mêmes et de leur propre peuple. C'est une chose que nous
connaissons bien ici, au Québec, et que nous ressassons sans cesse. Aujourd'hui
même, encore, la crise de la Charte des valeurs québécoises (en fait occidentales) nous rappelle notre conflit
d'identité(s)… Le métissage est une excellente chose, à condition qu'il soit mesuré.
Mais cette crise couvre tous les pays d'Europe aussi bien que ceux d'Amérique
du Nord. Ce qui est proprement québécois, c'est précisément notre manque de
réceptivité à ce que Hope appelle les échecs et [les] ruines passés.
Nous aimons bien les ressasser précisément parce que nous nous refusons,
collectivement, à les recevoir et surtout à les dominer, car nos défaites ont
fait ce que nous sommes et que sans elles, nous ne saurions nous reconnaître.
Venner, comme un grand nombre d'Européens,
craignent d'en arriver à une situation semblable. Comme l'unité nationale a
jadis été fatale aux régionalismes et aux particularismes, l'unité européenne
crée une angoisse semblable dans les différentes nations qui se sont déchirées avec tant de violence pour constituer leur unité. Un
processus d'assimilation à l'européanité se conjoint d'une cinquième colonne :
les immigrants, les dégénérés (psychologiques, donc les homosexuels, mais
secrètement, on pense également aux handicapés physiques et mentaux, ce que
l'on n'ose pas avouer de peur de se faire des ennemis parmi nos troupes), la
fièvre obsidionale, vieille psychose occidentale, qui voit le monde
extra-européen comme une menace permanente, les idéologies
marginales qui ne se reconnaissent plus par une rupture droite/gauche mais se
confondent dans leurs aspirations et leurs stratégies, à défaut d'avoir une
utopie commune. Cette nécrose du XXIe siècle et qui ronge tout l'Occident n'a
pas d'autres sources que l'action de la civilisation occidentale sur elle-même
et sur le reste du monde. On ne peut effacer le passé. Même si les
bien-pensants voudraient faire oublier les injustices sociales de la Révolution
industrielle qui se poursuivent toujours, les horribles supplices de masse
qui accompagnèrent la colonisation, les camps de concentration qui ont fleuri,
un moment ou l'autre, dans à peu près tous les pays d'Occident : la lourdeur de
l'héritage occidental est dure à porter. Le fardeau de l'homme blanc,
contrairement à celui que chantait Kipling, repose désormais dans sa propre
histoire et non dans le retard des civilisations non-occidentales.
Voilà, en définitive, pourquoi il y a peu de
Heidegger dans le geste de Venner. Son suicide n'est pas celui d'un
heideggérien qui aurait voulu signifier aux manifestants du 26 mai que le temps
d'une révolution conservatrice était venu, mais celui d'un désespéré qui n'a plus
foi ni en sa civilisation, ni en son peuple, ni même en l'Histoire. C'est un
suicide nietzschéen et non heideggérien. L'invasion des nouveaux barbares
répète celle des anciens qui ont mis à terre le glorieux empire des César et
des Trajan. Les tapettes, les bougnoules, les bridés, les rouges et les noirs,
les Amerloques et les Poutines, la race des honneurs, les Aryens, périt sous la
poussée de ces monstres à faces hideuses. Geste de haine par excellence, la singerie
Femen n'a rien rectifié de tout ça. Venner n'a prononcé aucun discours avant de
commettre l'acte fatal; la Femen s'est écriée, pour sa part, Dans les
homosexuels nous croyons, slogan peint en noir sur son dos. Décidément, ni
l'un ni l'autre ne connaissaient cet aphorisme de ce bon Talleyrand qui disait
que tout ce qui est exagéré est insignifiant⌛
Montréal
25 novembre 2013
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