LE RETOUR
DE LA GUEUSE
Je n’en reviens tout simplement pas.
Comment peut-on être aussi stupide et maladroit lorsqu’on est un parti
dirigeant un gouvernement minoritaire? Les maladresses démontrées par le Parti
Québécois lors de la campagne électorale de l’été 2012 n’ont pas cessé de se
poursuivre depuis un an qu’il est au pouvoir et finissent par couronner le tout avec un
projet de Charte des valeurs québécoises.
Trop lâche pour rectifier la mouvance
de l’anglicisation de Montréal. Trop timoré pour établir une charte de la laïcité
dans la fonction publique. Trop servile idéologiquement aux milieux d’affaires
et des lobbies, le gouvernement péquiste a déplacé une problématique administrative qui lui est propre, les services publiques, jusqu’à en faire une
problématique sociale du «vivre ensemble». Même pas assez courageux pour
prendre les décisions qui s’imposent d’elles-mêmes, le gouvernement du Parti Québécois «lance un
débat», ouvre une «discussion publique» sur un état de fait. Résultats :
hystérie, acrimonie, chantage affectif collectif, délires politiques fédéraux,
et j’en passe. Tant de débilités de la part d’un parti à l’agonie, c’est un
venin versé dans l’organisation sociale qui se répand dans tous les foyers et
dans tous les milieux et dont nous ignorons encore les formes qu’il peut
prendre pour rendre un organisme déjà affecté encore plus faible.
La Gueuse – et j’appelle la Gueuse en
souvenir du nom méprisant que les réactionnaires protofascistes français des
années 1920-1930 infligeaient à la République – la Gueuse donc, Notre Gueuse,
la Religion «est revenue dans les fourgons de l’étranger», comme le Roi et les
Évêques après la Révolution française. La Gueuse c’est la Religion et non pas
le sentiment religieux, qui est tout autre. Il s’agit de la Religion comme
moyen de coercition sociale. La Religion imbue de moralisme infantilisant; de
soumission à des leaders (peu importe leur sexe, car il y en a des deux sexes)
charismatiques qui imposent sur des psychismes mal affirmés leurs doxa, leurs diktats
sur un ensemble de personnes déjà prêtes à les suivre dans les voies les plus
délirantes, sinon les plus meurtrières. Des Religions qui, au nom d’une
définition qui leur est propre, décident ce que dit Dieu, ce que veut Dieu, et
surtout ce qu’ordonne Dieu par leur bouche. Alors que le sentiment religieux
est plein de compassion pour la commune humanité à laquelle nous appartenons,
la Religion comme diktat moral est un appareil idéologique-des-tas. Une vile
activité méprisante qui, au nom des sentiments les plus nobles, pratique des
supplices psychiques, moraux, sinon physiques sur leurs membres pour élargir leur
pouvoir de «directeurs spirituels» par des voies mégalomaniaques, promis à une institutionnalisation la plus large possible. La Gueuse, ici, c’est la Religion. Toutes les
religions et encore pire, les sectes que le gouvernement semble soudainement
ignorer pour s’en tenir aux fétiches, les «symboles ostentatoires» d’une
confession religieuse. Je vous le dis, tant de sottises est à flageller…
religieusement.
Où est la Gueuse? Où se cache-t-elle? Dans la kippa
juive? Dans le niqab de la musulmane? Dans le crucifix catholique? Dans le turban sikh?
Ha! Ha! mes agneaux prêts à servir au prochain méchoui du Aīd al-Kabīr! Non, la
Gueuse, elle est déjà dans cette circulaire expédiée par le
gouvernement du Parti Québécois a tous les citoyens et intitulée : «Parce que nos valeurs, on y
croit». Depuis quand des valeurs sont-elles objets de foi? Le concept de valeur
apparaît au XIIe siècle pour signifier, dans l’ordre féodal, les qualités et
les mérites d’un individu. Donc rien de religieux à l'origine. Ce n’est pas
un objet de foi mais un objet auquel on prête une qualité ou qu’il s’est attribué par
son rôle, sa fonction, une démonstration personnelle. Puis vient le jugement, c’est-à-dire
la capacité d’évaluer, de prêter une valeur. C’est dans ce sens qu’en
économie, on parle de valeur d’usage et de valeur d’échange, de ce qui est
utile à soi et de ce qui est utile pour soi à travers un échange commercial.
Enfin, et c’est la conception la plus tardive, celle à laquelle fait référence
la circulaire, les principes moraux d'une grande philosophie élaborée
et constitutionnelle morale, qui se classent différemment en fonction des
particularités de l’individu ou/et de la société. En Occident, c’est la morale
kantienne avec son impératif catégorique qui donne le la de l’argumentaire. Et
la morale kantienne – et c’est la raison pour laquelle l’Église catholique la
condamnait – provient d’une convention, d’un consensus, non d’une épreuve de
foi.
L'ensemble de la circulaire modifie-t-il cet impair? Au contraire. «Église, Synagogue, Mosquée : Tout cela est sacré». Pour les membres des confessions seulement, pas pour le quidam pour qui ce ne sont là que des édifices publiques comme tant d'autres. «Neutralité religieuse de l'État, Égalité hommes-femmes : C'est tout aussi sacré». Ce n'est pas là une évidence pour les raisons énumérées dans le paragraphe précédent. Rien de tout cela n'a de bases «sacralisantes», à moins de considérer la laïcat comme une «religion civile» telle qu'il s'en pratiquait dans les cités antiques. Et l'on voit, sous l'ignoble, sous la tristement célèbre «raison d'État», la tête de la Gueuze sortir de sa capuche.
Aussi, la conséquence d’une telle formulation est d’ériger les
«valeurs québécoises» en objet de foi religieuse. Nous ne pouvons pas croire en
nos valeurs sinon que comme ordonnées par une instance supérieure et dotée d’une
suprématie. Ici, l’État. Ce faisant, cet exercice de «libre-discussion»
contredit la déclaration ajoutée de Bernard Drainville : «Le temps est
venu de nous rassembler autour de nos valeurs communes. Elles définissent ce
que nous sommes. Soyons-en fiers». Or, ces valeurs sont tenues pour identitaires, donc définitives et métaphysiques puisqu’elles sont au-dessus des
sujets de discussion. Pauline Marois, Bernard Drainville, Bernard Landry (qui
affirme supporter la Charte tout en avouant ne pas l’avoir lue, ce qui montre à
quel point il a toujours été le plus épais dans le plus mince), ne cessent de
le répéter : «l’égalité hommes-femmes, ça ne se discute pas». Il est étrange
que ce soit là la seule valeur qui ne se discute pas alors qu’il y en a tant d’autres
qu’on ne cesse de bafouer. Et si le gouvernement tient tant à faire respecter
cette égalité «sacrée», qu’il commence donc par s’assurer du respect par les
employeurs de la règle du «à travail égal, salaire égal» avant de nous asséner
cette valeur qui s’est imposée par le développement des mœurs québécoises
depuis trente ans? Plutôt que d'être une formule qui s'adresse à des femmes qui ne subiront jamais le supplice de la lapidation, que le gouvernement commence donc par en appliquer la réalisation concrète dans les rapports de travail quotidiens.
Confuse, la démarche du gouvernement a excité inutilement les
passions, faisant peser sur tous des problèmes qui n’ont pas été résolus au
moment où il aurait fallu l'être. Mais les décideurs économiques étaient si
pressés de faire rentrer par barges des immigrants qui leur serviraient de cheap
labor pour
contourner les lois et conventions collectives obtenues des syndicats, que le
gouvernement s’est contenté de donner à ces immigrants économiques une formation de langue assez rapide
pour les rendre fonctionnels. Pendant ce temps, ils fermaient les yeux sur tout ce que ces gens
apportaient à la fois de bon et de mauvais. Au début, ça ne posait pas de
problèmes, tout se déroulait entre les murs de Montréal. Mais après le célèbre
11 septembre 2001, la paranoïa du terrorisme d’Al-Qaida, confirmée par le terrorisme d’État
s’est activée. Les soupçons de menaces à appréhender ont germé depuis, et voilà
les fleurs écloses. Ce sont ces femmes en tchador, en niqab, en burka même qui,
avec leur suite d’enfants, traversent nos parcs et nos jardins publiques pour s’en
aller à la garderie. Plutôt que de laisser faire le temps, qui en moins de trois
générations assimilerait tout ça aux mœurs québécoises, la furioso s’est emparée de
l’opinion publique et créée une menace qui, à l’origine était toute innocence.
Ce n’est pas depuis que ces gens sont arrivés au Québec que j’ai
dit que «si on s’était débarrassé des curés noirs, ce n’était certainement pas
pour s’embarrasser de curés rouges». C’était du temps où des «leaders»
communistes dirigeaient des partis soi-disant marxistes-léninistes, semeurs de
troubles et surtout pratiquant déjà le viol des consciences contre lesquels je m’étais
révolté. Aujourd’hui, ces mêmes gens militent pour le droit des minorités
ethniques à porter leurs signes distinctifs. Nous les entendons à travers
Québec Solidaire. Des athées se portent à la défense de la Religion. «Cela fait
partie des droits des femmes de porter les signes religieux qui participent à leur
identité». Comment, en effet, pourrait-on être contre? C’est sa liberté de
religion telle que reconnue par la Charte des droits et libertés de l’O.N.U. et
à laquelle nous ne cessons de nous réclamer. Comme dans ce temps où il était
permis d’afficher une épingle en forme de faucille et de marteau sur le béret
Che ou la casquette Lénine que certains militants En-Lutte ou P.C.O.
affichaient de manière ostentatoire, pourquoi devrions-nous en faire un plat? Pourtant, ces athées, dans leurs «analyses
objectives de la condition de vie en milieu capitaliste» répèteront la
dénonciation de Marx de l’opium du peuple. Les voici donc protecteurs
des trafiquants d’opium… Comme on le voit, en matière d’idéologies, il est
toujours difficile de se rendre au bout de sa logique sans tomber dans ses propres contradictions.
Inspirée de l’expérience française, qui l'a conduite aujourd’hui
à tabasser ceux que la France a laissés rentrer et parquer dans ses
bidonvilles, la charte québécoise, au seul critère transcendant d’égalité
hommes-femmes, tient à modifier la Charte des droits et libertés du Québec en
matière d’«accommodements raisonnables». Dans cette expression, quid définit ce
que sont les accommodements et quid que ces accommodements sont ou non raisonnables? La
commission Bouchard-Taylor, qui a été un exercice au plus haut point douloureux
pour avoir vu, d’une part, des «colons» de province venir giguer devant les
deux intellectuels et, d'autre part, des défilés de tout ce qu’une arche de Noé moderne
contiendrait de spécimens d’espèces aux couleurs bariolées venir revendiquer
des pratiques paysannes et lointaines dans un milieu urbain et fonctionnaliste,
a livré un rapport qui a été rejoindre assez vite les tablettes du gouvernement sordide du Parti Libéral. Maintenant, les nationalistes
reprennent le flambeau et plus question de niaiser devant des commissions itinérantes. Le premier souci du gouvernement est d’encadrer de règles la
pratique de ces accommodements. C’est donc lui – et non la population en son ensemble – qui s’autorise à fixer ces règles et, par conséquent, l’arbitraire
avec lequel son application va ouvrir la porte à un ensemble de contestations
légales. Déjà la clause de dérogation, pensée en fonction non seulement des institutions
privées religieuses mais aussi en fonction des communautés urbaines juives (telle Côte-Saint-Luc),
crée une discrimination tacite pour une confession religieuse contre une autre. Les musulmans n’ont donc pas tort lorsqu'ils perçoivent
que cette charte des valeurs communes les cible particulièrement. Si la
mosquée s’énerve, la synagogue demeure calme et ronronne doucement.
Le seul article méritoire est le second, qui vise à encadrer
le personnel d'État, les fonctionnaires provinciaux et municipaux. Le droit
de réserve politique est étendu à l’appartenance religieuse. C’est la base de
la réforme d’une laïcité affirmée. Le problème est qu’au Québec, à cause de son
appartenance canadienne, jamais il n’y a eu, comme l’exigeait la Déclaration d’Indépendance du Bas-Canada de 1838, de la nette séparation de l’Église et de l’État. À ce
titre, il est important de rappeler les articles 3 et 4 de cette Déclaration :
Article 3. Que sous le Gouvernement libre du Bas-Canada, tous les citoyens auront les memes droits : les sauvages cesseront d’etre sujets a aucune disqualification civile quelleconque, et jouiront des memes droits que les autres citoyens de l’État du Bas-Canada.
Ce qui allait de soi pour les Autochtones en 1837-1838,
vaudrait tout aussi bien pour les immigrants reçus aux XXe-XXIe siècles.
Article 4. Que toute union entre l’Église et l’État est déclarée abolie, et toute personne a le droit d’exercer librement la religion et la croyance que lui dicte sa conscience. (Cité in Union des Écrivains québécois. Assemblées publiques, résolutions et déclarations de 1837-1838, Montréal, VLB éditeurs, 1988, p. 302.)
Encore-là, plutôt que d’abolir ou d’entreprendre des mesures d’assimilation
à la religion de la majorité, la «première Charte des valeurs québécoises», la
plus authentique de notre histoire, nous dit ce que ne diront ni l’Acte d'Union ni la
Confédération; que l’Église (toutes les Églises, catholiques mais protestantes
aussi, et depuis, juives et musulmanes) voit son privilège abolie auprès de l’État.
En ce sens, les services publiques sont laïques, et rien ne doit laisser supposer
qu’un fonctionnaire pourrait user d’une «fraternité religieuse» pour corrompre
l’application des lois. Car, nous apprenons tout juste, avec les séances
télévisées de la Commission Charbonneau, qu’il y a plusieurs façons de
corrompre les fonctionnaires et de contourner les lois.
Car la Charte des droits et libertés du Canada de 1982
contrevient à cette claire politique des Patriotes de 1837-1838. En
reconnaissant, dès l’article 1, «que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit» comme une évidence
à la fois juridique et théologique, l’esprit de cette charte reprend la vision
du contrat social de Hobbes (contrat passé entre les citoyens et son
gouvernement (le Roi)). La monarchie constitutionnelle, par cette suprématie, s’accorde
le seul privilège de reconnaître et de définir les droits qui suivent. Parmi
les libertés fondamentales, la «liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’EXPRESSION
y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication», clôt
une barrière à tout projet de valeurs québécoises qui toucheraient à ce
qui serait considéré comme une expression ostensible de la croyance – plutôt, de
la crédulité – des fidèles. Il faut également souligner que cette existence de
la suprématie de Dieu sert à asseoir la légitimité de «la Reine du Canada» dont
elle est à la fois chef d’Église des Anglicans et fondement de l’État canadien.
Juifs, Musulmans, Catholiques et autres dénominations religieuses ne perçoivent
aucune contradictions entre Jéhovah, Yaweh, Allah ou Jésus avec le fait qu’ils
donnent l’auctoritas, chacun pour ses fidèles, au monarque
constitutionnel et à son Conseil des Ministres. La démarche républicaine québécoise s’oppose
donc à la démarche monarchique du Canada. Derrière la crise des accommodements raisonnables pointe donc une crise constitutionnelle qui implique la légitimité même du pouvoir central canadien.
Et voilà ce qui heurte la sensibilité des
Québécois. Une fois de plus Mini-Pet (qui courre d’une gay pride à une mosquée
pour se montrer partout «inclusif») et Thomas Mulcair du N.P.D. ont étalé leur
pudibonderie bien-pensante à l’égard des revendications des Québécois. Ce
faisant, ils ont réveillé les vieux antagonismes fédéral/provincial. Certes,
Bernard Drainville a beau jeu de demander au reste du Canada de laisser les
Québécois discuter entre eux de ce qui les concerne, mais le ministre ne
pouvait ignorer la confrontation potentielle qu’un tel document devait entraîner
avec la Charte Canadienne des Droits et Libertés. Les «néo-orangistes»
canadiens crient au nazisme et déblatèrent toujours les mêmes vieilles rengaines,
que ce n’est plus «the province ruled by the priests» mais les nazis bleus
qui sont prêts à faire de n’importe quel Shefferville ou Chibougamau un nouveau
Auschwitz. L’hypocrisie bourgeoise, les stéréotypes culturels et les préjugés
individuels n’ont plus qu’à reprendre leur travail de sape et nous verrons
le Canada revenir ce qu’il est vraiment : une fédération aux intérêts financiers
et économiques recouverte du statut de pays avec État. Quand on s’ennuie
au Canada – et on s’y ennuie beaucoup et souvent -, rien de tel pour se
divertir que faire du Quebec bashing.
D’un autre côté, quand 41% des Canadiens hors
Québec se disent d’accord avec la Charte québécoise, on comprend que le parti
Conservateur modère ses déclarations. Contrairement à Trudeau et Mulcair qui
jouent aux bien-pensants du multiculturalisme, Harper envoie Lebel dire
quelques sottises et le ramène aussitôt dans son cagibi. Une telle charte
copiée/collée au Fédéral pourrait éventuellement servir à raffermir les
soutiens régionaux conservateurs dans certaines parties du Canada. Si l’art de
gouverner consiste en «diviser pour régner», les gouvernements canadiens et
québécois s’entendent très bien sur la vieille leçon britannique. Comme
toujours, les apparences de discorde entre Canadiens et Québécois recouvrent de
son manteau les points de convergence. Les meilleurs comme les pires.
Et la Gueuse dans tout ça? Tel un python
entendant la douce musique de la laïcité, elle se dresse du panier d'osier où on l'y tenait enfermé. D’un côté,
il y a l’affirmation hystérique des musulmanes surtout qui nous présentent
leurs voiles et leurs signes religieux ou culturels comme faisant partie de
leur identité. Les Yvettes reprennent du service. Elles ne sont plus exactement
les mêmes qu’en 1980, mais elles portent le même message : l’assimilation
des liens d’aliénation et de domination comme partie identitaire de leur
personnalité. Comme les valeurs individuelles n’appartiennent pas au monde
oriental, il est facile de ramener l’individu non à sa dimension de Sujet libre
et actif, mais, comme le dit Dar al-islam, en individus soumis et paisibles. La
soumission, et non la liberté, ou encore la liberté dans/par la soumission est
la valeur de leur Être. Enlevez-leur cette soumission, elles ne sont plus rien.
Il en va de même pour ces affreuses barbes de musulmans. Faudrait-il en venir
aux solutions du Tsar Pierre le Grand qui avait décrété une loi rasant par la force la barbe des partisans de la secte des Raskols qui refusaient les
réformes du patriarche Nikon au début du XVIIIe siècle? Lorsque nous voyons Adil
Charkaoui, qui d’un côté réclame 26 millions de dollars pour avoir été traité
injustement par le gouvernement canadien, dresser d'autre part contre les Québécois sa barbe de militant islamiste
pour appeler des manifestants improvisés à marcher dans les rues de Montréal
contre la Charte, on ne peut que se demander où il a trouvé des organisateurs
aussi efficaces en 24 heures?
Car ce soi-disant «Collectif québécois contre l’islamophobie»
ne présente aucun statut légal – pas même de numéro de téléphone – et se
manifeste par un site internet. L’organisation ne compte pas d’autres membres
connus que Charkaoui. Par contre, on le voit accompagné du président du Conseil
musulman de Montréal, Salam Elmenyawi et de Hajar Jerroumi, tous deux ayant
appuyé, voilà deux semaines, un groupe de jeunes musulmans dit, «le collectif
Indépendance» (sic!) qui voulait faire venir des prédicateurs islamistes
controversés tenant des propos sexistes. C’est évidemment au nom de la liberté
d’expression des minorités religieuses que ces membres du Conseil musulman de
Montréal appelaient à la tenue de cette rencontre qui finalement, police inquiète?,
ne fut pas tenue. Par contre, le même imam Elmenyawi a déjà eu l’audace de
faire des démarches auprès du ministère de la Justice en 2004 pour instaurer au
Québec une cour islamique basée sur la charia. De telles exigences, que même la
communauté juive n’a jamais osé demander, sont une démons-tration du rejet et du
mépris de la collectivité québécoise, considérée par ces intégristes religieux
comme amorale et décadente. On a pas besoin de la crise de la Charte des
valeurs québécoises pour rappeler à ces gens que nous ne les avons pas appelés
à venir chez nous et que si nous leur répugnons tant que ça, le dégoût est
hautement partagé. Quand on est pas capable de faire sa loi dans son pays, on
ne s’ingénie pas à venir la faire dans le pays des autres. Voilà la face
hideuse de la Gueuse. Barbue ou en tchador, cette affirmation haineuse qui se
déguise sous un foulard québécois ou se cache derrière une pancarte, comme à
Québec, le 21 septembre 2013, portant l’inscription : «Protégez-nous des
Québécois de souche» ne mérite aucun «accommodement» que la raison dénonce d’elle-même.
Ces individus sont toxiques pour n’importe quelle communauté.
Et il y a l’autre Gueuse, notre vieille
catholicité aliénante qui se revêt du symbole patrimonial. C’est le crucifix à l’Assemblée nationale qui contredit à la fois la sincérité de la démarche
gouvernementale en affichant la laïcité dans la fonction publique et son
affirmation de ce que certains appellent, une laïcité catholique. Ce crucifix, amené là par Duplessis
du temps où il imposait la loi du cadenas contre les idées athées et communistes
ou le judaïsme et la secte des Témoins de Jéhovah, non seulement n’est pas une
œuvre d’art particulièrement originale, mais pourrait être remplacé par d’autres
symboles représentant le Québec (ce n’est pas ce qui manque). Il rappelle moins
notre tradition religieuse que notre goût pour les bondieuseries. L’étroitesse d’esprit,
le refus de l’instruction (la guerre des Éteignoirs, 1846), l’anti-intellectualisme
profond des Québécois, l’interdiction de la liberté de conscience (ordonnée par
Pie IX et pratiquée par les prélats en autorité jusqu’aux années 1950-1960) et
la condamnation de la libre-expression. C’est contre tout ça qu’on a lutté au
cours des décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Une religion
moralisante, où toutes spiritualités étaient évincées pour l'ostentation de la réussite bourgeoise dans la petite communauté paroissiale. Combien de fois
faudra-t-il que je l’écrive ou le dise. Entre 1840 et 1960, on a produit, dans
nos séminaires, des générations de jeunes prêtres, de théologiens, de latinistes versés dans
les écritures saintes et de tout cela, il n'en est rien sorti. Jamais l’un d’eux n’a réussi à émerger
de manière à enrichir la spiritualité chrétienne. Au contraire, ce sont les clercs catholiques
français, héritiers de la persécution des lois Ferry et Combes qui ont animé,
parmi d’autres, l’aggiornemento de Vatican II! Ces néo-thomistes, Gilson, Chenu,
Maritain, qui vinrent au Québec durant les heures sombres de l’Occupation, ont
avoué à quel point ils étaient effarés de trouver un clergé catholique aussi
borné et arriéré qu’ils préféraient enseigner à Toronto ou aux États-Unis
plutôt qu’à Montréal ou à Québec.
Cette Gueuse, elle s’est effondrée d’elle-même
dans un terreau nord-américain qui ne lui était pas favorable une fois que la
morale de la société de consommation s'est imposée. Depuis, bien d’autres scandales
ont miné la force de ce clergé. Restent les superstitions des uns et la foi
honnête des autres envers un Dieu qu’ils ne cessent d’interroger et de méditer
son silence. Or, la malheureuse formule du circulaire nous ramène le «croire»
dans les valeurs laïques de l’État. Comme Caligula, l’État québécois
voudrait-il se faire adorer comme un Dieu? Faudrait alors qu’il commence par
devenir un Dieu vivant et non cette belote qui est l’enjeu entre un parti de
bandits et un autre de lunatiques.
La nouvelle
Gueuse, en effet, il faut la mettre à sa
place. Les immigrants doivent apprendre qu’ils ne sont pas ici «au
Canada» mais
«au Québec», et les spécificités sont assez grandes pour établir et
maintenir
une distinction objective. Ils doivent se mettre en tête que nous ne
sommes pas
«un pays de mission». Que notre instinct de croisé peut renaître si on
le
provoque trop, et que dès lors, ils ne seront pas en position de force.
Enfin, que nos manières de faire la guerre idéologique ne sont plus
les mêmes que jadis. Qu’ils se promènent avec leurs costumes, gri-gri ou
autres, ce n’est pas pire que les affreux tatous que tant de jeunes
affichent
et qui enlaidissent autant leurs corps que le milieu où ils errent.
Nous
serons heureux de les accueillir dans la mesure où ils réaliseront que
s’ils
traînent la poussière de leur pays sous leur semelle, maintenant ils
marchent sur un autre chemin, et que si nous sommes prêts à les
recevoir avec plaisir, qu’ils sachent bien qu'ils seront ceux qui
souffriront le plus
s’ils s’obstinent à ne pas le reconnaître⌛
Montréal
22 septembre 2013
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